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Cyclistes frustrés à la Vélorution « inter-quartiers »

La vélorution du vendredi 21 juillet a été très frustrante pour ses participants. L’itinéraire ne correspondait plus aux axes dont les aménagements devaient être dénoncés et les cyclistes ont dû rester sur les pistes cyclables, afin de ne pas gêner la circulation automobile.

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Cyclistes frustrés à la Vélorution « inter-quartiers »

Vendredi 21 juillet en fin d’après-midi, des cyclistes en tout genre se massent près de la passerelle des Deux-Rives, au Port du Rhin. Vélos couchés, courbés ou surélevés, munis d’une cargaison ou d’une enceinte, strasbourgeois ou venus d’ailleurs écoutent avec attention les porte-paroles de l’association Strasbourg à vélo.

Une vélorution sans occupation

À l’origine de cet appel, Benoît Écosse et Alice Guiffard rappellent les modalités quelques peu particulières pour cette cinquième « vélorution » organisée à Strasbourg depuis le début de l’année. Dépités par un itinéraire modifié lundi par la préfecture, les organisateurs se désolent de ne pas pouvoir passer par les axes sur lesquels ils entendaient démontrer leur inadaptation à la circulation cycliste. Deuxième mauvaise nouvelle et c’est une première : les participants devront rester sur les pistes cyclables. Une perte de « l’essence même de la masse critique », développera Benoît Écosse un peu plus tard :

« Le principe de la vélorution est d’occuper l’espace sur la chaussée pour contrebalancer le monopole de la voiture. C’est comme ça qu’on a pu obtenir des pistes cyclables sur l’avenue des Vosges. Si on ne peut pas militer sur ces espaces pour un meilleur partage, le message revendicatif ne peut pas passer. »

L’arrivée des vélos surélevés à la passerelle des Deux-Rives Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Top départ pour la vélorution, sur les airs du groupe australien King Gizzard Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

A l’apparition de deux vélos surélevés, les quelques « bouh » qui ont accueillis les contraintes annoncées disparaissent au profit des « hourras » et des sonnettes qui retentissent. Quelques minutes s’écoulent, puis les coups de sifflet tintent et la vélorution se met en route. À l’arrière, le cortège est entraîné sur les airs de King Gizzard and the Wizzard Lizard – un groupe australien de rock progressif – qui apporte aux premiers coups de pédales un côté lyrique et chevaleresque. Sur leur visage, caressés par une fine brise de vent, se dessinent peu à peu de larges sourires.

Des contraintes appliquées avec fermeté

Très rapidement, la manifestation ralentit, contrainte à chaque intersection de s’arrêter et d’attendre patiemment avant de pouvoir repartir. « C’est n’importe quoi, on ne fait que gêner les cyclistes et les piétons, alors qu’on ne voit quasiment aucune voiture », scande un cycliste auprès d’un policier, chargé de sécuriser les intersections.

Les cyclistes dans l’attente que l’avant du cortège se débloque Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Nouvel arrêt, rythmé par la sono de Bike’n’sound Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Après le pont d’Anvers, quelques cyclistes commencent à investir la chaussée sur l’avenue de la Forêt-Noire, où la circulation automobile est absente. Dans l’harmonie des sonnettes et rejointe par les autres cyclistes, la file de vélos se transforme en une masse conséquente emplie d’éclats de rire et d’une liberté diffuse. Un bref instant de joie stoppé à la seconde intersection. Les policiers prennent à part les organisateurs de Strasbourg à vélo, qui annoncent :

« On nous impose de rappeler à tous les participants de revenir sur la piste cyclable sans quoi nous devrons stopper la manifestation. »

Un skate-board se distingue des deux roues, avec le symbole du mouvement Extinction Rebellion Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Benoît Écosse rappelle qu’il est habituel d’occuper la chaussée avec les vélorutions :

« On l’a perçu comme une gestion autoritaire de la manifestation, on ne s’attendait pas à ce niveau de fermeté des policiers, ni à la menace que la manifestation soit arrêtée. Que ce soit chez les responsables et les vélorutionnaires, on a ressenti de la frustration et de l’incompréhension. »

« Au dépens des autres mobilités »

Pour le membre de l’association, la décision de la préfecture vise à « ne surtout pas déranger le trafic automobiliste au dépens de ceux qui font le choix d’autres mobilités ». Il fait ici référence aux nombreux cyclistes et à la personne en fauteuil roulant croisés dans l’autre sens, gênés par l’ampleur du cortège formé par les quelques 200 cyclistes selon Strasbourg à vélo.

Les cyclistes en route vers la place de Bordeaux Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Résignés, les participants se remettent en route sur les basses de Bike’n’sound en prenant garde de ne pas déborder des pistes cyclables. La vélorution atteint la place de Bordeaux où une pause avait été annoncée. L’occasion pour les cyclistes d’échanger un peu et de se rencontrer, puisqu’ils ne peuvent pas se parler sur les pistes.

L’un reproche à la préfecture « l’excuse de l’heure de pointe » : « on est en juillet, les gens sont en congés, ça ne tient pas la route », lâche-t-il agacé. À côté de son vélo-cargo, Pierre, 42 ans, en profite pour afficher son désarroi :

« Rester sur les pistes crée des embouteillages de dingue, c’est hyper contraignant et on se gêne les uns les autres. Chacun fait son petit itinéraire l’un derrière l’autre, c’est pas marrant. On n’a pas le sentiment d’être ensemble, en fait. Par la puissance du nombre, on aurait dû avoir notre place sur la route. »

Les coups de sifflets marquent la reprise de la manifestation, direction Koenigshoffen où se déroule un festival de la contre-culture vélo, Cyclocamp. Les policiers pressent les derniers du cortège afin de ne plus avoir à bloquer l’intersection. À l’allure tranquille, la vélorution reprend en longeant le quartier de la gare puis les nombreux jardins aux douces odeurs fleuries, s’interrompt de temps en temps avant de reprendre au gré des feux rouges.

Le cortège arrive finalement à destination, après deux bonnes heures de déambulation lente et entrecoupée. Les vélos envahissent le site du festival, parc Saint-Gall, ce qui remplit de joie ses organisateurs. L’un d’eux, Fabien Morin, commente tout souriant :

« C’est vraiment une belle surprise de voir tout ce monde arriver d’un coup ! On n’avait aucune idée du nombre que nous serions parce que beaucoup d’étrangers sont venus directement de la vélorution. »

L’amertume de ne pas avoir obtenu « la liberté désirée », comme le résume Benoît Écosse, se dissipe peu à peu alors que les balances résonnent avant que les musiciens lancent les festivités du Cyclocamp.


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