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Trois prétendants pour le Hall des Chars à la Laiterie, dont le Kafteur

Trois postulants espèrent occuper le Hall des Chars, en face de la salle de concert. Depuis janvier, l’association La Friche Laiterie en a perdu le contrôle au profit, momentanément, de la mairie. Pour la suite, réponse avant la fin de l’été, mais le Kafteur semble tenir la corde.

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Trois prétendants pour le Hall des Chars à la Laiterie, dont le Kafteur

Le lieu de création culturelle était géré par l'association la friche laiterie (photo JFG / Rue89 Strasbourg)
Le lieu de création culturelle était géré par l’association la friche laiterie (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

S’il y a bien un constat qui met d’accord toutes les personnes intéressées par le Hall des Chars et sa gestion, c’est que le lieu est méconnu. En face, de la salle de concert, des panneaux flèchent timidement son entrée. De la peinture rouge et une inscription sur le mur doivent lui donner un peu plus de visiblité.

Le même réquisitoire peut être dressé pour le Théâtre actuel et public de Strasbourg Gare (aussi appelé Taps Laiterie), imbriqué entre le hall et la salle des colonnes juste à côté. Son avenir immédiat n’est pas menacé, mais il fait partie de la réflexion globale assure le premier adjoint (PS) au maire, en charge de la Culture, Alain Fontanel.

Jusqu’ici, le Hall des Chars permettait à des artistes de préparer leurs spectacles dans quatre domaines : la danse, les arts plastiques, le théâtre et la musique. Soit en répétition, soit pour se produire à travers quelques représentations et en tapant dans l’oeil pour présenter à un public averti. Quelques festivals, comme Central Vapeur autour de l’illustration, sont accueillis. Le bâtiment se divise en deux salles, une d’exposition et l’autre de spectacle avec 135 places.

Une indication en face de la salle de concert de la laiterie. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)
Une indication en face de la salle de concert de la laiterie. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Conflit entre l’association La Friche Laiterie et la Ville

Entre la Ville et l’association La Friche Laiterie, qui gère le lieu depuis huit ans, le courant ne passe plus depuis l’élection de la nouvelle municipalité en mars 2014. En juillet, la ville n’a pas renouvelé sa convention d’occupation des lieux à l’association. La subvention de 70 000€ devait servir à licencier la dernière salariée de l’association, là où il y a eu jusqu’à 3 employés, entre contrats aidés et services civiques.

Depuis, la situation est cocasse. L’association dispose toujours de son bureau dans le bâtiment de la salle des colonnes, qu’elle administrait également. Il ne lui a pas été demandé de partir et les bénévoles sont dans l’attente. Les services de la direction de la Culture assurent une administration minimale, mais beaucoup moins d’événements y sont programmés assure l’association. La Ville a même demandé les exemplaires des contrats d’occupation des lieux à La Friche Laiterie, pour les reproduire, ce que les bénévoles, vexés, ont refusé.

« Même la façade nous l’avons peinte nous-même »

La Friche Laiterie et le premier adjoint se renvoient les responsabilités de cette situation. Alain Fontanel indique ses reproches :

« Personne ne peut se satisfaire de la situation actuelle. Il doit y avoir des changements, ce qui entraîne forcément des réticences. Le lieu n’a pas trouvé son identité, ni son public. L’association a connu des soucis de gouvernances et n’a pas affirmé son indépendance dans la manière de s’approprier les fonds par ses membres. Notre confiance s’est érodée. »

Mais l’association rejette ces accusations. Ses membres se sentent délaissés par la Ville depuis le début de leur gestion, comme l’explique Evelyn Biecher, coordinatrice des activités de théâtre pour La Friche Laiterie :

« En 2013/2014, il y a eu 156 jours d’ouverture sur 200 possibles (la Ville de Strasbourg a repris le contrôle des 165 jours restants en 2012 ndlr), 8 festivals et 30 ateliers. Il n’y a jamais eu de communication autour de ce lieu. Même la façade nous l’avons peinte nous-même. Quand on voit les moyens développés au Shadok, on se dit qu’il y a bien de l’argent pour la Culture à Strasbourg. On nous reproche l’entre-soi, quand le gendre de Jack Lang est nommé au TNS. Ici nous sommes bénévoles, les troupes qui viennent répéter reçoivent un cachet de 1 000 euros environ, parfois moins, à se partager, mais bénéficient d’une aide humaine. »

La nouvelle présidente, élue en juillet suite à un conflit autour de son prédécesseur, Chiara Villa veut regarder vers l’avenir :

« Il y a le passé, mais il y a un nouveau conseil d’administration depuis juillet. Nous avons fait trois propositions de projets. Et que répond la Ville ? Que nous propose-t-elle de faire ? L’adjoint à la Culture prendra-t-il la responsabilité de tuer le seul lieu de production de culture indépendante à Strasbourg ? »

L’association veut aussi s’appuyer sur la pétition de 2 000 soutiens, qu’elle a recueilli.

