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Un an après le rapport sur les abus sexuels dans l’Église, « rien n’a changé pour les victimes »

Victime d’un curé alsacien quand elle était mineure, Corinne attendait beaucoup de l’Église suite à la publication du rapport d’une commission indépendante sur les abus sexuels à l’automne 2021. Mais un an plus tard, aucun début de prise en charge. La Colmarienne a perdu confiance en l’institution.

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Un an après le rapport sur les abus sexuels dans l’Église, « rien n’a changé pour les victimes »

Le combat continue pour Corinne. Un an après la publication du rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), la greffière colmarienne continue de témoigner. Elles sont des centaines de victimes en France à attendre la reconnaissance de leurs souffrances et une indemnisation du préjudice subi. Corinne porte ce mercredi 28 septembre la même jupe que lors de notre entretien un an plus tôt. Ainsi, la femme de 56 ans arbore le symbole de l’immobilisme :

« Rien n’a changé pour ma reconnaissance en qualité de victime et pour ma prise en charge. Mais comment puis-je passer à autre chose sans avoir été reconnue en tant que victime ? »

La plainte pour viol sur mineur déposée par Corinne ? Classée sans suite par le parquet de Colmar à cause de la prescription. Le curé qui l’a abusée sexuellement ? Malgré la décision du Vatican qui lui interdit de célébrer une messe, l’archevêque de Strasbourg Monseigneur Ravel a décidé de préserver la réputation de l’agresseur et de ne pas rendre publique cette interdiction apostolique. « Que doit-je faire pour être enfin reconnue comme victime ? », se demande la Colmarienne, la voix pleine de désespoir.

Un an après la publication d’un rapport sur les abus sexuels dans l’Église catholique, Corinne attend toujours d’être reconnue comme victime et indemnisée. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« Nous avançons trop lentement »

En avril 2022, Corinne reçoit une confirmation de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), créée par la Conférence des évêques de France, quant à la prise en charge de sa demande. Quatre mois plus tard, un autre mail de l’Inirr la met hors d’elle. La présidente de l’institution s’y excuse auprès des victimes d’attouchements, d’agressions sexuelles ou de viols qui déplorent une procédure trop lente :

« Nous avançons trop lentement, mais nous avançons, aujourd’hui près de 40 décisions sont rendues dont près de 30 avec un volet financier. À ce jour, 138 situations ont été prises en compte, certaines sont allées au bout de la démarche, d’autres sont en cours. C’est encore trop peu, bien trop peu face aux centaines qui attendent (plus de 700). »

Extrait du mail de la présidente de l’Inirr

« Les gens n’ont jamais envie de parler de ça »

Comme 700 autres victimes, Corinne reste en attente de la désignation d’un référent pour l’accompagner dans la prise en charge par l’Inirr. Une situation qui accentue son sentiment de solitude :

« Il y avait un groupe de victimes alsaciennes. Mais même entre victimes il y a des tiraillements et deux victimes ont finalement créé un nouveau groupe. L’ancienne référente du diocèse en matière d’abus sexuels devait venir me voir en juin… puis plus rien. Et il y a aussi la catéchiste de mon enfance, à qui j’avais raconté que le curé m’avait embrassée. Elle m’a recontactée après que j’ai témoigné dans Libération. Elle évoquait une visite, mais ça n’a jamais marché. En fait, les gens n’ont jamais envie de parler de ça. »

En septembre, « j’ai touché 1,93 euros de salaire »

En arrêt de travail depuis octobre 2019, la greffière n’a pas obtenu de congé longue durée. Après un premier refus de sa demande, Corinne a été expertisée par l’expert psychiatre Henri Brunner, dont les expertises bâclées et les propos destructeurs ont déjà été décrits dans une enquête de Rue89 Strasbourg. La salariée du tribunal judiciaire de Colmar doit continuer à se battre pour enfin bénéficier de cet arrêt de travail réservé aux victimes de maladies graves. Une situation qui confine à l’absurde :

« J’ai eu un seul patron dans ma vie, c’est l’État. Voilà comment cet employeur traite son personnel. Pour le mois de septembre, j’ai touché 1,93 euros de salaire. C’est d’un mépris inqualifiable… »

En mai 2022, Corinne a obtenu une nouvelle expertise psychiatrique, qui reconnaît une partie du traumatisme subi. Sa psychiatre lui a aussi produit une attestation indiquant que « la reprise du travail apparaît actuellement contre-indiquée, le risque d’une rechute aigüe apparaissant très important. » Pourtant, quatre mois plus tard, la situation ne s’est toujours pas arrangée : « On m’a demandé de prendre une disponibilité pour raison personnelle. Mais dans ce cas, je n’ai ni salaire, ni possibilité de percevoir le chômage… »

« Une colère qui monte en moi à force d’être piétinée »

« Je ne suis plus capable de réfléchir, je n’arrive plus à lire un livre ou à regarder un film », continue Corinne. La grand-mère est aux bords des larmes lorsqu’elle évoque les conséquences de sa situation pour son entourage :

« Un jour, devant ma petite fille de trois ans, j’ai réagi à un mail qui m’indiquait encore une fois que ma situation n’allait pas évoluer. Je me suis mise à hurler. Ca m’a fait tellement mal que ma petite fille puisse voir sa mamie déglinguée… »

Aujourd’hui, Corinne a perdu confiance en l’Église et en l’État : « La seule association qui m’aide, m’apporte de l’écoute, de l’empathie et de la bienveillance, ce que j’aurais pu attendre de l’Église, c’est une association laïque qui me le donne, à travers le psy et les cercles de parole de l’Association Syndicale des Familles Monoparentales et Recomposées (ASFMR). » Pour ne pas perdre espoir, la Colmarienne a besoin de témoigner : « Il y a une colère qui monte en moi à force d’être piétinée. Je sais que ce n’est que par la force et la colère que je finirai par obtenir quelque chose. »

Un an après le rapport de la Ciase, l’Inirr tient une conférence de presse dans la matinée du vendredi 30 septembre, pour faire un bilan de son action.


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