Employé au Carrefour City à Neudorf, Alfredo se sent concerné par le débat sur le travail dominical. Ça fait plusieurs semaines qu’il ne peut plus travailler le dimanche, et ça s’en ressent sur son salaire : 370€ en moins par mois. Alors Alfredo s’est rendu au conseil municipal du 24 juin, pour assister aux débats et voir de ses propres yeux si oui ou non, la supérette où il travaille pourrait ouvrir à nouveau le dimanche :
« Moi je veux bosser le dimanche ! On n’oblige personne, si certains ne veulent pas, ils ne travaillent pas. Mais moi j’en ai besoin économiquement. Le dimanche on est payé le double. Je n’ai rien contre les inspecteurs du travail, ils ne faisaient que remplir leur mission. Mais personne n’est venu nous demander notre avis, à nous les salariés. Même pas les syndicats. »
Pourtant, tous ne partagent pas cet avis. Un salarié de l’une des sept supérettes assignées en justice par l’inspection du travail avoue avoir pris goût au repos du dimanche :
« J’ai fait les dimanches pendant trois ans dans ce magasin, mais après j’en ai eu marre de ne pas avoir mon dimanche de libre, comme tout le monde. Alors oui, les gérants des supérettes vous diront qu’ils doivent ouvrir pour des raisons économiques, parce que nous avons beaucoup de clients le dimanche et depuis que nous sommes fermés ce jour-là le chiffre d’affaires a chuté. Et je comprends ce point de vue. Mais le repos le dimanche, c’est le repos du guerrier et c’est important de le respecter. »
Ouverts dès ce dimanche
Conformément à ce qu’avait déclaré le maire de Strasbourg, Roland Ries, lors d’une conférence de presse donnée le 13 juin, les commerces de proximité pourront ouvrir dès ce dimanche 30 juin. Il a signé hier l’arrêté nécessaire, qui a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Mais certains gérants aimeraient recevoir une notification directe, comme l’explique Me Nicola Fady, qui a défendu une partie des gérants des supérettes devant le tribunal :
« Lorsqu’une délibération est adoptée, elle doit être transmise à la préfecture pour devenir effective. Donc les supérettes sont censées attendre de recevoir une autorisation de la préfecture pour ouvrir à nouveau en toute légalité. »
À l’épicerie Chahiat de l’avenue des Vosges, on attend prudemment ce feu vert de la préfecture, tout comme au Carrefour City à Neudorf. Son gérant, Yannick Simon, assure qu’il respectera les trois heures réglementaires :
« Avant d’être interdit d’ouverture, notre magasin ouvrait de 9h à 13h. Désormais nous ouvrirons une heure plus tard, pour respecter les trois heures d’ouverture. Je n’ai pas décidé d’ouvrir le dimanche pour faire le voyou mais pour répondre à un besoin économique. Donc nous respecterons l’arrêté départemental de 1938 qui autorise ces trois heures d’ouverture matinales. Et si un jour, ça passe à 5h, tant mieux. Je fais confiance au maire qui a réagi rapidement pour abroger l’arrêté municipal de 1936. »
« Même cinq heures c’est ridicule »
Mais si les sept supérettes assignées en justice semblent vouloir jouer la prudence, d’autres supérettes strasbourgeoises comptent bien rester ouvertes dès ce dimanche 30 juin, et plus de trois heures. Le gérant de la supérette Mersel, Grand’Rue, semble excédé par la situation :
« Je ne vais pas ouvrir que trois heures, c’est ridicule. Le temps d’ouvrir le magasin, de sortir les fruits et légumes, de nettoyer un peu et les trois heures sont déjà passées. Ça ne sert à rien, autant ne pas ouvrir. »
Non loin de là, du côté de l’épicerie Toros, on partage largement cet agacement :
« Non seulement, nous ne pourrions ouvrir que trois heures, mais en plus c’est le matin. Autrement dit, on ouvre quand les gens font la grasse matinée. Par exemple, si on ouvre de 8h à 11h, on fera peut-être 120€ de chiffre d’affaire tout au plus. Autant rester chez soi et dormir aussi. Et même 5h d’ouverture, ça n’est pas assez, il faudrait qu’ils autorisent l’ouverture pendant 8h pour les magasins de 80 m² maximum par exemple. Nous, notre magasin a une surface de 70 à 80 m². »
Les sept supérettes en procédure d’appel
L’abrogation de l’arrêté municipal de 1936 ne change rien à la procédure d’appel en cours par les sept commerces condamnés par le tribunal le 15 mai à rester fermés. Ces derniers attendent toujours une nouvelle audience, fixée au 18 septembre. Me Nicola Fady explique pourquoi :
« Si aujourd’hui les supérettes peuvent à nouveau ouvrir le dimanche, il n’en reste pas moins que l’inspection du travail aura obtenu la fermeture des magasins pendant un certain nombre de dimanches. Alors si la cour d’appel nous donne raison, ça engagera l’Etat à indemniser les magasins pour la perte financière qu’ils auront subi. »
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