Trois projets de La Friche Friche dans la continuité

Pour la gestion du lieu, La Friche Laiterie a présenté trois projets, avec trois budgets différents en janvier (un à 120 000€, un à 60 000€ et un à 30 000€). Tous trois s’inscrivent « dans la continuité » de ce que faisait l’association. Pour augmenter le lien avec le quartier comme demandé par la Ville, elle propose d’héberger un événement de troc. Elle attendait des réponses fin février. Sans nouvelle, elle a publié un communiqué de presse fin avril, ce qui a suffit à provoquer une rencontre en mai.

A côté de la double salle, des bureaux et la salle des colonnes, aussi administrée par l'association de la Friche Laiterie (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)
A côté de la double salle, des bureaux et la salle des colonnes, aussi administrée par l’association de la Friche Laiterie (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Mais dans ces conditions tendues, difficile d’imaginer que la convention d’occupation qui a été dénoncée en juillet soit de nouveau attribuée à La Friche. Cependant, Alain Fontanel ne ferme pas complètement la porte à l’association, sans s’avancer :

« Nous devons recevoir l’association pour déterminer la suite. Nous ferons une réponse globale avant cet été sur l’occupation du Hall des Chars et sur notre soutien à l’association. »

La Friche Laiterie n’est en tout cas pas opposée à déménager au Port-du-Rhin, ou dans un autre lieu, pour continuer ses activités d’expérimentation autour du spectacle vivant.

Le Kafteur et un collectif autour de Yan Gilg sur les rangs

Deux autres acteurs ont formulé un projet qualifié de « sérieux », après que Jazzdor, un temps intéressé, ait décliné. Jean-Luc Falbriard, directeur du théâtre du Kafteur, porte l’un d’eux :

« Après 20 ans d’existence, le Kafteur est à l’étroit rue Thiergarten. Le théâtre est autonome financièrement, mais fragile. Il nous faut pouvoir accueillir plus de monde et différents types de pièces, mais dans la lignée de ce qui est fait, c’est-à-dire des pièces faciles à s’approprier, sans de nombreuses références culturelles. J’aimerais faire plus de scénographie, des pièces avec beaucoup d’acteurs. Il y aura aussi un volet pour que des troupes puissent venir et créer des pièces dans la salle, ce qui ne se fait pas pour le moment. L’autre salle servirait à des expositions, des ateliers, des spectacles de petite taille et un espace de convivialité. En dehors de travaux autour de la salle, que la Ville pourrait financer, je ne demande rien. »

Comme La Friche Laiterie, Jean-Luc Falbriard s’étonne de ne pas avoir de nouvelles depuis cet hiver sur son projet. Mais l’analyse partagée sur la fragilité économique du Kafteur, la régularité et la qualité croissante de ses programmations, l’expérience du théâtre déjà bien implanté dans le quartier Gare, donnent au projet de Jean-Luc Falbriard et de son équipe des airs de favori.

La salle de spectacle du Hall des chars de 135 places, très convoitée par le Katfeur (Photo JFG/Rue89 Strasbourg)
La salle de spectacle du Hall des chars de 135 places, très convoitée par le Katfeur (Photo JFG/Rue89 Strasbourg)

Autre projet en lice, celui d’un collectif autour de Yan Gilg directeur de la compagnie Mémoire Vives et fondateur des Sons d’la Rue :

“Ce serait un lieu partagé par plusieurs associations autour des cultures urbaines et des enjeux sociétaux : Les Sons de la Rue, Mémoires Vives, Mira, Magic Electro. Chacun resterait dans son domaine et on pourrait mutualiser certains moyens. Il y aurait aussi un volet sur la citoyenneté et l’engagement politique. C’est un projet à vocation des quartiers populaires que j’ai formulé il y a plus de deux ans. Il ne coûterait qu’environ 80 000 euros par an, car ma compagnie a déjà le soutien en de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). Je n’ai jamais eu de nouvelles, alors on se pose des questions. Les cultures urbaines et les quartiers populaires n’intéressent plus ? La Laiterie est pourtant un lieu emblématique de l’émergence de ces cultures, je trouve que ce serait un gâchis de s’éloigner de cet esprit, d’autant que Strasbourg était une ville pionnière sur ces question. Alors beaucoup d’artistes, dont moi, vont travailler ailleurs. On ne décrète pas qu’un artiste travaille avec les habitants d’un quartier. Nous, nous le faisons depuis le début. J’aime beaucoup aller au Kafteur, mais c’est plus un théâtre de poche. Une grande salle, je trouve que ça correspond moins à son identité.”

Pour Paul Meyer, adjoint au maire (PS) du quartier Gare, le projet de Yan Gilg aurait plutôt sa place dans l’actuelle Laiterie, une fois que la salle de concert aura déménagé à la Coop au Port-du-Rhin… en 2019.

Quant à partager le lieux entre différents projets, personne ne s’y dit formellement opposé, mais les modalités et l’agenda resteraient à définir, chacun souhaitant s’approprier la plus grande part. Comme pour le bar, la question l’équilibre entre l’attractivité du lieu et l’ouverture aux habitants du quartier pèse dans la décision. La réponse en juin fera des déçus.


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