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Voix et Route Romane : neuf rencontres avec la musique du Moyen-Âge

Pour sa vingtième édition, le festival Voix et Route Romane fait revenir ses « stars » en Alsace : les ensembles Organum ou Gilles Binchois par exemple. Ces noms ne vous disent rien ? Ils sont pourtant au sommet de leur art, ont une renommée mondiale et sont très difficiles à voir. Unique en son genre, le festival Voix et Route Romane propose à partir du samedi 31 août trois week-end mêlant l’art vocal médiéval et l’architecture romane. Des voyages dans le temps exceptionnels.

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Voix et Route Romane : neuf rencontres avec la musique du Moyen-Âge

L'Ensemble Cum Jubilo interprètera un mélange de pièces anciennes et contemporaines (Photo Vincent Jabouille / FVRR)

On connait peu le festival Voix et Route Romane. Et pourtant depuis vingt ans à la même période, il propose aux Alsaciens de découvrir la richesse de l’art vocal du Moyen-Âge, dans les lieux mêmes où il y a mille ans, on chantait la gloire de Dieu. Les moines ont disparu, mais depuis quelques dizaines d’années, des passionnés réunis autour de musicologues exigeants font revivre la musique médiévale, sacrée et profane, mêlant des recherches historiques, l’archéologie sonore et évidemment l’art vocal. Le résultat est qu’aujourd’hui en France, une poignée de troupes sont parvenues à une maîtrise exceptionnelle du chant choral, peut-être proche de celle du clergé régulier d’alors, dont c’était la raison d’être.

L’Ensemble Organum, dirigé par Marcel Pérès, est de ceux-là. Fondée en 1982 et installée en résidence à l’abbaye de Moissac (Tarn-et-Garonne) depuis 2001, la formation vocale collectionne les titres : diapason d’or, classical awards, choc de l’année du monde de la musique… Ce n’est guère étonnant, ces choristes ont adopté une discipline monacale en créant le Centre Itinérant de Recherche sur les Musiques Anciennes (Cirma). Au sein de cette structure, très largement soutenue par les collectivités locales et l’Etat, les musiciens développent des programmes de recherche et d’enseignement sur l’interprétation, en se basant sur les traditions orales transmises depuis le Moyen-Âge. L’Ensemble Organum a produit une trentaine de disques, tous des joyaux, des recréations complètes des monodies et des polyphonies, des premiers temps du christianisme jusqu’au XVIIIe siècle.

Ainsi, l’Ensemble Organum a ressuscité un manuscrit du XIIe siècle, renfermant la musique du culte de saint Jacques de Compostelle, le Codex Calixtinus :

Autre extrait, l’Introïtus du Requiem, dans la pièce Lux Perpetua :

Ça déménage n’est-ce pas ? Rappelez-vous qu’à Voix et Route Romane, l’Ensemble Organum ne chantera pas dans une bête salle de concert, mais dans l’église Saints-Pierre-et-Paul de Rosheim avec des polyphonies romanes et dans l’église Saint-Pantaléon de Gueberschwihr pour la Messe de la Nativité de la Vierge. Cette dernière œuvre sera chantée le 8 septembre, soit le jour exact pour lequel elle a été écrite. C’est à ce genre de détails qu’on se rend compte du niveau d’exigence qui anime la programmation du festival.

3000 spectateurs sur une dizaine de concerts

Denis Lecoq, directeur de Voix et Route Romane, explique l’ambition :

« Notre festival est le second en France par son importance pour la musique médiévale. D’autres festivals existent, mais qui sont élargis à l’ensemble de la musique ancienne, comme celui de Ribeauvillé ou de la Chaise-Dieu. Et nous limitons encore à l’art vocal. Donc notre objectif n’est pas tellement de progresser en nombre de billets vendus, mais de maintenir une qualité d’exécution irréprochable, dans des lieux d’histoire magnifiques. »

Effectivement, le festival stagne depuis des années autour de 3000 spectateurs, qui se déplacent parfois de très loin pour assister à une dizaine de concerts. Les spectacles ayant lieu dans des églises anciennes, les jauges sont très limitées, entre 150 et 300 personnes maximum. Dans ces conditions, difficile d’attirer plus de spectateurs et d’équilibrer le budget de 240 000 euros. Le festival est donc subventionné par les collectivités locales alsaciennes, dont les villes hôtes, à plus de 85%. Sachant que les formations sont elles-mêmes également subventionnées, le prix des places est incitatif : 15€ maximum.

L’Ensemble Gilles Binchois fait aussi partie des « têtes d’affiche » de Voix et Route Romane. Nommé en hommage à un compositeur franco-allemand né vers 1400, l’Ensemble s’est d’abord fait connaître grâce à des reconstitution d’œuvres médiévales profanes, des chansons de troubadour, telle cette pièce, « Revecy Venir, Amour, Amours » :
 

Je ne vis oncques la pareille

Messe de Notre-Dame (Guillaume de Machaut), concert au Festival du Thoronet

Expériences et nouveaux arrivants

Mais tout ne sera pas qu’exégèse orthodoxe dans ce festival, puisque des croisements entre les siècles auront lieu, notamment lors du premier concert ce vendredi. L’Ensemble Plurielles (de Strasbourg) fera une « battle » contre la Schola Gregoriana Pragensis, où les deux formations alterneront dans l’enceinte de l’église Saint-Trophime d’Eschau chants grégoriens et chants contemporains.

Pour Denis Lecoq, ce genre d’aventure est essentielle :

« On essaie de diversifier les publics. Nous ne voulons pas d’un festival figé. Ainsi, nous accueillons cette année la Capilla Flamenca, qui interprétera une Messe In myne Zyn accompagnée à… l’accordéon. C’est assez surprenant, mais nous avons toute confiance en eux, on les connaît bien, ce sera forcément fantastique. »

Les festival invite aussi deux formations qui n’ont jamais été programmées lors des éditions précédentes, Cum Jubilo de Charente et La Morra de Bâle. Le premier ensemble proposera un répertoire issu de compositions du VIe siècle au XIIe siècle, narrant les gloires de Radegonde, Reine de France, d’Hildegarde de Bingen et d’Aliénor de Bretagne.

Extrait de l’album Jacobus de Cum Jubilo

Autre rendez-vous notable de cette vingtième édition, la Messe de Notre-Dame de Guillaume de Machaut, un « classique » de l’Ars Nova, chant religieux du bas Moyen-Âge. Elle sera interprétée cette année par l’ensemble Diabolus in Musica, de Tours, le dimanche 9 septembre à Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg.

Et intéressante innovation cette année : l’organisation du festival a mis en ligne sur son site un système de covoiturage. Aller à Ottmarsheim n’aura donc plus l’air d’une quête arthurienne.

Y aller

Festival Voix et Route Romane, week-end du 31 août au 2 septembre, du 7 au 9 septembre et du 14 au 16 septembre dans différentes églises d’Alsace. Site web. Réservations : 03 90 41 02 02.


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