Au terme de notre première candidature aux élections sénatoriales, nous souhaitons partager quelques observations et interrogations concernant cette campagne en les versant au débat démocratique.
Le « suffrage universel indirect » bafoué
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Discrimination entre élus municipaux — Dans les villes de moins de 9 000 habitants, les conseillers municipaux désignent ceux qui, parmi eux, seront “grands électeurs” alors qu’au dessus de ce seuil, ils le sont tous, sans exception. Un conseiller municipal n’en vaut-il pas un autre ? Les majorités municipales sont-elles légitimes pour exclure du suffrage indirect certains élus que le suffrage universel a pourtant, directement investis ?
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La cooptation biaisée des délégués, “grands électeurs” supplémentaires — Dans les villes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux désignent des “délégués supplémentaires” non élus, à raison d’un pour 800 habitants. Cooptés par les groupes politiques des conseils municipaux, ces délégués sont généralement issus du cercle familial et militant des élus, ce qui revient à dire que les candidats à l’élection sénatoriale et leur entourage choisissent eux-mêmes une partie de leur électorat.
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Le cumul de mandats implique de multiples votes pour une seule personne — Les élus en situation de cumul de mandats peuvent voter plusieurs fois : une fois, personnellement au titre de leur mandat principal, et une ou plusieurs fois par procuration, au titre de leur(s) autre(s) mandat(s), ces délégations de vote étant confiées à des personnes de leur choix. Ainsi grâce à ce cumul de mandats, un pourcentage non négligeable de “grands électeurs” s’octroie le double de suffrages.
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Déséquilibre de parité du corps électoral — Dans le Bas-Rhin, le collège électoral du Sénat compte actuellement 40% de femmes pour 60% d’hommes, précisément 1 082 femmes pour 1 645 hommes. Ce défaut de parité est essentiellement dû aux communes de moins de 9 000 habitants ne constituant pas de liste (paritaire) lors des municipales.
Il nous semble nécessaire de corriger les quatre anomalies ci-dessus, qui remettent en cause la notion-même de suffrage universel indirect :
- En mettant fin au vote double, voire triple des “grands électeurs” qui cumulent les mandats.
- En reconnaissant le statut de “grand électeur” à tous les élus municipaux sans exception.
- En rétablissant l’équilibre démographique des territoires par le tirage au sort de délégués supplémentaires à parité au sein de la population dans les villes de plus de 30 000 habitants.
- En constituant, dans les communes de moins de 9 000 habitants, dès l’élection municipale, un collège électoral sénatorial à parité.
Une campagne électorale inéquitable entre les candidats
Dans une élection au suffrage indirect, le collège électoral n’atteint pas 0,5% des citoyens, ce qui rend improbable tout espoir de rencontre dans l’espace public, sur les marchés ou dans les cafés. Par ailleurs, compte tenu du public confidentiel concerné et des règles d’équité contraignantes, la presse écrite et audiovisuelle ne réservent que peu d’articles et reportages à l’élection sénatoriale.
La voie postale s’avère donc être le principal vecteur d’information des « grands électeurs », ce qui explique sans doute pourquoi leurs adresses postales ont été récemment ajoutées à la simple liste nominale prévue à l’article R-162 du code électoral, lequel précise que cette liste « peut être communiquée à tout membre du collège électoral et à tout candidat qui en fait la demande. » Mais cet article du code électoral établit en réalité une discrimination sérieuse entre les candidats :
- Ceux qui sont membres du collège électoral peuvent disposer de la liste des « grands électeurs » et de leurs adresses, dès son arrêté par le préfet, courant juillet pour le Bas-Rhin, soit plus de deux mois avant l’élection.
- Ceux qui ne sont pas membres du collège électoral ne peuvent en disposer qu’après le dépôt de leur candidature, à savoir entre le 20e et le 16e jour précédant l’élection, du 8 au 12 septembre cette année, soit à peine plus de deux semaines avant l’élection.
Plusieurs témoignages de « grands électeurs » évoquent plus d’une dizaine de courriers électoraux reçus de la part de certains candidats et ce, avant-même le dépôt des candidatures, pour les informer notamment des dates de réunions. Cette disposition récente du Code électoral (introduite par le décret n° 2013-938 du 18 octobre 2013) contredit « la participation équitable des groupements politiques à la vie démocratique de la Nation » affirmée à l’article 4 de la Constitution.
L’absence de mention de publipostage dans le Mémento à l’usage des candidats et le Guide du candidat et du mandataire financier démontrent le caractère très récent de cette disposition qui n’a peut être pas eu le temps d’y être transposée alors que c’est la première fois que les candidats à l’élection sénatoriale devront déposer leurs comptes de campagne.
Et le jour du scrutin, la campagne continue…
En dépit de la tradition républicaine de neutralité et de sobriété habituellement observée le jour du scrutin et en particulier sur les lieux du vote, nous avons constaté des comportements pour le moins surprenants de la part de certains candidats, accueillant quasiment les grands électeurs à l’entrée et à l’intérieur du Palais universitaire et restant sur place bien plus de temps qu’il n’en faut pour voter. Observons aussi cette curieuse interdiction faite à la presse de pénétrer dans l’enceinte de la bâtisse et d’accéder aux bureaux de vote. À se demander quel en est le motif…
Nous sommes satisfaits, malgré notre score, d’avoir mené cette campagne et d’avoir vu cette élection sous un angle qui n’était accessible qu’aux candidats. Nos propositions concrètes, créatives et audacieuses n’ont cependant pas atteint l’objectif que nous nous étions fixé, à savoir d’être entendues et débattues. Nous espérons néanmoins qu’elles feront leur chemin.
Pierre Schweitzer et Lucia D’Apote
Candidats à l’élection sénatoriale du 28 septembre 2014 dans le Bas-Rhin
IDÉES – Indépendants, démocrates, écologistes, européens et solidaires
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Élections sénatoriales : course à l’immobilisme
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