Les guichets ferment, les contrôleurs se font rares, les tarifs des billets à bord explosent. Depuis le 20 mars, un billet acheté dans le train express régional (TER) en se présentant au contrôleur, coûte un forfait minimal de 10€. Le prix plancher sans réduction était avant de 2,70€. Dans la région Grand Est, la politique ferroviaire en marche inquiète les syndicats cheminots et la fédération d’usagers. Et pour cause : un tiers des gares d’Alsace, de Lorraine et de Champagne-Ardenne n’offrent aucun moyen d’acheter un billet de train.
La Lorraine mal lotie
Les gares alsaciennes sont les mieux dotées en distributeurs, avec 124 stations équipées sur 151. En Champagne-Ardenne, 58% des gares disposent d’une machine, contre 51% en Lorraine. Et encore, ces statistiques ne prennent pas compte des éventuelles pannes.
Face à ces chiffres, SNCF Mobilités se focalise sur la fréquentation actuelle :
« Dans le Grand Est, seuls 2% de nos clients TER Grand Est empruntent un train dans une gare ou halte dépourvue de tout moyen de distribution (…) Et parmi ces 2%, tous ces clients n’ont accessoirement pas forcément besoin d’acheter un titre de transport, puisque certains sont déjà en possession d’un abonnement ou d’une carte. »
Une réflexion qui oublie que ces gares peu utilisées pourraient drainer de nouveaux usagers. Elle va à l’encontre des discours qui encouragent à délaisser la voiture, à l’heurr où le mouvement des Gilets jaunes a mis en avant la faiblesse des alternatives dans les zones périphériques, y compris autour de Strasbourg.
Une étude? Quelle étude?
En novembre 2017, le Conseil économique social et environnemental régional (Ceser), un vaste organe consultatif qui représente la société civile (253 membres), craignait déjà la dégradation des services de vente en gare. Dix mois plus tôt, la SNCF et la région Grand Est s’accordaient sur une stratégie de digitalisation pour l’achat des billets dans la convention d’exploitation 2017 – 2024. Le Ceser recommandait donc de réaliser une étude sur « le comportement d’achat des usagers afin de prendre en compte la garantie d’égalité d’accès sur tous les points du territoire Grand Est. » Cette demande est restée lettre morte.
Appel d’air et déshumanisation
Cette nouvelle politique dissuasive va de pair avec une diminution du nombre de contrôleurs. Les trains peuvent aujourd’hui circuler avec le seul conducteur à bord. Du côté de la CGT, on déplore une « déshumanisation du service ». Sur son blog, Bernard Aubin du syndicat cheminot FIRST, dénonce un appel d’air provoqué par la Région :
« En 2017, la Région Grand-Est avait mis sur pied un plan de disparition progressive des contrôleurs à bord des trains au profit de brigades sporadiques et mobiles débarquant dans les gares. Des méthodes qui ont largement démontré leurs limites ailleurs en France. L’absence de contrôleur, comme la disparition des guichets et des personnels SNCF, constituent des appels passifs à la fraude. »
Pour un principe de tolérance
La Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) dénonce « des mesures qui violent le principe d’égalité entre usagers. » François Giordani, président de la Fnaut Grand Est, milite auprès de la SNCF et de la Région pour « un principe de tolérance à l’égard des voyageurs partis d’une gare sans distributeur ou guichet. » Une décision tout à fait réaliste puisque « les contrôleurs disposent de machines qui permettent de vérifier l’absence de moyen de vente en gare. Cette tolérance existe déjà dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il n’y a que la région Grand Est qui refuse d’entendre parler de ça », déplore celui qui a longtemps été président de l’association strasbourgeoise des usagers des transports en commun (Astus).
Interrogé sur les mesures prévues pour pallier aux distributeurs manquants, le directeur adjoint du cabinet de Jean Rottner évoque, à long-terme, « des distributeurs installés dans les trains, comme c’est le cas sur des petites lignes allemandes exploitées par Transdev (une entreprise française concurrente de la Deutsche Bahn, ndlr) »
Quant à la requête d’une exception pour les usagers venant de gares sans machine, Thierry Van Oost renvoie la balle : « Pour les voyageurs de bonne foi, nous laissons la SNCF mettre en œuvre une tolérance en place. » À bon entendeur.
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