Mise en place après une condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne en octobre 2019, la Zone à faibles émissions (ZFE) fait partie des engagements de la France pour cesser de violer le droit communautaire. Elle vise à rendre conforme aux normes européennes les émissions de dioxyde d’azote (NO2) et la présence de particules fines, nocives pour la santé humaine, dans les cinq agglomérations en France visées par la décision de justice – les métropoles de Strasbourg, Marseille, Rouen, Lyon et Paris. D’autres collectivités ont depuis été incluses dans cette nouvelle politique publique.
Les ZFE ont été instaurées par la loi d’orientation sur les mobilités (décembre 2019), ainsi que par la loi sur le climat et la résilience (août 2021). En plus de ces deux textes, un décret de décembre 2022 est venu ajouter des seuils de pollution plus contraignants que ceux des textes communautaires (qui devraient eux-mêmes être révisés à la baisse). Il prend comme valeurs guides les seuils fixés par l’Organisation mondiale de la Santé, soit 10 microgrammes par mètre-cube (mg/m3).
Contrainte par l’État, l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) a donc a mis en place les limites géographiques de la zone et élaboré le calendrier des restrictions pour les véhicules les plus polluants. Ainsi, depuis le 1er janvier 2024, les véhicules classés crit’Air 4 et 5 n’ont plus le droit de rouler dans l’EMS.
Sortir de la ZFE ?
L’objectif premier reste d’améliorer la qualité de l’air et de la mettre en conformité avec les normes européennes. Selon les mesures d’Atmo Grand Est, citées par France Bleu Alsace, c’est chose faite.
Strasbourg pourrait-elle alors « sortir » de la zone ZFE ? « Tout dépend du ministère, on ne peut pas sortir de la ZFE comme ça », explique Cyril Pallarès, directeur opérationnel à Atmo Grand Est. Il pointe tout d’abord les stations de mesure de la qualité de l’air :
« Une de nos stations est située à côté de la M35, au niveau des remparts. Elle a été homologuée par l’État en 2022. C’est uniquement en 2022 que ses mesures étaient en dessous de 40 mg/m3. Entre 2017 et 2022, elles étaient au-dessus. Donc tout dépend des mesures qui sont prises en compte par l’État : s’il inclut cette station depuis 2022 uniquement, Strasbourg est en dessous des seuils de l’Union européenne depuis trois ans. Atmo a envoyé ses données à l’État, qui en fera ce qu’il souhaite. »
L’enjeu est purement théorique : prouver à l’Union européenne (UE) que les émissions de NO2 sont inférieures au seuil communautaire, trois années sur les cinq dernières. Ainsi, la ZFE ne serait pas « suspendue », mais le territoire sortirait du « contentieux européen ». La France prouverait ainsi qu’elle a pris les mesures nécessaires pour respecter le droit de l’Union suite à sa condamnation de 2019.
« Il est nécessaire et pertinent de continuer à rester dans une trajectoire d’amélioration de la qualité de l’air, pour anticiper ces évolutions réglementaires européennes qui ne vont pas manquer d’arriver. »
Pia Imbs, présidente de l’EMS
Accompagner la transition
Mais la ZFE est désormais entérinée non seulement par l’UE, mais surtout par le droit français ainsi que par des délibérations de l’EMS. « Et ce ne sont pas quelques mesures de qualité de l’air qui peuvent, seules, annuler tous ces textes », précise Emmanuel Rivière, directeur de l’Agence du Climat.
Car si cette ZFE est une réponse à une condamnation, elle a été pensée par le législateur et les exécutifs nationaux et locaux comme un outil pour permettre la transition vers des mobilités douces et l’autopartage. En témoigne la création de l’Agence du climat, qui depuis 2022 a rencontré 500 entreprises et 11 000 particuliers pour les aider à changer de véhicule, ou à comprendre les coûts des différentes mobilités – voiture, autopartage, transports en commun…
« La ZFE, c’est surtout un dispositif d’aide qui vient accompagner, à Strasbourg par l’Agence du climat, toutes les personnes qui veulent ou qui doivent changer de véhicule. On leur parle de mobilités décarbonées ou douces, on regarde ensemble les stations de transport en commun les plus proches de chez elles… »
Emmanuel Rivière, directeur de l’Agence du climat
En témoigne un décret de 2022 qui vient imposer à toutes les communes de plus de 150 000 habitants de créer une ZFE, d’ici fin 2024, si la concentration de dioxyde d’azote est supérieure au seuil OMS – soit 10 mg/m3. « Et cette limite, on n’y est pas du tout, je pense qu’aucune commune de l’EMS n’y arrive », explique Emmanuel Rivière.
Toujours pas de contrôle
Interrogée lors d’une conférence de presse jeudi 8 février, Pia Imbs, présidente sans étiquette de l’EMS, rappelle que les moyens de contrôle automatiques de la ZFE ne sont toujours pas en place. Et ils n’apparaîtront pas avant 2026, explique Pia Imbs, en continuant de défendre le dispositif :
« Nous sommes dans une application souple de la ZFE qui n’est ni punitive ni répressive, puisqu’elle continue à offrir des aides, dans un contexte où les contrôles se font quand même plutôt rares. »
Malgré les bons résultats de la qualité de l’air, la mise en place de la ZFE suivra donc son cours comme le calendrier eurométropolitain le prévoit.
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