À chaque manifestation depuis l’utilisation par le gouvernement de l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter sa réforme des retraites, son lot de vidéos chocs. Tremblantes, mal cadrées, elles captent pourtant le regard en dévoilant de manière crue des policiers hors d’eux, utilisant la force lorsque cela n’est pas ou plus nécessaire, voire prêts à provoquer les manifestants ou à régler leurs comptes avec eux.
Dans ce contexte volatil, la journée de guérilla qu’ont connue les manifestants contre une mégabassine et les gendarmes à Sainte-Soline a été très relayée, avec des scènes quasi militaires et des centaines de blessés, dont les plus graves sont à déplorer parmi les manifestants. À Strasbourg lundi 20 mars, une nasse de fait a été mise en place Petite rue des Dentelles : des dizaines de personnes ont été privées d’air sans qu’elles puissent s’échapper, provoquant une panique et choquant celles qui étaient présentes (voir notre enquête). Face à ces exemples, trois députés bas-rhinois de la majorité d’Emmanuel Macron interrogés par Rue89 Strasbourg refusent de parler de problème systémique.
Bruno Studer : « Il faut bien que les casseurs soient interpelés et punis »
Marcheur de la première heure, élu pour la troisième circonscription du Bas-Rhin et toujours raccord avec la ligne du gouvernement, Bruno Studer ne détonne pas plus à propos des violences policières. Estimant que le durcissement des manifestations est un « prolongement des propos extrêmement violents de la Nupes », il reconnaît du bout des lèvres une possibilité d’abus :
« Bien sûr, les erreurs sont toujours possibles. La justice est là pour les examiner, si ces erreurs sont établies. Il faut rappeler que le maintien de l’ordre est défini par des lois, comme la nasse, qui reste elle aussi encadrée. Et il faut bien que les casseurs soient interpelés et punis. (…) Je rappelle également aux manifestants que la loi peut défaire ce qu’elle a fait. C’est le principe de notre système. Si la Nupes est opposée à la réforme, elle a totalement le pouvoir de se représenter aux élections avec son candidat, en 2027. Et si elle gagne, elle pourra revenir sur la loi. »
Charles Sitzenstuhl (Renaissance) : « S’il y a un usage disproportionné de la force, il vient des casseurs »
Se déclarant « très préoccupé par la montée des violences politiques », le député de la cinquième circonscription du Bas-Rhin, Charles Sitzenstuhl (Renaissance) pose d’emblée un soutien ferme aux CRS, aux policiers et aux forces de l’ordre en général. Dans un bref entretien, il réitère le mantra sécuritaire du gouvernement :
« Je fais toute confiance aux forces de l’ordre, même si certains groupes politiques à l’extrême gauche tentent de discréditer la police. S’il y a un usage disproportionné de la force, il vient des casseurs. Ce sont eux qui m’inquiètent. (…) Il y a clairement des gens dans ces rassemblements qui veulent abattre la Cinquième république. »
Vincent Thiébaut (Horizons) : « Les violences restent très marginales »
À l’autre bout du fil, la voix de Vincent Thiébaut (Horizon) est moins martiale que celle de ses collègues. Sans remettre en question les comportements des forces de l’ordre, le député de la 9e circonscription évoque des manifestations plutôt calmes à Haguenau :
« Depuis ma circonscription, je ne constate pas vraiment de violence. La seule manifestation spontanée qui a eu lieu, c’est un rassemblement de six retraités “Gilets jaunes”, qui tenaient un rassemblement avec des chaises pliantes. Après pour Strasbourg… Je ne suis pas juge, s’il y a des abus il faut que la justice mène ses enquêtes. On peut imaginer qu’il y a de l’exaspération des deux côtés. Mais il ne faut pas que le droit à manifester, qui est un droit fondamental, devienne un droit à la violence. (…) Quand j’étais jeune, j’ai moi-même participé à des manifs (contre la loi Devaquet en 1986, NDLR) et j’ai été choqué par la mort de Malik Oussekine. Mais les violences similaires restent très marginales, ce n’est pas comparable à celle des émeutiers. »
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’a rien vu à Sainte-Soline qui mériterait une enquête quant aux moyens déployés par les forces de l’ordre. Elles ont tiré 4 à 5 000 grenades lacrymogènes en deux heures, tirant indistinctement sur des groupes de manifestants venus s’opposer à la construction d’une mégabassine privatisant l’eau de pluie, et sur les militants radicaux qui ont tenté de forcer le barrage imposé pour y accéder.
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