11h, parvis de la cathédrale à Strasbourg. Jean-Charles Muller vient de terminer sa première course en vélo-calèche de la journée. Un couple de touristes allemands a réservé la veille pour une balade de 30 min en fin de matinée ce mercredi 10 juillet au centre-ville. C’est avec un large sourire qu’il regagne son coin stratégique sur la place, en se faufilant entre les touristes à la recherche de nouveaux passagers.
Le pilote ne se permet pas plus de 5 minutes d’arrêt. Si pendant ce temps il ne se fait pas interpeller par les passants défilant devant Notre-Dame, il se remet en selle, fait des allers–retours devant la façade et active sa sonnette pour se faire remarquer. Une fois qu’il se fait aborder par des curieux, il ne lui reste plus qu’à les convaincre que monter à son bord leur économisera de l’énergie et du temps.
12 heures de vélo par jour
Pari réussi ce matin pour Jean-Charles Muller. Un couple de touristes aimerait être déposé place Kléber. Le trajet est court mais quelques minutes plus tard, il revient avec à l’arrière de son vélo, deux autres touristes allemands qui souhaitaient justement visiter la cathédrale. A peine déposés, les Jean-Charles reprend le guidon, et ainsi de suite jusqu’au coucher du soleil :
« Je transporte les gens là où les taxis ne peuvent pas aller. Ce matin, j’ai eu un couple d’Italiens qui avaient du mal à marcher, ils voulaient aller au Musée Rohan. Je les ai déposés devant la billetterie, dans la cour. »
A 34 ans, ce littéraire et sociologue de formation mûrissait son idée de créer sa petite entreprise autour du vélo-taxi. Après trois années passées comme employé chez un vigneron de la région, il a eu hâte d’en finir avec les rudes hivers dans les vignes.
Un beau vélo… à 8 000€
Avec l’aide de l’Association pour le Droit à l’Initiative Economique (ADIE), il parvient à lancer sa petite entreprise le 3 juin, sous la marque Cyclorama. Problème : la seule marque acceptable pour son vélo particulier, les cycles Maximus au Royaume-Uni, ne produisent plus le modèle dont il a besoin. Jean-Charles reçoit l’aide inespérée d’un collègue vélo-taxi de Valenciennes, qui lui loue un de ses vélos, jusqu’à ce que la production reprenne. En attendant, Jean-Charles économise pour réunir les 8 000 euros nécessaires à son acquisition.
« Mon véhicule c’est la Mercedes du vélo. Tout est conçu pour que le pilote et les passagers s’y sentent bien. Il y a des feux et des clignotants, des protections contre la pluie… Il est également doté d’un moteur électrique qui permet d’arpenter les montées sans trop d’efforts. »
Malgré le confort, il reconnait tout de même le côté épuisant de son activité. Ses journées se déroulent en deux parties : la matinale de 10 heures à 18 heures et la nocturne, réservée aux balades romantiques, de 21 heures à 1 heure du matin. Soit jusqu’à 12 heures de travail par jour et une distance quotidienne parcourue entre 40 et 50 kilomètres… Très vite, Jean-Charles s’est aperçu qu’il lui faudrait partager ce temps avec au moins un associé… Il le cherche toujours :
« Ce travail demande beaucoup d’effort physique. A la fin de mes journées, je dors bien et je n’ai plus de problèmes d’insomnies. »
De la calèche estivale au taxi
Jean-Charles Muller propose aux touristes des balades en vélo de 25 minutes à une heure pour des tarifs allant de 15 à 50€ par personne. Mais son objectif est de proposer son service de transport alternatif et écolo, à 1,5€ le km, à tous les Strasbourgeois :
« L’idée est de permettre de combler ce chaînon manquant dans les déplacements au centre-ville, des petites courses vers des points difficilement accessibles en voiture. Je vais proposer aussi des livraisons. »
Jean-Charles Muller ne craint pas d’y perdre ses mollets, mais il lui faudra vaincre la cruelle réalité économique, qui veut qu’aucune activité qui ne génère pas au moins 20€ de chiffre d’affaire à l’heure ne soit pérenne :
« Même si Je n’arrive pas encore à me faire un smic à la fin du mois, je suis confiant, je constate qu’il y a de l’enthousiasme chez les passagers et c’est encourageant. Je crains surtout que mon activité ne reste saisonnière. Si c’est le cas, je trouverai une autre activité pour l’hiver. »
L’idée de transport en vélo a vu le jour en France à Lyon en 2003. Une dizaine d’autres villes dont Paris, Marseille, Lille, Bordeaux ont suivi la tendance. Capitale du vélo, il était temps que l’offre soit proposée à Strasbourg.
Aller plus loin
Le site web de Cyclorama. Les mollets de Jean-Charles Muller peuvent être réservés au 06 16 562 262.
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