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Une enquête sur le zoo de l’Orangerie pourrait aboutir à sa fermeture

En décembre, la ville de Strasbourg a reconduit son soutien financier à l’association des Amis du zoo de l’Orangerie qui gère le petit parc animalier strasbourgeois. Or ce zoo ne respecterait pas la législation française et européenne. Des défenseurs des animaux, soutenus par des élus écologistes, ont lancé une enquête sur la structure, qui pourrait aboutir à sa fermeture.

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Une enquête sur le zoo de l’Orangerie pourrait aboutir à sa fermeture

Les flamands roses comptent parmi la cinquantaine d'espèces présentes au zoo de l'Orangerie (Photos MM)

Membre de ENDCAP, coalition d’ONG européennes qui s’est donnée pour mission de « mettre fin à la captivité des animaux sauvages », l’association française Code Animal n’a pas encore d’importants faits d’arme à son actif, sinon de s’être portée partie civile en 2012 avec 30 Millions d’amis dans une plainte pour mauvais traitement au zoo du Bouy dans le Puy-de-Dôme. Suite à cette plainte, le directeur de ce zoo a été condamné à une interdiction d’exercer pendant un an et plusieurs animaux ont été saisis.

Discrètement, cette association dont le siège est à Strasbourg s’intéresse à présent au zoo de l’Orangerie. Selon son président, Franck Schrafstetter, elle démarrerait ces dernières semaines une enquête d’observation au long court sur le fonctionnement du zoo et les conditions d’accueil des animaux. Objectif : réunir suffisamment d’éléments pour faire valoir sa non-conformité supposée avec la directive zoo de l’Union européenne, qui réclame des conditions de détention appropriées des animaux, en fonction de leurs habitats naturels. Si Code animal est suivi par la suite par la justice administrative, cette enquête pourrait aboutir à la fermeture de la structure et au replacement des animaux.

Pendant ce temps, la Ville, propriétaire des murs du zoo et pourvoyeur de 80% des finances de l’association, continue d’apporter son soutien aux Amis du zoo de l’Orangerie, qui en gère le fonctionnement par concession. Une délibération reconduisant la subvention de 270 000€ serait passée complètement inaperçue en décembre dernier si Derya Topal, conseillère municipale Europe écologie – Les Verts, n’avait pas rappelé les réserves de son groupe sur la gestion et le bien-fondé du maintien de l’établissement à Strasbourg.

Un vieux débat entre écolos et Amis du zoo

Le débat autour du zoo et des conditions de détention des 48 espèces présentes n’est pas nouveau mais risque de prendre une plus grande ampleur ces prochains mois si l’enquête de Code animal est probante. Déjà, en 2010, le président des Amis du zoo, Nicolas Herrenschmidt, par ailleurs directeur du centre de primatologie à l’Université de Strasbourg, avait répondu aux attaques d’Eric Schultz, autre conseiller municipal EELV, très critique sur le sujet.

La mini-ferme abrite des races locales, comme les poules d'Alsace (Photo MM)

Dans une intervention en conseil municipal datée de septembre 2012, ce dernier rappelait plus récemment :

« Sur le plan légal, les conditions de détention des animaux ne respectent pas la directive européenne 1999/22/CE . Pourtant, année après année, la collectivité alloue des sommes importantes à l’association des Amis du zoo de l’Orangerie. Plus encore, chaque année, ces sommes se voient agrémentées d’un complément substantiel monté cette année à 40 000€, soit, pour l’année 2012, une dotation globale de 270 000€ [idem en 2013], au seul motif de « ne pas mettre en péril cette association qui anime le parc de l’Orangerie et participe à la sauvegarde de certaines espèces animales », justification sibylline et passe-partout s’il en est… »

(Capture – directive européenne 1999/22/CE)

Depuis l’arrivée de l’équipe de Roland Ries au pouvoir en 2008, les élus écologistes demandent donc une audition des responsables de l’association et le passage en gestion directe ou en délégation de service public.

La mini-ferme rénovée cette année

« Je n’en vois pas l’intérêt, bien au contraire », juge Olivier Bitz, adjoint au maire en charge du quartier de l’Orangerie. Pour lui, la gestion du zoo par une association permet « de la souplesse » dans le fonctionnement de la structure, grâce notamment au travail bénévole des membres et du bureau des Amis du zoo, alors que les coûts seraient bien plus élevés pour la collectivité en gestion directe. Sur les relations entre la mairie et l’association, l’adjoint reste vague :

« Elles sont normales, avec des points qui font parfois débat, comme la question des moyens qui revient régulièrement, mais qui n’a rien de spécifique à cette association. »

Olivier Bitz fait également remarquer que la municipalité ne se désintéresse pas du dossier, puisqu’elle investira cette année 1,15 million d’euros dans la rénovation de la mini-ferme du zoo, afin « de mieux répondre aux attentes du public, dans un objectif pédagogique d’amélioration du contact entre les jeunes citadins et les animaux de ferme ».

