À Strasbourg, l’heure est à l’exclusion de l’automobile vers l’extérieur de la ville au profit d’autres modes de déplacements. La voiture souffre d’une mauvaise image et n’a plus la cote auprès des citadins comme dans les années 1980 et 90. Il est désormais certain que la circulation automobile doit être apaisée et éloignée des zones densément peuplées.
Mais condamner à faire disparaître la voiture pour ce qu’elle est, à savoir un moyen de déplacement et de transport, n’a pas de sens. Ce n’est pas la fonction de l’automobile qui est mise en cause mais bien son mode de fonctionnement actuel. Il génère du dioxyde de carbone, responsable d’une aggravation de l’effet de serre, et des particules fines (PM10) aux conséquences graves sur la santé. Surreprésentée aujourd’hui, la voiture doit trouver sa place dans un équilibre des transports adapté à chacun et à tous.
Des ventes en explosion en France
Pour autant, l’automobile propre est pour demain. En témoigne l’intérêt et les investissements des grands groupes de constructeurs pour la propulsion électrique de leurs derniers modèles. Au dernier mondial de l’automobile, les stands Tesla et Renault étaient saturés alors que les marques de prestiges italiennes ou anglaises se trouvaient délaissées voire absentes .
La France a été en 2016 le meilleur élève en Europe pour la vente de véhicules électriques. Elles ont bondi de 26% en un an, soit 22 000 immatriculations. C’est plus du double qu’en 2014 et 1,08% des voitures neuves.
Notre région est une terre de tradition automobile : Peugeot, Bugatti, Punch, Mercedes… et les sous-traitants, fournisseurs et équipementiers y génèrent d’ailleurs des emplois en quantité. Sa capitale Strasbourg, plutôt que de faire la chasse ouverte aux autos, devrait au contraire s’ériger en porte-voix de la voiture électrique et montrer sa capacité à l’intégrer à la transition énergétique qu’elle appelle de ses vœux.
Strasbourg, ville bleue
Notre ville verte s’est illustrée par l’un des premiers tram de France et sa politique cyclable digne des Pays-Bas. Elle se doit également d’être ville bleue en incitant désormais les déplacements en voiture électrique. C’est de réalisme dont il faut faire preuve : la voiture fait et fera toujours partie du quotidien des citadins car nous sommes tous tour-à-tour piéton, cycliste ou automobiliste.
Bannir la voiture de la cité ne fera que reporter le problème au-delà des portes de la ville. C’est à l’inverse, vers l’évolution technologique qu’il faut nous tourner. Alors que faire pour favoriser la démocratisation de la voiture électrique ?
Lorsque vous achetez un véhicule électrique vous bénéficiez d’une prime conséquente mais unique. La revente sur le circuit de l’occasion, majoritaire pour les particuliers, en est exclue.
600 euros une borne
La fiscalité locale peut être un moyen efficace d’encourager le déploiement d’une borne de rechargement payante et partagée devant chez soi. Une déduction financerait l’installation en totalité, d’un prix de 600 euros, sans compter le branchement au tableau électrique. Cette expérience locale est en cours à Colmar pour les vélos électriques, financés à l’achat par une petite prime.
Les bornes sur la voie publiques sont aujourd’hui insuffisantes et complexes. Il faut d abord s’abonner aux différents réseaux de distribution (Indigo, Freshmile), ce qui pour les touristes ou transitant est compliqué. Les stations doubles sont au nombre de 19 à Strasbourg, mais sur la voie publique seules quatre bornes (place de Bordeaux, allée de la Robertsau, place de la République, rue des Balayeurs) sont accessibles moyennant un abonnement, qui ne fonctionne pas pour tous les véhicules.
Elles sont pourtant indispensables pour les propriétaires de véhicules électriques sans garage (le quota dans les nouvelles constructions est 0,5 place de parking par logement) ou pour les usagers se rendant à leur travail pouvant recharger pendant la journée.
Les parkings privés mals adaptés
On peut certes rajouter les points de recharges dans les parkings payants Indigo et pour les abonnés du service d’autopartage Citiz. Souvent les emplacements réservés sont occupés par des voitures à essence sans aucune sanction. Le nombre de ces bornes en parkings sous gestion Indigo ou autres est insuffisante, mais surtout la charge peut durer jusqu’à 20 heures. À la sortie, l’addition peut alors être comparée a un plein d’essence. Peut-être faut il envisager un pass pour la recharge en parking.
Prendre une longueur d’avance
Le rythme de vente de voitures électriques va s’accélérer. À Strasbourg, il faudrait environ 500 places pour être en cohérence avec le stationnement disponible (10 000 places en parking, 12 000 en voirie, 4 000 en parking relais).
En France, 13 000 bornes pour 100 000 véhicules électriques sont déployées. La ministre de l’Écologie Ségolène Royal en prévoit 7 millions à l’horizon 2030, dont un million en trois ans.
Strasbourg peut prendre une longueur d’avance en devançant l’État qui envisage 900 000 bornes privées, avec un crédit d’impôt à la clef. L’offre créant la demande à l’image des pistes cyclables qui ont développé le vélo en ville, la possibilité de recharge sur des bornes gratuites sans abonnement en tout lieu contribuera au développement de la voiture propre.
