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Pourquoi les vélos électriques ne se vendent pas à Strasbourg

Les ventes de Vélo à Assistance Électrique (VAE) ne décollent pas dans la « capitale du vélo » qu’est Strasbourg. Trop cher, inutile sur les terrains plats, mauvaise image expliquent ce phénomène alors que ces vélos proposent une alternative pour les transports quotidiens des habitants de la seconde couronne de Strasbourg.

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Un modèle de VAE de la boutique Rustine et Burette.

Un modèle de VAE de la boutique Rustine et Burette.
Un modèle de vélo à assistance électrique (VAE) de la boutique Rustine et Burette.

Strasbourg, paradis des cyclistes. Le 2 juin, le cabinet danois Copenhagenize dévoilait justement son top 20 des villes les plus cyclables. Dans ce palmarès, la capitale alsacienne arrive à la 4e position. Mais si un classement avait été fait sur le marché des Vélos à Assistance Électrique (VAE), le constat n’aurait pas été le même. C’est peu dire que les usages et ventes des VAE ne décollent pas dans la métropole française du vélo.

Vélo à assistance électrique : les enjeux, le mécanisme

Sur un VAE, l’assistance électrique se déclenche dès que l’usager doit pédaler, le système permet d’atteindre 20 km/h sans effort. Les vendeurs de la boutique Rustine et Burette, située rue des sœurs à Strasbourg, présentent la composition d’un VAE ci-dessous. On y voit donc le moteur et la batterie, les commandes n’étant pas présentes sur ce modèle.

Un VAE est cher à l’achat : entre 800€ pour les bas de gamme et 3 000€ pour les plus performants. Mais pour effectuer des trajets domicile-travail, il revient nettement moins cher que la voiture dont les dépenses liées à l’entretien peuvent vite grimper.

De plus, le VAE a l’avantage d’être plus pratique et finalement plus rapide en milieu urbain, comme le montre une étude de 6t-bureau de recherche, qui a récolté des données sur l’usage et les usagers du VAE à partir d’un panel de personnes sondées.

VAE
« Vitesse moyenne de déplacement à VAE calculée à partir des résultats du sondage comparée à la vitesse moyenne de déplacement par mode de transport dans quelques grandes villes européennes. » (Image 6t-bureau de recherche, 2014)

Malgré ces aspects positifs, les Strasbourgeois ne sont pas convaincus.

Trop chers pour des vélos

Dans la capitale alsacienne, le VAE peine à se faire une place parmi ses aïeuls, les vélos mécaniques. Selon un communiqué de presse de l’Observatoire du cycle publié par Univelo et FPS, un vélo classique en France s’est vendu en moyenne à 307€ pendant l’année 2014. Un tarif trop bas pour que les VAE se démocratisent puisque leur coût moyen est de 1 500€, un prix que les Strasbourgeois ne sont pas encore prêts à payer. Dans les cyclo-boutiques éparpillées un peu partout dans la ville, les ventes ne dépassent pas la dizaine par an.

Pourtant, à l’échelle nationale, les chiffres sont encourageants. En quelques années, le nombre de ventes a augmenté de 37%. En 2014, près de 80 000 VAE ont été vendus sur l’ensemble du territoire français.

Wheel’e, installé depuis 2013 dans la pépinière d’entreprises de Hautepierre, est l’un des rares à se démarquer sur le territoire strasbourgeois. En 2014, l’entreprise affiche un bilan de 300 000€ après avoir vendu 70 montages et 230 VAE. Jean Pascal Yvoz, responsable de Wheel’e, explique que leur cas est particulier :

« On est plus un atelier qu’une boutique. On fait nos vélos de A à Z et on les vend ensuite. Mais on monte aussi pas mal de kits. Les gens viennent avec leurs propres vélos et on y installe l’assistance électrique. Forcément ça revient moins cher dans ce cas-là. »

Pour le reste, l’usage des VAE à Strasbourg reste encore embryonnaire selon Virgile Caillet, chargé de communication à Univelo :

