Il le reconnaît volontiers : cette année n’a pas été à 100% sans huile de palme. Et pour cause, ce composant est présent partout ou presque, dans les produits alimentaires ou d’entretien, les cosmétiques et même dans le carburant. Alors, même s’il a fait très attention à tout ce qu’il achetait, il a parfois cédé devant « un plat plein de sauce au restaurant, que je n’allais pas renvoyer en cuisine » ou un met cuisiné par des amis, qui pour beaucoup « ont joué le jeu et fait attention quand je venais chez eux ».
Pendant un an, Adrien Gontier, thésard en géochimie de 26 ans, a scruté les étiquettes à la recherche d’huile de palme, ce corps gras bon marché utilisé par les industriels soit « pour pallier la médiocrité du produit de base » (enrichir une préparation au chocolat, une pâte feuilletée…), soit comme composant dans un émulsifiant (qui stabilise une émulsion), soit sous forme d’autres dérivés (dans les shampoings, crèmes ou dentifrices par exemple).
Sur son blog Vivre sans huile de palme, le jeune chimiste a tenu à jour une liste de produits contenant de l’huile de palme. Pour la compléter mois après mois, il a contacté une centaine d’entreprises agroalimentaires, cosmétiques, etc. Certaines ont joué la transparence, d’autres non :
« J’ai appelé ou envoyé des mails aux fabricants quand la présence d’huile de palme n’était pas précisée, mais qu’on pouvait lire sur l’étiquette « huile végétale », « émulsifiant » ou autre nom générique qui pouvait en cacher [tous les noms de l’huile de palme]. Certaines enseignes ont répondu sans problème, comme La Laitière qui a reconnu en utiliser. D’autres ont refusé de donner cette information sous couvert de « secret industriel », comme Mennen, Palmolive ou Colgate. Ce qui m’a agacé, ce sont les enseignes comme Casino ou Super U qui communiquent sur leurs produits alimentaires « sans huile de palme », mais ne disent rien sur les produits d’entretien ou cosmétiques… »
Pour populariser son action, Adrien Gontier a participé à plusieurs foires et salons écolo, comme la Foire Eco-bio de Colmar, le Festival de la terre à Lausanne en Suisse ou des réunions organisées par Europe écologie – Les Verts ou Artisans du monde. Il a également ouvert une pétition, signée par 900 personnes environ et envoyée, assortie de demandes précises, aux candidats à la présidentielle et aux législatives. Ces demandes :
« Elles sont développées en quatre points : d’abord rendre obligatoire l’étiquetage avec l’origine exacte des produits. Ensuite développer les noms chimiques des dérivés de l’huile de palme, ne pas indiquer seulement E335, E471, etc. Le troisième point serait la mise en place d’une note socio-environnementale des produits, pour connaître l’impact de leur production sur les populations locales. Et plus seulement les calories… Enfin, pourquoi ne pas instaurer un mécanisme de bonus-malus et fonction de la « propreté » des produits. Pour que les produits les plus « sales » deviennent les plus chers, et non l’inverse comme aujourd’hui ! »
Faire pression pour que les fabricants jouent la transparence
Car, pour le thésard, la clé d’une consommation responsable tient dans le porte-monnaie (les deux seconds points), mais le levier le plus aisé à manœuvrer dans l’immédiat est certainement une meilleure information donnée au consommateur (les deux premiers points). Il note à ce propos :
« Souvent les gens voudraient faire bien, mais on ne leur en donne pas les moyens. Les internautes m’interpellent en me demandant de leur conseiller tel ou tel produit, mais il y a entre 50 000 et 100 000 références dans un supermarché ! La solution, c’est que chacun lise les étiquettes et surtout cherche à s’informer, en envoyant des mails et en appelant les fabricants. Le jour où leurs boîtes seront saturées, ils décideront peut-être de jouer la transparence… Et attention aussi : bio et végétarien ne veulent pas dire sans huile de palme ! »
Alors par quoi commencer ? Et par quoi remplacer cette huile, dont la production à grande échelle est responsable de campagnes de déforestation, de dégradation de la biodiversité, notamment en Indonésie, de l’exode de populations ? « Par rien du tout, ou par des tas d’autres huiles… » répond le Strasbourgeois, qui se fournit en légumes dans une Amap, cuisine ses petits plats qu’il amène au travail et transporte son savon non palmé partout avec lui. Une seule règle : la vigilance. Les contraintes : prendre le temps de vérifier l’absence du produit honni dans tous les achats de la vie quotidienne, questionner les restaurateurs, sensibiliser ses amis…
Après cette année à faire attention à chaque achat, le jeune homme prévoit de revoir cet état de vigilance permanente à la baisse, tout en maintenant un mode de consommation complètement transformé en l’espace d’une année. Il est d’ailleurs bien décidé à poursuivre sa quête d’information sur l’huile de palme, après avoir un temps envisagé de se passer de soja. Ses nouveaux objectifs : traquer l’huile palmiste dans les viennoiseries des boulangers, les préparations achetées par les restaurateurs ou les agrocarburants.
Pour aller plus loin
Les sources d’inspiration d’Adrien Gontier :
- Le film finlandais « Ma vie sans pétrole » (2008).
- Le film « Supersize me« , cet américain qui a mangé pendant un mois uniquement au Mc Donald pour en dénoncer l’aspect néfaste.
- Le livre « A year without made in China » de la journaliste américaine Sara Bongiorni (version québécoise).
- L’initiative de Colin Beavan à New York, qui visait une consommation zéro : le blog No impact projet et le livre en français : No impact man.
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