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Au ZKM, des tapisseries figent les grandes figures médiatiques du monde actuel

Jusqu’au 10 novembre, le Zentrum für Kunst und Medien à Karlsruhe accueille l’exposition Margret Eicher. Digital Worlds. L’artiste mêle la popculture actuelle et la tradition ancienne des tapisseries de cours.

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Au ZKM, des tapisseries figent les grandes figures médiatiques du monde actuel
Eröffnung « Margret Eicher. Digital Worlds » au ZKM de Karlsruhe.

Lady Gaga, Elon Musk, BTS, Spiderman et d’autres personnalités contemporaines issues du cinéma, de la science-fiction, des jeux-vidéos et de la publicité, se retrouvent figées, mises en scène dans l’exposition individuelle de Margret Eicher au Zentrum für Kunst und Medien (ZKM) à Karlsruhe.

Espiègle et avec une bonne dose d’humour, ces Medientapisserien (tapisseries médiatiques, une marque déposée par l’artiste) s’inspirent des tapisseries médiévales, pendues aux murs des châteaux pour les réchauffer mais aussi pour relater des événements religieux, historiques ou mythologiques et glorifier le pouvoir et la richesse des commanditaires.

Sur les Medientapisserien en revanche, pas de propagande. Margret Eicher y dénonce la société du spectacle et aliénation par les réseaux sociaux. Qui sont les grands du monde actuel Qui adulons-nous aujourd’hui via Instagram, Facebook ou X ? Serait-elle l’aristocratie d’aujourd’hui ?

Déchéance et prestige

En figeant les célébrités de notre génération sur un support précieux et prestigieux, qu’est le travail tissé, elle met en lumière une relation paradoxale aux icônes d’aujourd’hui. Les tapisseries étaient au Moyen Age des œuvres réalisées sur commande par des artisans au service du pouvoir. Margret Eicher réalise quant à elle ses tapisseries sans commande, et donc sans contrainte sur son point de vue d’artiste singulier, critique et ironique.

Elle joue avec les codes de représentation médiatique, déplace les usages et pratiques, travaille sur le long terme alors que l’information des réseaux sociaux est éphémère… Bref l’artiste se joue de notre mémoire courte, des effets de chocs visuels provoqués par les médias, elle nous interpelle pour questionner nos modes de réception d’une information toujours dépassée… Ce qui reste à la fin, ce sont des personnalités connues, mais hors contexte et hors du temps. Margret Eicher invite au travers de cette exposition à ralentir, à prendre le temps de réfléchir, de regarder.

Beyond the Scene, Margret Eicher. Photo : Felix Grünschloß

Un lien entre technologie et production textile

L’industrialisation de la production textile au XIXe siècle a été à l’origine du développement des technologies de l’information. Les machines à tisser employaient des cartes perforées pour automatiser des motifs complexes dans les textiles. Ce processus rigoureux et précis ressemble à un « programme ».  Par la suite, des cartes perforées ont été utilisées pour les premiers systèmes informatiques, comme méthode de stockage et de traitement de données. De ce fait, l’histoire de la production textile est une des plus anciennes formes de transmission d’informations programmées, ouvrant la voie aux technologies numériques modernes.

Les œuvres de Margret Eicher forment des rencontres dissonantes, entre l’art et la fabrique. Ces tableaux tissés semblent produits artisanalement, mais leur réalisation est industrielle, entièrement pensée sur ordinateurs.

Une Tapisserie de Bayeux réinventée

Le cœur de cette exposition est la tapisserie de 30 mètres de longueur Battle : Reloaded (2022). Cette longue fresque fait référence à la Tapisserie de Bayeux du XIe siècle, qui relate la conquête de l’Angleterre par Guillaume le conquérant, alors duc de Normandie.

L’œuvre majeure de Margret Eicher met en scène Julian Assange, Lara Croft, Lady Gaga, les tortues ninjas et des soldats Lego. Ce sont des personnages qui prennent souvent des poses caractéristiques ou caricaturales. Par exemple, le personnage de jeux vidéo Lara Croft est en train de sauter et de tirer avec son arme, ou encore l’iconique chanteuse Lady Gaga qui est représentée dans sa robe de la cérémonie des Grammy Awards de 2010. Ces personnalités sont souvent collées bout à bout sur la tapisserie, même si elles n’ont aucun lien entre elles, et qui semble indiquer que toutes ces icônes se mêlent, peuplant le monde commun, partagé par tous.

Margret Eicher, Battle : Reloaded (Detail), 2022Photo : Bild-Kunst, Bonn 2024


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