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Transports alternatifs à Strasbourg, pourquoi ça coince

Strasbourg est une ville plutôt dotée en solutions de transports. Mais pourtant, ses accès et routes restent engorgées de voitures et l’utilisation des modes de déplacement alternatifs reste marginale. Voici un tour d’horizon de ce qui existe… et de ce qui pourrait s’améliorer.

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Transports alternatifs à Strasbourg, pourquoi ça coince

Pourquoi les alternatives à l’utilisation de la voiture restent marginales à Strasbourg ? La métropole s’enorgueillit du titre de capitale du vélo, elle a été parmi les premières à réinstaller un tramway dans ses rues, elle est un berceau de l’autopartage mais encore 55% de ses habitants continuent d’utiliser leur voiture pour se rendre à leur travail. Pire, pour des déplacement inférieurs à 3 km, 74% des habitants de l’agglomération optent pour leur voiture…

Lors de l’apéro des possibles de janvier sur les transports, plusieurs propositions ont été avancées pour améliorer les modes alternatifs. (Photo Emmanuel Hoff)

Lors de l’Apéro des possibles de janvier, une démarche de réflexion citoyenne et d’engagement initiée par Rue89 Strasbourg et le Crew 2038, les participants ont posé cette question des alternatives à la voiture. Et parmi les propositions qui ont circulé, quatre ont été retenues.

Comment rendre l’autopartage plus incitatif ?

Ce qui a été fait. Lors de l’Apéro de janvier, un participant a proposé la création d’un abonnement global, qui permettrait d’accéder à tous les modes de transports à Strasbourg. « Mais ça existe déjà ! » s’étrangle le P-DG du service d’autopartage Citiz, Jean-Baptiste Schmider, présent dans l’assemblée. Inauguré en 2014, le PassMobilité permet d’utiliser le réseau de transports CTS, le vélhop, le réseau Citiz et « Yea! », mais aussi les TER et les bus du réseau CTBR qui circulent dans l’Eurométropole depuis décembre 2016. Moins cher qu’une recharge mensuelle CTS en plein tarif, il s’agit cependant d’un engagement sur un an qu’il n’est pas possible d’interrompre en cas d’inutilisation. Seuls 625 personnes ont choisi cette formule.

Quant à l’autopartage à Strasbourg, Citiz, OuiCar et Drivy cumulent à eux trois une flotte de 800 voitures, dont une centaine disponibles en réservation immédiate avec les services Yea! de Citiz, et celui de son concurrent Drivy. OuiCar pour sa part se concentre sur l’autopartage entre particuliers, tout en recourant aussi à des intermédiaires qui mettent plusieurs véhicules à disposition. Les prix vont de 20 à 70 euros la journée, en fonction du modèle ou du nombre de kilomètres parcourus. Pour le P-DG de OuiCar, Benoit Sineau, le nombre de voitures disponibles est aujourd’hui suffisant pour rendre le service attractif.

« On a une flotte assez grande pour le moment. Au niveau national, on pourrait facilement tripler notre chiffre d’affaires sans augmenter le nombre de voitures disponibles. La prochaine étape reste d’améliorer l’adéquation de l’offre et de la demande. Il y a des pics de demande le week-end et dans certaines périodes comme septembre, propices aux déménagements. »

Les différentes entreprises d’autopartage cumulent 800 voitures pour Strasbourg et ses alentours. (Photo Pierre Pauma)

Ce qu’il reste à faire. André Roth de l’ASTUS (Association des Usagers des Transports Urbains de Strasbourg) a été interloqué par la faible connaissance du public sur l’offre existante :

« Aujourd’hui à Strasbourg, on a une offre relativement complète. Celui qui cherche à optimiser ses déplacements, est normalement en mesure de trouver les informations. »

Une question de réflexe à adopter ? « Il y aura toujours des irréductibles qui préféreront le confort du véhicule individuel avec l’autoradio », lâche-t-il, fataliste. Une raison d’y croire tout de même : le nombre d’abonnements au PassMobilité a augmenté de 14% entre 2016 et 2017.

