À l’issue de la délibération votée au conseil municipal du 27 juin, la compétence des Bains municipaux sera du ressort de la Ville – si l’on peut dire – puisque cette dernière délègue le soin de mener à bien la rénovation de cet ensemble à la Société Publique Locale (SPL) des Deux-Rives, dont l’Eurométropole détient 80% du capital. De plus – et opportunément – ce transfert de compétence annule de fait tout argument concernant « la rénovation de la piscine de la Victoire dans le cadre du plan piscine », engagement n°41 du candidat Roland Ries en 2014.
Au-delà du discours rodé consistant à dire que l’objectif est de réaliser cette opération sans augmentation de la fiscalité locale, ce qui nous importe en priorité est de comprendre la finalité véritable d’un montage complexe et changeant que certains élus ont même qualifié de « tarabiscoté » et qui se substitue au suivi classique des restaurations du patrimoine municipal opéré par les services de la Ville prévus à cet effet.
Parmi les objectifs affichés, l’un au moins est présenté sans complexe : en raison de la baisse des effectifs de la Ville (10%), la totalité des employés municipaux actuellement en charge du bâtiment et de son fonctionnement sera affectée à d’autres tâches. Au-delà d’une simple logique comptable de gestion des ressources humaines, a-t-on pensé à la transmission du savoir-faire ?
L’autre point est de considérer que la SPL est à même de mettre en œuvre une opération que la Ville ne saurait pas faire : sociétés à fonds publics de droit privé (!) mises en œuvre en 2010 comme alternative aux opérations de partenariat public-privé dont beaucoup s’étaient révélées désastreuses pour les finances publiques, les SPL ont pour principal argument d’être administrées par des élus des collectivités publiques (ici en l’occurrence le maire, plus 2 conseillers municipaux et 7 eurométropolitains dont un seul de l’opposition).
Pour doter la SPL d’une capacité à lever les fonds nécessaires à cette opération (30 millions, chiffrage à la louche puisqu’il n’est pas lié à un cahier des charges), la Ville versera 4 millions d’euros, pas directement au projet, mais au capital de la SPL. Et, surtout, elle versera 2,6 millions par an pendant 30 ans (!), présentés comme un investissement et une compensation du déficit de fonctionnement de l’établissement, établi sur la base actuelle.
On comprend que, par cette offre alléchante, la Ville espère cette fois-ci mobiliser des investisseurs qui ne se sont pas bousculés au portillon, et surtout qui, apparemment, n’ont pas souhaité supporter le prix de la rénovation : c’est avec des fonds publics que celle-ci sera réalisée, contrairement à ce qui était affirmé initialement (« la Ville n’a pas l’argent »). Cette volte-face est même présentée comme une concession faite aux opposants au projet, ce qui est une pure pirouette de rhétorique !
Silence complet concernant l’aile médicale
Après un examen attentif des projets de la Ville, nous constatons que, sur de nombreux points, prévaut un flou inquiétant dont on ne sait s’il résulte d’une certaine difficulté à effectuer ce montage ou du besoin de se laisser des marges de manœuvre. Ainsi, alors même que les responsables présentent comme une preuve du maintien de la mixité sociale l’attribution de la chaufferie au programme « sport-santé », pourquoi ne prend-il pas place dans le bâtiment des bains médicinaux, ces lieux qui, historiquement, étaient dédiés à la santé et au sport ? À moins que ce ne soit que des bureaux – et non la santé ni le sport pour les usagers…
Ces mêmes responsables, répétant leur engagement à conserver l’édifice – mais dont le maire refuse le classement total souhaité par les instances nationales depuis 2012 – avouent de façon ingénue avoir abandonné pour des raisons financières l’hypothèse d’un programme hôtelier dans cette aile, transformation radicale ayant bien sûr porté atteinte à la nature des espaces actuels qui, contrairement aux déclarations d’Olivier Bitz (adjoint au maire en charge du dossier, ndlr), ne sont pas « vides » : mis à part le sous-sol, ce bâtiment est occupé en presque totalité – et c’est bien la raison de son bon état de conservation. Le sauna y fonctionne toujours d’ailleurs.
Gestion privée et pérennité du patrimoine
Parmi les types de délégation du service public, le choix de l’affermage, aux conséquences et risques bien connus et quelles que soient les exigences de la Ville, le délégataire se paiera (charges et profit) sur les usagers. Ainsi, pour maintenir un ou des bassins au tarif public, d’autres activités seront forcément surfacturées. En cas d’arrêt de la délégation, la collectivité assumera les pertes et le déficit (voir le cas de la patinoire, de l’incinérateur).
Il faut aussi savoir que le délégataire ne s’attache pas nécessairement à la pérennité du bâtiment, ce n’est pas dans ses prérogatives. Or, plus que centenaires et malgré la vétusté de certaines parties, les Bains sont toujours en fonctionnement : au-delà de l’excellence de l’architecture engagée par la Ville (en régie !) au début du XXème siècle, nous devons ce fait en grande partie aux agents qui s’en sont occupés au quotidien, en dehors d’une logique de profit et en travaillant souvent au sous-sol, considéré comme « vide ».
Portage public ?
« La SPL porterait, sur le mode concessif, les travaux », selon Olivier Bitz en conseil municipal. Il y a une contradiction flagrante entre l’objectif répété de procéder à une opération non coûteuse pour le contribuable et les engagements hasardeux auxquels ces élus ont peut-être déjà souscrit auprès d’opérateurs privés potentiels (dont bien sûr on ne sait rien) sur la longue durée, avec pour toute garantie un contrôle qui ne sera plus celui de l’ensemble des élus mais celui des seuls membres du conseil d’administration de la SPL.
Aucun de ces engagements n’est pérenne. Ils n’ont pour véritable raison d’être que la volonté – pour une fois très claire – de la municipalité de ne plus traiter le dossier par ses propres services. Et ceci sans prendre en compte une volonté populaire qui s’est déjà exprimée à de nombreuses reprises pour le maintien d’un service public dans cet établissement, ce qui n’empêche en aucune manière d’établir un projet de rénovation et d’amélioration, souhaité par tous et, en premier, par ses utilisateurs.
Le collectif rappelle sa position initiale, soutenue par plus de 6 000 citoyens, de maintenir public l’ensemble que constituent, dans leur aspect patrimonial et dans leur usage, les Bains municipaux de la Victoire.
Collectif La Victoire pour tous
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