Inaugurée en 1990 par Catherine Trautmann, la mini-ferme est installée dans une grange préexistante, « de façon provisoire à l’époque ». Claude Rink, directeur du zoo et présent dans la structure depuis 1973, reconnaît que la rénovation est nécessaire :

« La ville a prévu de refaire les sols, les murs, les enclos, le parcours, tout. Le circuit sera plus intelligent, les enfants pourront voir les étables à l’arrière, accéder à tous les enclos… On commence par la mini-ferme parce que c’est ça qui rapporte de l’argent [1,60€ par adulte, 80 centimes par enfant de plus de 4 ans]. Ce sont ces recettes qui payent la nourriture de tous les animaux du zoo… »

Dans les enclos du "grand secteur", un pavage a été installé pour la "facilité d'entretien et l'hygiène". Ici, l'un des deux lynx de Sibérie du zoo (Photo MM)

Des perroquets qui ne peuvent pas voler, des lynx apathiques

Pas suffisant, juge Franck Schrafstetter, de Code animal. Le responsable associatif liste les principales irrégularités d’ores et déjà repérées au zoo de l’Orangerie au regard de la réglementation européenne et de sa déclinaison française, un arrêté du 25 mars 2004 :

« Tout d’abord, il y a un manque au niveau des panneaux d’affichage, mais ce n’est pas le plus grave… Ensuite, contrairement à ce qu’exige l’arrêté de 2004, le zoo n’a pas d’enceinte extérieure, ce qui crée un problème de sécurité pour les animaux. On peut leur jeter n’importe quoi dans l’enclos [notamment des aliments qui peuvent leur être néfastes voire fatal, ndlr].

Mais la critique principale porte sur le bien-être animal. Les animaux doivent être détenus dans des conditions compatibles avec leurs besoins physiologiques, or ce n’est pas le cas, notamment pour les perroquets aras, qui ne peuvent pas voler dans leur toute petite cage en verre, ou pour les lynx, qui développent des stéréotypies (mouvements répétitifs) ou de l’apathie.

On ne dit pas que les responsables du zoo sont des tortionnaires, juste que ce zoo n’est pas conforme à la législation. Nous venons de démarrer une enquête, avec des venues régulières en vue de préparer un rapport. Nous envisageons ensuite de porter plainte pour non-respect de la directive zoo, en demandant sa fermeture pure et simple. Des zoos ont déjà été fermés, à Marseille ou Saint-Jean-Cap-Ferrat par exemple [pour des raisons financières] ou à Lübeck en Allemagne suite à des mauvais traitements sur les animaux. »

Pour ce défenseur de la cause animale, les équipements de l’Orangerie devraient évoluer vers l’élevage et la conservation d’espèces locales, comme ce qui a été fait avec succès pour les cigognes qui se multiplient autour du parc, ou ce qui est engagé de façon marginale aujourd’hui avec le grand hamster. C’est aussi ce que souhaitent les élus écologistes au premier rang desquels Eric Schultz :

« S’il y a fermeture, ce sera l’occasion de tout remettre à plat et notamment le mode de gestion. Si on en arrive là, c’est qu’il y a des raisons, et notamment une absence de dialogue entre les Amis du zoo et les associations comme Code animal… »

Absence de clôture : la Ville appelée à trancher

Paradoxalement, Nicolas Herrenschmidt, président des Amis du zoo, a aussi intérêt à ce que les choses bougent et ne nie par certains problèmes. Selon lui, l’accusation fondée est celle portant sur l’absence de clôture. Les animaux, eux, seraient « très heureux ». Pour cet ancien membre de la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive, c’est à la Ville de réagir :

« Nous avons proposé un tracé de clôture et la Ville un autre, trop étriqué. Nous ne nous sommes pas mis d’accord… Nous attendons aujourd’hui que la municipalité prenne position sur ce sujet. Jusqu’à présent, la direction départementale de protection des populations (DDPP), le service de l’Etat qui nous contrôle, nous a protégé en n’engageant pas de procédure, mais nous ne sommes pas dans la légalité sur ce point. Si un recours est lancé, il pourrait aboutir…

Or nous réclamons cette clôture depuis longtemps ! Le zoo serait plus facile à gérer, ce serait plus tranquille pour les animaux, surtout la nuit. C’est arrivé qu’on soit appelé suite à des dégradations ou des intrusions. On a même eu des problèmes de zoophilie. Mais ça fait un moment que c’est plus calme… »

Françoise Buffet, adjointe au maire officiellement en charge du dossier, n’était pas joignable ces derniers jours.

 


#code animal

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