Même son de cloche chez les professionnels de l’autopartage, qui se heurtent encore à quelques réflexes conservateurs. L’autopartage trouve son public, mais il encore loin d’être généralisé, constate le manager France de Drivy, Quentin Lestavel :

« Tous les citadins n’acceptent pas encore de partager leur véhicule. Il y a encore parfois un lien affectif à la voiture. On peut changer ça en apportant des garanties suffisantes, aussi bien en termes d’assurance que de fiabilité des véhicules ou des utilisateurs. »

En revanche, le covoiturage pour les courtes distances peine à trouver son public. La plateforme IDvroom, lancée par la SNCF en 2014, n’indique que trois utilisateurs à Strasbourg partageant leur véhicule régulièrement…

Pourquoi personne n’utilise les parkings relais ?

Ce qui a été fait. Il y dix parkings publics et connectés au tramway autour du centre ville de Strasbourg, 4 200 places à un prix imbattable de 4,10 euros par jour (4,60 euros pour le très demandé parking de la Rotonde), avec un ticket aller-retour pour tous les occupants du véhicule. Les résidents peuvent y abriter leur véhicule pour moins de 40 euros par mois.

Ce qu’il reste à faire. Las, avec 731 000 véhicules accueillis en 2018, ces parkings-relais restent globalement boudés, à l’exception de celui de Rotonde qui borde l’A35 et affiche un taux de remplissage élevé. Plusieurs d’entre eux connaissent des pics de fréquentation ponctuels, en fonction de leur environnement économique ou événementiel (celui des Rives de l’Aar pour la Foire européenne, ou de la Meinau pour les matches du RCS). Mais les parkings du centre-ville, malgré leurs prix, restent très prisés, les automobilistes préfèrent quand même s’ajouter aux interminables files d’attente du samedi après-midi pour une place au parking Gutenberg, à deux pas de la Cathédrale. Puisque la carotte ne marche pas, André Roth de l’Astus se demande s’il ne faudrait pas tendre le bâton :

« On peut réfléchir à privatiser les parkings de Gutenberg, en les réservant aux résidents ou aux abonnés. Je ne suis pas sûr que les commerçants approuveraient, mais cela permettrait d’attribuer plus de place aux piétons et obligerait les visiteurs à utiliser les parkings relais. »

À noter que contrairement aux parkings-relais, quasiment désertés en fin d’après-midi, certains parkings du centre-ville (Wodli, Sainte-Aurélie, Gutenberg, Tanneurs) peuvent afficher des taux de remplissage supérieurs à 50% passé 22 heures. Il reste donc la piste d’un forfait nuit, à développer pour les parkings relais…

Même avec des tarifs dissuasifs, les parkings du centre-ville restent plus sollicités que les parkings relais en périphérie. (Photo Pierre Pauma)

Passer d’un réseau de transports en étoile à un maillage

Ce qui a été fait. Historiquement, le réseau de bus et de trams de la CTS est en étoile, avec au milieu le centre-ville de Strasbourg. Mais depuis la refonte du réseau de bus au nord de l’agglomération, les transports en commun strasbourgeois ont opéré une timide évolution vers un maillage, rendant plus accessible la périphérie de Strasbourg. André Roth rappelle :

« Pour aller de Vendenheim à Mundolsheim, il me fallait 15 minutes à vélo alors qu’avec le bus, il fallait encore faire un détour par le sud, il y en avait pour 40 minutes. Depuis septembre 2018, la ligne L6 permet de faire le trajet bien plus facilement. »

De même, les lignes E et G (en tram et en Bus à haut niveau de Service) évitent la place de l’Homme-de-Fer, le centre névralgique mais ultra-saturé du réseau. Pour soulager le réseau routier d’une partie des travailleurs pendulaires, une autre ligne de bus appelée TSPO pour Transport en site propre Ouest doit relier Strasbourg à Wasselonne en 45 minutes. Mais sa mise en service est sans cesse repoussée, on parle désormais d’une mise en route en 2023. Et comme Rue89 Strasbourg le relevait déjà en 2015, la solution d’une voie dédiée, souhaitée par les usagers des transports en commun, n’a pas été retenue. Le bus circulera sur l’actuelle bande d’arrêt d’urgence, et devra cohabiter avec les voitures… Ceci alors que certains redoutent une augmentation de trafic sur cet axe avec le GCO.

