À l’occasion du projet de tramway vers le Nord de l’agglomération, l’Eurométropole de Strasbourg envisage d’installer de nouvelles stations place de la Gare. Une occasion unique de repenser l’aménagement global de cette place pour renforcer sa fonction originelle : un lieu d’échanges où se croisent et se côtoient, de manière apaisée, l’ensemble des modes de transport.
Une gare façonnée par les évolutions du temps
Tout au long du XXème siècle, les évolutions successives qu’a connu la place de Gare l’ont rendue progressivement minérale, axée sur le développement automobile et peu accueillante pour les piétons, cyclistes et personnes à mobilités réduites.
C’est au cours des années 2000 que la place de la Gare prend sa physionomie actuelle, avec le projet de l’architecte Jean Marie Duthilleul et du paysagiste Michel Desvignes mis en œuvre en 2007. Leur projet redonne alors toute leur place aux arbres en pleine terre, et à de vastes espaces piétons et ouverts. Malheureusement peu entretenue depuis 15 ans, la place a peu à peu perdu ces avantages, mais le potentiel d’une belle place strasbourgeoise est encore bien présent.
- 1919 : La place de la Gare est recouverte de pelouses et d’arbres.
- Dans les années 30 : la place de la Gare sera totalement pavée, puis bétonnée.
- Dans les années 60-70 : les infrastructures automobiles et bus prennent le pas sur la verdure, le tram et les piétons.
- 1994. Le retour du tram s’accompagne d’une plus grande place faite aux mobilités douces. Mais la place reste très minéralisée.
- 2007. L’arrivée du TGV Est s’accompagne du retour de la verdure, arbres et pelouses. Les cheminements piétons et cyclistes sont facilités.
Aujourd’hui, les gares et leurs places attenantes, parce qu’elles sont par essence des carrefours et lieux d’échanges, ont vocation à être le cœur de la ville durable. Strasbourg doit repenser l’aménagement de sa gare dans cet état d’esprit.
L’indispensable ouverture à l’ouest
Dès lors, comment concilier les contraintes liées au développement de transports « lourds », tels que les trains et tramways, bus urbains et interurbains, co-voiturage et conserver en parallèle la fonction d’accueil de la place pour les modes doux, piétons, PMR et cyclistes ? Comment faire de la place un lieu agréable pour les habitants comme pour les voyageurs ?
Cela doit passer par l’ouverture de la Gare à 360 degrés. Engager un aménagement de « l’arrière-gare » ou « gare basse » permettrait de fluidifier les circulations, aujourd’hui concentrées sur un point unique, tout en encourageant le développement des transports collectifs vers l’Ouest.
Cette vision, imaginée depuis longtemps, recoupe l’impérieuse nécessité de « recoudre » les quartiers de Strasbourg, historiquement coupée en deux par les axes ferroviaires et routiers. A l’aune de la requalification de l’A35, cela permettrait de mieux connecter les quartiers Ouest (Koenigshoffen, Cronenbourg) avec le quartier Gare et le centre-ville, dans une approche d’urbanisme apaisé et aéré.
Un environnement préparé à cette évolution
La plupart des dispositions techniques sont prêtes pour engager un tel projet. L’Eurométropole est propriétaire de vastes terrains à l’arrière de la Gare (près de 20 hectares) et la rue des Remparts permet d’ores et déjà d’alléger le trafic nord-sud. Sous utilisé aujourd’hui en raison notamment de signalisations insuffisantes, cet axe est disposé à devenir structurant dans le cadre d’un réaménagement général de cette face de la Gare.
De plus, une « réservation » pour une station de tram en surface a été faite il y a plus de vingt ans à l’arrière de la gare par Catherine Trautmann, toujours dans cette vision d’ouverture à 360 degrés.
Définir une vision et un projet
Nombreuses sont les villes de France et d’Europe à avoir mené à bien de tels projets, qui ont souvent mené à la création de nouveaux quartiers connectés, par nature, aux réseaux de transports et parfaitement intégrés au reste de la ville. Les exemples ne manquent pas et sont des sources d’inspiration précieuses. Pour le site de Strasbourg, de multiples études ont déjà été menées ainsi que de nombreux projets étudiants, pouvant servir à nourrir la réflexion pour l’émergence d’un nouveau quartier articulé autour d’un projet d’aménagement global.
Je propose à l’Eurométropole d’abandonner la vision strictement technique d’une place recouverte de lourdes infrastructures de transports, de sas de retournement du tram et de dalles de bitume, pour élargir le regard. Une grande gare, digne d’une ville comme Strasbourg, capitale européenne, doit être le cœur d’un projet global d’interconnexion des modes de transports et de liaison entre les quartiers. C’est selon moi la finalité de la gare du 21ème siècle, adaptée aux exigences climatiques.
Le temps de l’action
Certains de ceux qui liront cette tribune auront sûrement un goût de « déjà lu ». Et pour cause, l’aménagement de l’arrière-gare est loin d’être une idée nouvelle. Longtemps imaginée, souvent débattue, ce projet n’a jamais été mis en œuvre. Aujourd’hui, l’extension du tramway vers le nord conjugué à la requalification de l’A35, est l’occasion à saisir pour engager ce réaménagement qui apparaît naturel. Il est temps de passer à l’action !
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