Le sujet de l’IVG suscite toujours des réactions, plus ou moins vives, plus ou moins militantes. Chacun a son opinion, et tant mieux, parce que cette subjectivité se lie étroitement à l’éthique. Mais que l’on soit pour ou contre, on ne peut pas ignorer une réalité : les interruptions volontaires de grossesse ont toujours existé et existeront toujours. Ne vaut-il pas mieux alors qu’une femme qui interrompt sa grossesse le fasse dans les meilleures conditions ?
Des conditions sanitaires évitant une mortalité autrefois fréquente, mais aussi des conditions dignes pour elle, respectueuses de son choix ? L’IVG nous amène à tant de questions, notamment au pourquoi ?, Pourquoi tant d’IVG ?, Pourquoi une femme interrompt-elle sa grossesse ?. Nous avons tenté, à travers notre ouvrage, de sortir du pourquoi pour arriver au comment ?. Comment une femme, par son histoire subjective, en vient-elle à interrompre une grossesse ? Comment cette femme vit-elle son IVG ? Comment un homme –eh oui les hommes ne sont pas des passagers clandestins – peut-il trouver sa place, réelle ou symbolique, dans ce cheminement vers une IVG ?
Une de nos lignes directrices a donc été de passer du social au singulier, de l’acte médical au sujet subissant cet acte. Nous sommes partis de l’hypothèse psychanalytique que ce sujet est un sujet divisé entre conscient et inconscient. Cette lecture nous permet, en effet, d’ouvrir les perspectives. Le social s’intrique au singulier et le « paradoxe français » (une expression souvent utilisée par Nathalie Bajos, sociologue, directrice de recherche à l’Inserm) d’un nombre stable d’IVG en France malgré une prise de contraception plus élevée peut alors s’entendre.
Le Sujet dans l’IVG : la parole des femmes
On peut reprocher à cet ouvrage de demeurer « lacunaire », « se focalisant sur les enjeux psychomédicaux » et non sur « la dimension historique, politique et philosophique du sujet » [Louis-Georges TIN, « L’IVG menacée ? », in Le Monde Des Livres, 08 juin 2012]. Ce serait en effet tout à fait intéressant d’analyser tous ces éléments. L’IVG est un thème riche de questions philosophiques, et révélateur de notre histoire.
Mais si le sujet de l’IVG est un « sujet passionnant » [ibid], autre chose nous semble bien plus passionnant et a capté tout notre intérêt : le Sujet dans l’IVG. C’est-à-dire la parole des femmes. L’écoute de cette parole à chaque fois singulière nous apprend chaque jour. Le plan de notre livre suit le cheminement par lequel passent les femmes, plus ou moins jeunes, les couples, lors d’une interruption volontaire de grossesse. Nous avons essayé de transmettre cette nécessité, nous semble t’il, d’écouter les femmes, les couples, en demande d’IVG ; cette tentative de les accompagner au mieux dans leurs choix [Coline CARRE, « Que Sais-Je de l’IVG ? L’ABC du Pr Nisand, in Le Quotidien du Médecin, 18 juin 2012], des choix douloureux, avec toutes les interrogations que cela engendre, les erreurs, les remises en question. Il s’agit pour nous professionnels de ne pas nous arrêter à réaliser un acte médical mais, au-contraire, de permettre à la femme de le faire sien et d’y poser un sens, afin notamment d’éviter le traumatisme. En effet, une IVG est toujours un moment douloureux dans la vie d’une femme, et ce n’est pas parce qu’il y a IVG qu’il n’y a pas deuil. Comment alors faire en sorte que cet évènement laisse le moins de séquelles psychologiques possibles ? Une des pistes évoquées ici est l’écoute: laisser une place au Sujet dans le sujet de l’IVG…
Israël Nisand
Anne-Laure Schillinger-Decker
Luisa Araujo-Attali
« L’IVG », Israël Nisand, Luisa Araujo-Attali, Anne-Laure Schillinger-Decker, Que sais-je ? chez PUF, juin 2012, 9,20€.
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