« On n’a pas de chiffres exacts mais on sait bien qu’à Strasbourg le VAE a un peu plus de mal à se démocratiser. En France, il y a des incitations un peu partout. À Paris par exemple, il y a des subventions qui prennent en charge 30% du prix d’achat d’un VAE, jusqu’à 400€. Mais à Strasbourg ça n’existe pas encore. »

Subventionnés à Colmar, pas à Strasbourg

À Colmar, plus de 15 000 cyclistes ont déjà bénéficié de ces aides. Pour l’achat d’un VAE neuf, la collectivité prend en charge jusqu’à 200€ du prix d’achat. Pour Jean-Luc Kaeuffer, responsable de la boutique Rustine et Burette, c’est une mauvaise idée :

« Les subventions c’est un prétexte. Il vaut mieux que les gens apprennent à découvrir l’utilité du produit par eux-mêmes et qu’ils achètent un vélo parce qu’ils en ont besoin, pas parce qu’on les assiste financièrement. Et il faut que les gens arrêtent de voir le VAE comme un pur produit de consommation qu’on achète et qu’on laisse de côté. C’est censé être un produit utile qui permet de se déplacer tous les jours sans trop se fatiguer et qui limite l’usage de la voiture. Sur le long terme c’est carrément plus rentable. »

Jean-Baptiste Gernet, conseiller eurométropolitain délégué au vélo, a bien saisi cet enjeu :

« On va tenter d’avoir un impact en faisant réfléchir les gens sur leur comportement. On compte mettre en place une démarche de diagnostic de mobilité avec Mobilex et Cadr 67 où les gens pourront voir selon leurs habitudes ce qu’ils gagneraient à utiliser le VAE en comparaison de leur voiture. Plusieurs critères seront pris en compte comme la durée du trajet, les dépenses… Mais il n’est pas question de subventionner l’achat d’un VAE, on propose de les découvrir via Velhop, qui a près de 50 VAE à la disposition des Strasbourgeois. »

VAE rime avec « vélo de vieux »

Les boutiques de vélo s’accordent sur ce fait : ce sont rarement les habitants du centre-ville qui se lancent dans l’achat du VAE. Dans les alentours, c’est déjà un peu plus commun, bien que ça reste marginal. Pour certains vendeurs, comme Naddaf Kambiz, gérant de la boutique Tendance Cycles, c’est une question de paysages urbains :

« Typiquement, nous sommes dans une région plutôt plate à Strasbourg. La plupart des gens ne voient donc pas l’intérêt d’utiliser un VAE qui peut être plus utile dans les coins plus en relief. D’où ce boom des VAE qui n’a pas encore atteint Strasbourg. »

Les VAE sont rares dans le coin, même quand il s’agit de réparation ou d’entretien. À Vélostation, qui propose une aide bénévole à la réparation des vélos, la présidente de l’association Isabelle Gillot ne voit jamais l’ombre d’un guidon de VAE :

« Ici, il n’y a qu’une seule bénévole qui est venue avec son VAE et c’était pour retirer la batterie. De toute manière, on ne pourrait pas aider les propriétaires de ces vélos, on n’aurait pas les compétences nécessaires. Je pense que le temps de la démocratisation des VAE n’est pas prête d’arriver à Strasbourg. En France, quand on pense VAE on pense vite à vélo de vieux. »

« Vélo de vieux », « vélo de fainéant ». Dans l’esprit des cyclistes, l’image du VAE n’est pas très positive. Du coup, dans les boutiques et ateliers, les principaux usagers se situent dans la fourchette de la quarantaine, la cinquantaine voire plus. Une réputation à laquelle n’adhère pas Jean Christophe Grosjean, gérant du magasin Sago Bikes, anciennement Hafen Radler, situé à Kehl :

« Maintenant il y a des VTT à assistance électrique aussi. Et ça a le vent en poupe parce que contrairement aux vélos classiques, on va s’amuser en montée. Là où on a tendance à peiner avec un vélo mécanique et où on va rouler à 5 km/h, et bien on va pouvoir aller à 15 km/h grâce à l’assistance électrique. En Allemagne, ça se vend beaucoup mieux. »

C’est un euphémisme. Avec ses 480 000 ventes de VAE en 2014, l’Allemagne distance largement la France.


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