Chaque année des étudiants en droit, titulaires d’un diplôme au moins de Master 2, voire Master 3 ou plus, se donnent beaucoup du mal à passer les épreuves de haut niveau d’un examen d’entrée à l’école régionale des avocats, puis s’efforcent après dix huit mois de formation professionnelle en matière de pratique juridique, de rédaction d’actes, de plaidoirie et de déontologie, de décrocher à la sueur de leur front le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA) avant de pouvoir prêter serment d’exercer comme avocat « avec conscience, indépendance, dignité, probité et humanité ».
Par dérogation, sont dispensés de formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, notamment, des magistrats, professeurs et docteurs en droit, auxiliaires de justice, ainsi que des juristes d’entreprises, fonctionnaires de catégorie A ou assimilés ou syndicalistes ayant pour ces trois derniers exercés huit années dans des activités juridiques et titulaire d’un diplôme de droit de niveau master 2 ou équivalent (articles 97 et 98 du décret n° 91-1197 du 27/11/1991 organisant la profession d’avocat).
Par ce biais, des personnes d’un certain niveau juridique, pouvaient selon une procédure facilitée, intégrer la profession d’avocat dans le but de l’exercer.
Cependant, depuis quelques années, on a constaté que par ce biais également, un certain nombre de personnalités politiques ont intégré la profession, (Noël Mamère, Dominique de Villepin, Rachida Dati, Frédéric Lefebvre pour ne citer qu’eux), les intéressés remplissant apparemment les conditions fixées par les articles 97 et 98 précités. Julien Dray s’est vu quant à lui rejeter sa demande d’admission pour une insuffisance de diplômes.
Par décret n° 2012-441 du 3 avril 2012, le gouvernement a dispensé de la formation théorique et pratique du CAPA « les personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilité publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi », comprenez : des parlementaires issus du monde politique.
De même, ce décret permet l’accès à la profession d’avocat dans les conditions prévues à l’article 98 des « collaborateurs de député ou assistants de sénateur justifiant avoir exercé une activité juridique à titre principal avec le statut de cadre pendant au moins huit ans dans ces fonctions ».
Une retraite pour les parlementaires battus ?
Autrement dit, anticipant sans doute la défaite électorale d’un certain nombre de parlementaires, le gouvernement fait en sorte que la profession d’avocat devienne le réceptacle des recalés du monde politique.
Le Conseil National des Barreaux et son Président se sont émus de cette initiative et une motion de rejet a été prise lors de l’assemblée générale des 23 et 24 mars 2011.
La Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats, dont est membre l’Union des Jeunes Avocats de Strasbourg et de Saverne, prône la suppression des accès parallèles à la profession d’avocat autres que l’examen du CAPA qui constituent une iniquité eu égard aux efforts que doivent fournir les jeunes juristes issus de l’université.
Le décret du 3 avril 2012 constitue une initiative gouvernementale parfaitement abusive qui ne fait que conforter cette position.
Les politiques victimes des aléas électoraux présentent-ils les qualités que sont la conscience, l’indépendance, la dignité, la probité et l’humanité ?
C’est peu probable et il y a tout lieu de penser que s’ils veulent intégrer la profession d’avocat en apportant leur carnet d’adresses à un gros cabinet, ce n’est pas pour l’exercer…
Olivier Charles
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