Ceci lèverait alors un frein important pour les acquéreurs potentiels, à savoir l’autonomie qui se gère en fonction des bornes. Elles seront aussi d’un intérêt certain pour les touristes qui se déplacent en voiture électrique et gèrent leurs étapes en fonction des possibilités de recharge.
L’autre frein est le prix élevé à l’achat que la concurrence et les aides vont faire baisser, mais n’oublions pas le faible coût d’utilisation. « Un plein » d’électricité est estimé à deux euros.
Stationnement gratuit
D’autres incitations peuvent être envisagées comme la gratuité partielle du stationnement et des parkings, des emplacements réservés plus proches des sorties ou encore la possibilité d’utiliser certaines voies réservées aux transports en commun, à l’instar des couloirs de bus utilisés par les taxis plus rapides.
Relevons aussi quelques incohérences sur la circulation en cas de pic de pollution. La vitesse limitée s’applique aussi aux véhicules non polluants. Avec la requalification de l’A35 dans un futur proche, il faudra permettre aux véhicules bleus de circuler normalement dans des couloirs dédiés.
La mise en place prochaine de la vignette Crit’Air pourra peut être permettre cela, mais notons que cette vignette sera peu restrictive, malgré le risque d’amende. À Paris, ils sont nombreux à être passés outre les contraintes.
On peut aussi se demander au passage si ces vignettes s’appliqueront à la CTS, dont certains bus ont bien plus de 10 ans au vu des immatriculations. Notons également qu’à Amsterdam, la majorité des taxis sont des voitures électriques.
Dissuader le diesel en ville
En parallèle de ces dispositifs d’incitation, il serait aussi temps de se pencher sur la dissuasion de l’usage du diesel en ville et réfléchir au développement des véhicules propres. Techniquement, tout est quasiment prêt et nous devons anticiper la ville de demain comme à Lyon. La cité sera un lieu de vie, de culture, de convivialité et d’attractivité économique donc de circulation automobile.
Il est aberrant d’avoir dépensé près d’un milliard d’euros pour les portiques Écotaxe et les laisser à l’abandon après les beaux discours de la Cop21. Que ces portiques maintenant en boulevard urbain prennent enfin du service, les pollueurs seront les payeurs.
Le diesel reste attractif par le prix du carburant plus intéressant, la free taxe de ces véhicules polluants ne freinera pas le problème des particules fines. Une vraie politique d’incitation à l’achat de véhicules propres ne peut être efficace que si elle est accompagnée de taxe carbone à assiette large permettant de financer les bonus pour les vertueux . En Autriche les ventes d’électrique ont bondi de 138% l’an passe grâce à la mise en place de bonus et de taxes.
Une taxation au kilomètre
Les assurances proposent des contrats au kilomètre par l’installation d’un compteur dans le moteur. Ce système pourrait permettre de calculer la vraie trace carbone de chaque véhicule et comme les assurances propose des bonus en rapport avec le kilométrage, telle une taxe carbone locale au kilomètre. On paye son eau, son électricité, le traitement des déchets pourquoi ne pas payer l’air que l’on pollue? L’air est devenu trop précieux pour être gratuit .
Cette mesure peut d’ailleurs être étendue à toute émission polluante et répercuter les effets sur la taxe d’habitation. Chacun se sentira concerné et prendra conscience de son implication, de sa part comme Pierre Rabhi qui nous compare à des colibris apportant une goutte d’eau pour éteindre un feu de forêt.
Préserver le sport automobile
L’automobile pour certains est dépassée et ne constitue plus un symbole de réussite sociale. Mais pour d’autre elle reste une passion, pour sa beauté, pour ses prouesses technologiques ou tout simplement pour le sport. Le sport automobile n’est autre qu’une compétition qui a acquis ses lettres de noblesse, comme l’équitation dont le cheval était à l’origine un moyen de transport ou utilitaire.
La voiture électrique procure un plaisir de conduite insoupçonné, par son moteur réactif, la répartition des masses idéale pour la tenue de route, son silence, son confort. La vitesse reste le domaine des sportifs .
Un grand prix de formule E ?
Le sport automobile est un merveilleux laboratoire de recherche pour la sécurité, la performance et le rendement d’un moteur moins polluant, pour de nouvelles formes d’énergies. Ainsi, la fédération internationale automobile (FIA) a imaginé la formule E, issue de la Formule 1, dont les monoplaces électriques font progresser les performances des moteurs, les batteries et diminuent l’impact sur en bruit et sur l’air.
Strasbourg peut être le siège d’un Grand Prix de formule E. Lors du dernier forum de l’association des automobile club au PMC, le maire de Strasbourg Roland Ries a déclaré ne pas y être opposé, après la proposition du président Didier Bollecker et devant celui de la FIA, Jean Todt.
Ce Grand Prix de Strasbourg ou même de l’Eurodistrict à dimension européenne serait alors un événement mondial, comme l’était le rallye de France. Strasbourg deviendrait ville bleue et verte, pour la transition énergétique, symbole d’une ville tournée vers l’avenir, la modernité et dans un esprit de préservation de la planète, qui ne nous appartient pas mais dont nous sommes tous les enfants, comme dirait Pierre Rabhi.
Thierry Roos
Conseiller municipal de Strasbourg
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