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Trop communautaire pour CUS Habitat, une association de résidents s’estime discriminée

Parmi les quatre associations représentant les locataires élues au conseil d’administration de CUS Habitat fin 2014, l’Association des locataires indépendants de Strasbourg (Alis) enchaîne les difficultés. Pour elle, c’est parce qu’elle est discriminée en raison de l’origine de ses membres.

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Trop communautaire pour CUS Habitat, une association de résidents s’estime discriminée

Quand il parle des relations qu’entretient Alis (pour Association des locataires indépendants de Strasbourg) avec CUS Habitat, Jamel Rouchdi est intarissable. Pour lui, c’est clair, l’association est « ostracisée » par le bailleur social de l’Eurométropole. Pourquoi ? Parce qu’elle serait trop « communautaire ».

C’est en tout cas ce qu’a déclaré dans les DNA le président de CUS Habitat, Philippe Bies, lors de l’entrée d’Alis au conseil d’administration du bailleur social en avril 2015. Philippe Bies, par ailleurs député (PS) du Bas-Rhin, pointait alors l’absence de femmes sur la liste d’Alis et une « campagne communautaire ».

Alis, association créée quelques semaines avant le scrutin, ne compte que des membres issus de l’immigration. Car d’après le récit de Jamel Rouchdi, sa « bande de copains » et lui-même ont commencé par toquer à la porte d’autres associations existantes quand ils ont souhaité s’engager en faveur des locataires. Faute de pouvoir intégrer leurs listes, ils ont créé leur propre structure. S’ils sont tous d’origine maghrébine, ils réfutent être une association communautariste.

Des règles de financement modifiées…

Depuis, les règles d’attribution de moyens financiers aux associations ont été modifiées en 2015. Elles sont définies par le Plan de concertation locative (PCL), un document qui régit la relation bailleur/associations. D’après celui-ci, une somme de 40 000€ est répartie chaque année entre les associations, au prorata des résultats obtenus aux élections.

Jusqu’ici, chaque association élue recevait l’enveloppe allouée en début d’année puis l’utilisait. Seul un budget et un rapport d’activité leurs étaient demandés pour justifier leurs dépenses. Avec le nouveau PCL (période 2015-2017), ce fonctionnement s’est inversé. Désormais, les associations doivent présenter des devis ou des factures pour chaque dépense envisagée ou réalisée, avant que CUS Habitat ne lui verse la somme concernée.

… à l’arrivée d’Alis

À l’instar d’Alis, plusieurs interlocuteurs estiment que ce changement a été fait sur mesure pour éviter de lui octroyer d’emblée une enveloppe budgétaire. En plein contexte de crainte du terrorisme islamiste, des doutes seraient apparus quant au véritable emploi de cet argent (environ 9 000€) par l’association.

Marcel Wolff, représentant de la CGT au conseil d’administration, relate :

« Il a été question de leur faire barrage. J’ai été le seul à m’y opposer au sein du conseil d’administration. Quelle que soit la base de cette association, même religieuse, on ne peut pas l’exclure alors que 800 personnes ont voté pour elle. Cela ne me paraissait pas être la bonne démarche ».

Jean-Bernard Dambier, directeur de CUS Habitat depuis le 1er avril, préfère ne pas se prononcer sur cette question, mais reconnaît avoir connaissance de ces « rumeurs qui courent sur Alis ». D’après lui, les règles de financement n’ont été modifiées que pour des motifs administratifs :

« Nous sommes soumis à des organismes de contrôle – la Chambre régionale des comptes et l’Agence nationale de contrôle du logement social – qui demandent de justifier la manière dont nous utilisons nos fonds propres et nos subventions. Les associations devaient donc justifier de manière plus précise ce qu’elles font ».

Reste que pour la jeune Alis, réaliser des dépenses sans disposer de budget est plus que délicat. Pour avancer des frais, Jamel Rouchdi et ses partenaires doivent faire appel à leur argent personnel. L’Association consommation logement et cadre de vie du Bas-Rhin (CLCV), née d’une scission avec une autre structure en 2014, se trouve dans une situation semblable. Globalement, les associations interrogées évoquent un système lourd et contraignant, souvent chronophage et proche des « comptes d’apothicaire ».

Pas d’affichage ni de local

Mais pour Jamel Rouchdi, la liste des problèmes rencontrés ne s’arrête pas là : malgré de nombreuses demandes par courrier, mail et téléphone, l’association n’a toujours pas pu accéder à des panneaux d’affichage dédiés dans les halls d’immeuble, ni pu bénéficier d’un local associatif. Les premiers sont pourtant prévus par la loi, pour permettre aux associations élues de communiquer auprès des habitants.

Les représentants d’associations interrogés racontent avoir toujours dû « se débrouiller » pour coller leurs affiches ça et là, sur les portes d’immeuble ou les murs. Quitte à repasser plusieurs fois pour s’assurer qu’elles n’aient pas été arrachées. Car dans la plupart des bâtiments de CUS Habitat, le seul panneau d’affichage vitré systématiquement installé est destiné à la communication du bailleur.

Jean-Bernard Dambier reconnaît qu’il n’est « pas simple » de répondre au cadre légal sur cette question, mais affirme que cela n’avait « jamais été contesté » jusqu’à présent. La question devrait cependant être rediscutée en juin avec les différentes associations. Côté local, il est en revanche péremptoire :

« Nous n’avons pas de local associatif disponible. Quant aux locaux commerciaux, bien qu’il ne soit pas toujours évident de trouver des commerçants dans les quartiers, ils ne sont pas destinés aux associations. Par le passé, certains appartements transformés en locaux ont pu être attribués, mais nous ne le faisons plus. Ou alors pour du stockage, mais pas pour accueillir du public ».

L’autre association récemment créée, la CLCV, vient pour sa part d’en obtenir un… auprès d’un autre bailleur.

Entre diffamation et censure

Alis est-elle spécialement visée par ces difficultés ? Non, estime le secrétaire général de la Confédération syndicale des familles (CSF), Colin Riegger. D’après lui, bien que l’association « soit identifiée comme musulmane », CUS Habitat ne cherche pas à l’ostraciser. À son sens, Alis est confrontée à un rapport de force association/bailleur classique :

« Pour nous, le fait d’avoir des salariés et une base militante ne s’est pas fait du jour au lendemain. Alis n’affronte rien qui ne fasse pas partie du quotidien habituel d’une association ».

Reste que pour dénoncer sa situation, Alis a voulu profiter de l’encart d’expression libre qui lui est alloué chaque trimestre dans le magazine du bailleur social, À deux pas. Mais son texte, prévu pour le numéro d’automne 2015, n’a pas été publié. Raison invoquée par le directeur de CUS Habitat : il relevait de la diffamation. Il relate qu’il a été demandé à l’association de préciser ses propos et de procéder à des modifications. Alis n’a pas donné suite à cette demande : elle considère que cette « tribune est libre » et que son texte respectait le cadre légal. Elle juge donc avoir été « censurée ».

Malgré tous ces sujets de tension, Jean-Bernard Dambier soutient vouloir le contact et l’échange avec Alis. Pas sûr que Jamel Rouchdi et ses co-associés soient convaincus par le discours.


#Ophéa

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