À Hautepierre, chaque année, une fête de quartier est organisée au début de l’été, ainsi qu’un événement sportif et culturel pour la jeunesse en septembre. Mais cette année, du 15 au 19 septembre, une version augmentée de ces festivités prendra place dans plusieurs lieux de cette zone du nord-ouest de Strasbourg. En raison de la crise sanitaire, les cinquante ans de Hautepierre (1969-2019) n’ont pas pu avoir lieu avant. Ce quartier prioritaire (QPV) strasbourgeois, souvent stigmatisé, veut ouvrir le dialogue avec le reste de la ville et les élus, et tente de se désenclaver depuis plusieurs années.
« C’est un quartier qui a souvent mauvaise presse » explique Martin Nussbaum, directeur du centre socio-culturel (CSC) Le Galet à Hautepierre et co-organisateur des festivités. « Avec cet événement, nous voulons mettre en avant ses richesses et valoriser son histoire. » Le coup d’envoi sera donné à 16h, mercredi 15 septembre sur le parvis du CSC avec des prises de paroles officielles avant un discours interreligieux. La suite de l’après-midi sera rythmée par une chorale de chants des années 70, un gâteau d’anniversaire et la mise en terre d’une boîte à souvenir, à ouvrir dans 50 ans.
Raconter le quartier au passé, présent et futur
La soirée du 15 septembre enchaînera sur un spectacle de talents du quartier, au théâtre de Hautepierre, avec un concert de hiphop, un concours d’éloquence, un concert des Percussions de Strasbourg, mais aussi des témoignages d’histoires du quartier. C’est l’un des objectifs affichés par Martin Nussbaum et par la trentaine de partenaires associatifs, privés et institutionnels de l’événement : (re)donner la voix aux habitants. Pour qu’ils et elles racontent leur vécu et montrent comment ils ont fait, font et feront vivre ce quartier.
Le lendemain, jeudi 16 septembre, les portes de La Maison du Projet s’ouvriront de 15h à 19h pour des expositions et des échanges autour des rénovations urbaines du quartier. Vendredi, ce sera au tour de la pépinière d’entreprises d’ouvrir ses portes avec une visite de la chaufferie (qui accueille des faucons pèlerins) en parallèle. À 20h30, une avant première de la websérie « Au pied de ma tour », réalisée par des personnes habitant le quartier, sera diffusée en plein air sur le parvis de la médiathèque.
Fête du quartier samedi et session sport pour les jeunes le dimanche
Le cœur de cette semaine d’anniversaire se déroulera le weekend des 18 et 19 septembre, avec des temps plus traditionnels, qui rappellent les précédentes fêtes de quartier. Cette année, une exposition photo de l’évolution du quartier, des témoignages des premiers habitants historiques de Hautepierre, et une scène ouverte pour les talents locaux accompagnent les festivités (buvette, restauration, danses tchétchènes, château gonflable, jeux de bois, atelier cuisine…).
Tout au long de la semaine, une comédienne fera visiter les « mailles » – ou ilots – du quartier à travers un parcours de « streetart ». En clôture de l’événement, le dimanche se veut concentré sur la jeunesse avec des initiations et animations sportives (futsal, basket, boxe thaï…).
« La principale problématique, c’est le chômage »
Le quartier de Hautepierre a l’une des populations les plus jeunes de France, avec 42% des habitants qui sont âgés de moins de 25 ans et un fort taux de chômage. Selon Martin Nussbaum, le chiffre atteint 30,8% pour les 15-64 ans et 42% pour les 15-24 ans : « La principale problématique, c’est le chômage. Cela occasionne pas mal de désespoir et des dérives chez les jeunes. Il y a encore beaucoup à faire de ce côté-là. »
Aujourd’hui, alors qu’une nouvelle vague de rénovation urbaine est encore en cours, le directeur du CSC se réjouit tout de même qu’avec cet anniversaire de quartier les liens entre le tissu associatif, les habitants et les élus se soient un peu ressoudés. La Ville de Strasbourg a financé l’événement des 50 ans du quartier a hauteur de 6 000€, l’État via la préfecture du Bas-Rhin à hauteur de 5 000€ et la Communauté Européenne d’Alsace (CEA) à hauteur de 2 000€.
Nouveau visage du quartier, mais difficultés persistantes
Mais ce lien renouvelé n’empêche pas le directeur du CSC de constater toujours les mêmes difficultés : « Il y a des infrastructures, ce n’est pas là que le bât blesse, mais c’est dans l’humain où il n’y a pas suffisamment de moyens en direction des jeunes. » Il évoque des labellisations « cité de l’emploi » et « cité éducative » du quartier par le gouvernement qui tendent à améliorer la situation. « C’est un travail de longue haleine, et on sait aussi que ces dispositifs ne vont pas tout régler du jour au lendemain », précise Martin Nussbaum.
Depuis 1969, Hautepierre a connu des changements considérables. « Le quartier a changé complètement de visage » explique Martin Nussbaum. Depuis les rénovations entre 2009 et 2015, il est plus accessible, grâce entre autres à l’extension du tram après l’hôpital. « Mais ce n’est pas parce qu’il a changé d’allure que les difficultés sont parties », assure le directeur.
Comme le montre un récent reportage de Franceinfo, les habitants du quartier se sentent toujours délaissés par les pouvoirs publics, malgré les nouvelles infrastructures. Le 10 septembre, deux salariées du CSC de Hautepierre, 5 habitantes du quartier et l’adjoint à la Ville de Strasbourg à l’équité territoriale, Benjamin Soulet, ont déposé au gouvernement un rapport national sur les « paroles d’habitants » des quartiers prioritaires. Preuve que le temps des festivités et le temps des échanges politiques est bien séparé, et que l’un n’empêche pas de se battre pour l’autre.
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