Ce mercredi 27 mai, l’Assemblée nationale s’est prononcée sur le plan de déconfinement, qui intègre notamment le projet d’application « StopCovid », auquel j’ai voté favorablement.
J’ai beaucoup réfléchi, échangé, lu et hésité. Je tiens d’ailleurs à remercier ceux qui ont suscité ou participé à ces échanges.
Au final, je suis convaincu du plus important : ce vote me paraissait nécessaire pour lutter contre l’épidémie, tandis que l’application ne représente pas de risque pour les libertés.
En tant que député, il me parait légitime que je puisse présenter les raisons de mon vote, sur l’application « StopCovid ».
Pas pour convaincre à tout prix que j’ai raison, plutôt dans l’idée d’expliquer pourquoi et sur quelles bases j’ai réalisé mon choix.
Une période déterminée et provisoire
Pour des raisons éthiques, consacrer une trop grande place à la technologie ne m’enchante pas. Selon moi, l’individu se préserve à ne pas laisser la technologie guider chacun des aspects de sa vie.
Je me suis d’ailleurs battu pour défendre un droit plus fort à la déconnexion et à la vie privée des enfants influenceurs dans le cadre d’une loi novatrice adoptée récemment.
Constatons cependant que cette application ne sera utilisée que sur une période déterminée et provisoire, et que l’urgence sanitaire justifie de pouvoir lutter contre la propagation du virus par les moyens techniques dont nous disposons, dans le respect de la loi.
Pas l’alpha et l’oméga de la stratégie
À quel point l’application sera efficace ? Seul l’avenir nous le dira. Disons-le tout de suite, l’ensemble de la population ne dispose pas d’un smartphone, ou réside dans une zone blanche, c’est la raison pour laquelle l’application n’est pas l’alpha et l’oméga de la stratégie globale de lutte contre le coronavirus.
Certes, l’application fonctionne mieux si elle est massivement utilisée. Mais elle trouve également son intérêt, dès les premiers pourcents de diffusion, en particulier dans des espaces urbains et denses comme Strasbourg et ses alentours, en permettant une identification plus efficace des chaines de contamination.
Le Bluetooth, moins intrusif que la géolocalisation
J’anticipe les critiques portant sur les risques d’atteinte à la vie privée, à laquelle je suis profondément attachée.
Quand la Pologne utilise une application combinant géolocalisation et reconnaissance faciale pour contrôler les quarantaines de personnes de retour de l’étranger, je trouve ici utile de rappeler que l’application française repose sur le choix individuel – nul n’est forcé d’installer l’application-, et sur l’anonymisation des données.
J’ajoute que l’application, dont l’architecture est déjà disponible en « open-source », afin que chacun puisse y accéder, repose sur une technologie des plus rigoureuse en termes de protection des données.
D’autre part, une vingtaine de hackers éthiques, répartis dans toute l’Europe commenceront à tester la sécurité de l’application, ce mercredi 27 mai. Si des failles venaient à être découvertes, et croyez-moi, elles le seront, elles pourraient ainsi être corrigées d’ici la mise en place de l’application.
Enfin, la technologie Bluetooth est bien moins intrusive qu’une localisation GPS, et plus sécurisée que l’utilisation du WiFi, chaque utilisateur se voyant associer un nom de code.
Sans ces pré-requis, l’application ne serait d’ailleurs pas conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD). N’oublions pas que l’Assemblée a adopté en décembre 2017 à 505 voix pour (18 contre) ce texte qui nous apporte beaucoup de garanties sur l’usage des données.
La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés a d’ailleurs donné son feu vert au projet d’application ce mardi 26 mai.
GAFAM et souveraineté nationale
Le débat du stockage des données s’appuie sur un choix technique et complexe entre stockage centralisé et décentralisé, les deux solutions ayant chacun leurs avantages et leurs inconvénients.
Ce que je constate en revanche est qu’une gestion décentralisée reviendrait à utiliser la solution produite par Apple et Microsoft, et pourrait constituer une perte de maîtrise en termes de santé publique et de souveraineté.
Pas directement parce que ces entreprises sont américaines, même s’il est urgent pour l’Europe d’avancer dans ses initiatives de régulation des géants technologiques chinois et américains.
Plutôt du fait qu’une autorité sanitaire française en charge de la gestion de la crise devrait demander à Apple et Google l’autorisation de traiter ces données dans une « méthode par apprentissage. »
Ne pas être contraint par une grande entreprise
Je considère pour ma part, que le choix d’une autorité publique française ne peut et ne doit pas être contraint par celui d’une grande entreprise.
La plupart des choix auxquels, vous comme moi, sommes confrontés ne sont pas binaires. Nous tâchons de peser le pour et le contre avant une décision importante.
Devant les garanties que j’évoquais précédemment, et du fait de la situation sanitaire très particulière, je pense que voter en faveur de cette application est le meilleur choix pour stopper le virus, et éviter un re-confinement.
Bruno Studer
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