Ce qu’il reste à faire. Certaines zones restent encore peu couvertes par les transports en commun. Entre les horaires aléatoires et au rythme de deux bus par heure, difficile pour les employés qui travaillent au Sud du Port-du-Rhin par exemple, d’envisager les transports en commun. Sans compter des ratés, comme l’écoquartier des Tanneries à Lingolsheim. Reste enfin à créer un réseau express régional, qui permettrait de soulager les routes strasbourgeoises de ses travailleurs pendulaires.

Tracé de la future ligne de TSPO. (document de l’enquête publique)

L’Astus suggère de rouvrir la gare de Schiltigheim. André Roth a un argument choc :

« Avec un arrêt TER aux Trois-Epis, Schiltigheim serait à 4 minutes du centre de Strasbourg. Et avec des trains passants en gare de Strasbourg, on aurait la possibilité de rallier Lingolsheim et Vendenheim en 15 minutes seulement. »

Il semble en effet paradoxal qu’il soit possible de rallier plus facilement Kehl en Allemagne grâce au réseau Sweg, que certaines villes en périphérie de Strasbourg…

En finir avec les voies cyclables dangereuses

Ce qui a été fait. Au niveau local, le collectif Vélorution et les habitants de l’avenue des Vosges ont réussi à forcer la main de la Ville. D’ici 2020, les voitures devront se pousser pour laisser place à une bande cyclable sur cette grande artère de Strasbourg. Membre actif de Vélorution, Yannick Ganne s’en félicite, même si cela reste à ses yeux une solution transitoire :

« L’idéal reste d’avoir une piste cyclable, physiquement séparée des voitures pour plus de sécurité. Mais personnellement, je trouve que c’est un bon début. S’il faut prendre de la place pour les vélos, autant la prendre aux voitures plutôt qu’aux piétons. »

Pour rappel, l’avenue des Vosges dédiait jusqu’à présent 6,70 m de trottoir aux piétons, 22,85 m de largeur à la voiture… Et rien du tout pour les vélos. Lors du Conseil municipal de novembre, les élus d’opposition se sont inquiétés des conséquences en termes de sécurité routière : la bande cyclable intervenant entre la route et des places de parkings, ils redoutent des accidents entre automobilistes quittant leur place de parking et les cyclistes.

Marquage du collectif Vélorution sur l’avenue des Vosges le 28 mai 2018. (Photo : Sophie Dupressoir / doc remis )

Quant à la cohabitation avec les piétons, Yannick Ganne apprécie la décision de la ville sur le boulevard de la Victoire : les cyclistes les plus pressés ne sont plus obligés de cohabiter sur le terre-plein central avec les piétons et les passagers qui attendent leur tram, ils peuvent emprunter la voie au côté des voitures. De quoi, espère-t-il, éviter les chocs entre piétons et cyclistes.

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Ce qu’il reste à faire. Mais comme pour les transports en commun, la continuité du réseau cyclable avec les villes voisines de Strasbourg laisse à désirer. Yannick Ganne cite notamment la ville de Schiltigheim :

« Une fois sorti de la place de Haguenau, le cycliste qui arrive à Schiltigheim se retrouve sur la route de Bischwiller, où rien n’est n’est prévu pour lui. Il doit rouler avec les voitures. [ndlr : il y a quelques mètres de piste cyclable à hauteur du parking Le Millésime]. »

Ce sera le mot d’ordre de la prochaine Vélorution : une meilleure liaison à vélo entre Strasbourg et sa banlieue (voir encadré). À l’intérieur même de Strasbourg, certains grands axes posent aussi problème aux cyclistes, avec des pistes cyclables en pointillés :

« On peut prendre la route du Polygone en exemple. En partant de Rivétoile, on a une piste cyclable qui est parfaite. Mais si on descend vers Kibitzenau, on n’a plus rien, puis un semblant de piste cyclable sur le trottoir, et de nouveau plus rien. »

Quand aux porte-vélo sur les cars, ce n’est pour l’instant pas à l’ordre du jour. Certains bus en sont déjà équipés en Suisse et en Allemagne… Peut-être une option pour le TSPO, à défaut d’une voie dédiée ?

Si vous souhaitez réagir ? Vous avez d’autres solutions ? Ne les gardez pas pour vous, venez en discuter avec nous mardi 26 février, à l’occasion de notre second Apéro des possibles sur les transports.


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