La scierie SIAT est un immense site de 32 hectares à Urmatt, commune de la vallée de la Bruche de 1 500 âmes. C’est presque un village dans le village, où des centaines de tronçons de bois et de palettes attendent d’être transformés en panneaux et poutres destinés à la charpente, à la couverture et à l’ossature des bâtiments.
C’est aussi là que s’élève une grande centrale de cogénération, où l’écorce, premier déchet de l’activité d’une scierie, est brûlée pour fabriquer de la biomasse puis de l’électricité. L’autre résidu, la sciure, y est transformée en granulés pour les chaudières à bois.
Ces trois activités de l’entreprise (bois de construction, bois d’aménagement et énergie renouvelable) permettent à Lionel Welsch, le responsable santé sécurité de SIAT, de dire que « 100% de la matière première entrante est transformée en produits immédiatement commercialisables. »
SIAT, une entreprise familiale qui a grandi tout au long de ses 200 ans d’existence, a fait ce choix en 2012-2013, avec un investissement de 45 millions d’euros pour l’unité de cogénération. Quelques années plus tôt, l’entreprise étendue sur deux autres sites (à Heiligenberg et à Niederhaslach) investissait 35 millions d’euros dans un nouveau parc à grumes (les grumes sont les troncs d’arbre qui arrivent des forêts sur les sites).
Depuis, les affaires sont florissantes : étant la plus grande scierie de France, SIAT est l’un des leaders du bois de construction, un marché qui constitue encore deux tiers de son chiffre d’affaires annuel, qui s’élève à 120 millions d’euros. L’entreprise familiale produit 350 000 mètres-cubes de produits finis par an. Ce sont 50 camions de bois de sciage qui sont expédiés chaque jour.
L’entreprise a aussi investi dans les technologies de pointe, par exemple dans un scanner qui permet d’analyser dès l’arrivée des grumes la qualité intérieure du bois.
« Les affaires se portent bien, oui », confirme Marc Siat, le directeur général. C’est d’ailleurs ce succès qui confère à l’entreprise une certaine responsabilité de leader, selon lui, pour « atteindre les objectifs de développement durable en France. » Elle doit servir d’exemple, tirer la filière vers le haut.
En lançant sa centrale de cogénération, SIAT s’engageait avant tout dans une démarche d’économie circulaire interne. C’était un besoin de l’entreprise de mieux valoriser ses déchets, et, tout simplement, de s’en servir pour sa propre activité. La chaleur produite par l’écorce sert à sécher une partie des produits de sciage et la sciure. Le groupe n’a pas peur de mentionner son objectif « zéro déchet. » Avec zéro regret pour Marc Siat :
« L’écorce, c’était le déchet historique dont il fallait se débarrasser. Maintenant, elle nous permet de créer de l’énergie verte. La sciure, nous devions la vendre à des kilomètres. »
120 000 tonnes de granulés, de l’électricité pour 10 000 foyers
Maintenant, elle est la matière première d’un marché supplémentaire. Plus de 120 000 tonnes de granulés sortent chaque année du site d’Urmatt, vendus à des particuliers et des collectivités. L’électricité verte produite correspond à la consommation annuelle de 10 à 12 000 foyers. Ce volet cogénération constitue environ 25% du chiffre d’affaires de la société.
Son engagement dans le développement durable, la société le voit comme la suite logique d’une activité ancrée localement en Alsace : le bois est prélevé dans un rayon de 150 km à la ronde. « 90% de la matière première vient même de moins de 100 km autour du site », précise Lionel Welsch. L’entreprise est labellisée PEFC et FSC, ce qui signifie que prélèvements dans les forêts ne dépassent pas leur accroissement naturel.
L’électricité produite sert aux foyers environnants, les panneaux et charpentes sont vendus aux réseaux nationaux de distribution de bois de charpente. Si une partie des granulés est ensachée pour être commercialisée, une autre partie est livrée en vrac par camions aux collectivités locales notamment. L’entreprise est fière de « répondre en local à un besoin local » et de ne pas importer de bois d’Autriche, « comme le font beaucoup de scieries, » pointe Marc Siat.
Prélever du bois, c’est stocker du carbone
Marc Siat avance même que l’activité de son entreprise présente un bilan carbone négatif (c’est-à-dire qu’elle participe à lutter contre l’effet de serre) :
« Nous stockons du bois qui stocke du CO2, ce qui évite donc qu’il soit relâché dans la nature quand l’arbre meurt. Aussi, le bois reste une méthode de construction bien plus écologique que le béton par exemple. »
Le bois est 12 fois plus isolant que le béton, permet d’optimiser la performance thermique et de réduire les consommations énergétiques. SIAT veut montrer que l’entreprise contribue à permettre des constructions plus respectueuses de l’environnement. Marc Siat voit d’un bon œil l’arrivée de la RE2020, une nouvelle réglementation sur les habitats à énergie positive (des bâtiments qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment). Ces maisons particulières nécessitent des dispositifs d’énergie renouvelable, parmi lesquelles… les chaudières à bois.
Pour Marc Siat, ces efforts permettent à l’entreprise de « simplement aller dans le sens de l’histoire » :
« Utiliser les granulés par exemple, c’est juste logique. Les marchés du fuel et du gaz ont de vraies questions à se poser. L’alternative aujourd’hui, c’est la pompe à chaleur. »
La responsable environnement, Muriel Hachet-Haas, ne cache pas non plus les efforts de l’entreprise pour filtrer ses rejets dans l’atmosphère :
« Les indicateurs sont nombreux, notamment sur l’eau, et on est constamment en train de faire des analyses et des rapports. Au final, ce qui sort de la “cheminée” de la cogénération, c’est de la vapeur d’eau et un peu de CO2. Des écofiltres permettent de retenir les particules fines. »
Lionel Welsch précise que les produits de traitement utilisés pour protéger le bois des insectes et des champignons, sont « très dilués » (96% d’eau pour 4% de produit actif).
« Devenir meilleur dans la vie de tous les jours »
Sur le fonctionnement de l’entreprise même, la direction affirme se poser la question de « comment devenir meilleur dans la vie de tous les jours » :
« On n’est pas parfait mais on y travaille. On a prévu de supprimer les bouteilles et les gobelets en plastique et de renouveler le parc automobile pour rouler à l’électricité. »
Muriel Hachet-Haas, elle, estime que la question environnementale traverse toute l’entreprise, du tri dans les bureaux jusqu’aux produits finis, en passant par les procédés.
En tout cas, à la petite cafétéria, un bac de tri accueille les gobelets usagés, et rappelle qu’ils seront « très bientôt remplacés. »
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