“Le tram Vendenheim-Wolfisheim ? C’est un projet qui ne se fera pas avant quinze ans. La règle c’est que tout chantier qui n’est pas entamé ne se fera pas lors de ce mandat”.
Voilà comment le maire de Schiltigheim Jean-Marie Kutner (UDI), qui siège également à l’Eurométropole (ex-CUS), résume la situation. Du côté de Vendenheim, on explique que le projet « n’est plus d’actualité ». À l’ouest, c’est plus compliqué.
Le tramway vers l’ouest et le nord de Strasbourg est ce que l’on appelle « un gros dossier ». D’abord inclus dans le cadre d’un tram-train vers la Bruche et le Piémont des Vosges un temps annoncé pour… 2008, il est ensuite imaginé sur pneumatiques, moins cher que ceux sur rails de fer, comme ailleurs à Strasbourg.
Les habitants, échaudés par les soucis rencontrés à Caen et Nancy, l’ont vu comme un tram « au rabais », moins pratique, moins beau, et qui creuse les routes. Après une mobilisation, il est décidé en 2013 qu’il s’agira de deux lignes distinctes, toutes deux via le centre et sur fer. Mais depuis une délibération de juillet 2013 à la CUS, aucune avancée n’est à signaler.
L’extension vers Koenigshoffen pourtant une promesse des municipales
Candidat à sa réélection en 2014, le maire Roland Ries (PS) s’engageait dans son programme sur la première partie du tracé :
« Nous mènerons à terme les projets d’extension de tramway, d’ores et déjà à l’étude, pour une meilleure desserte de Koenigshoffen, Illkirch, Schiltigheim, la Robertsau et Kehl. »
Les rails vers la mairie d’Illkirch-Graffenstaden sont posés et les travaux vers Kehl avancent. Mais les autres extensions n’ont pas débuté. Jean-Pierre Hecker, membre du collectif pour un tram sur fer à l’ouest de Strasbourg, se rappelle que tous les candidats s’étaient dits favorables à ce projet. Dans le programme, pas d’indication sur les communes d’Eckbolsheim, Wolfisheim (à l’ouest) et Vendenheim (au nord) cependant.
Lors de notre interview participative avec Roland Ries, un lecteur avait demandé si le projet verrait le jour avant la fin du mandat, en 2020. Le maire avait répondu que ce dossier fait partie « des arbitrages », car certains investissements doivent être repoussés en raison des difficultés budgétaires. Un signal plutôt négatif quand on sait que les élus aiment réaffirmer qu’un chantier est prioritaire, comme le tram vers Kehl en 2017, quand c’est le cas.
Mais deux ans après la délibération et plus d’un an après les élections municipales, les cartes ont été rebattues. Les nouveaux maires au nord (Schiltigheim et Vendenheim) ne sont pas favorables à cette ligne, tandis que la partie ouest (Koenigshoffen-Eckbolsheim-Wolfisheim) s’impatiente.
À l’ouest, on veut toujours du tram
Samedi 11 juillet se tenait une manifestation festive à Koenigshoffen pour rappeler leurs promesses aux élus. Une centaine de personnes y ont participé à un moment ou un autre, selon les organisateurs. Un résultat qu’ils jugent « satisfaisant » compte-tenu des vacances et du pont du 14 juillet, surtout qu’il s’agissait d’un dossier sans actualité.
L’opposition de droite s’est également rendue à l’événement, dans ce quartier plutôt à gauche, mais où l’écart se réduit. Fabienne Keller (Rép) et Jean-Emmanuel Robert (Rép) ont fait le déplacement. Les slogans étaient assez virulents : « Roue de l’infortune », « Arlésienne », « et nous ? », « pour l’écologie ! », « ça fait 15 ans qu’on attend », « pour les retraités ! ».
Malgré l’événement, le porte-parole du collectif, Pierre Ozenne, n’a pas eu de nouvelles de l’exécutif local :
« Les études de faisabilité sont terminées depuis des années. La première des revendications, c’est de démarrer l’enquête publique où plusieurs itinéraires seront présentés. Chacun pourra exprimer son opinion et l’enquêteur indépendant indiquera ensuite sa préférence, avant que le préfet ne déclare l’utilité publique de la ligne, valable 5 ans renouvelables une fois. Mais nous n’avons aucune information sur les avancées. »
S’il y a bien quelques commerçants qui se disent opposés au tramway, le collectif pour le tram réunit de nombreuses associations de ce quartier comportant 30 000 habitants.
Moins cher que le tram vers Kehl, arguments en pagaille
À Eckbolsheim, Guy Spehnner (sans étiquette), adjoint au maire en charge des grands projets urbains s’impatiente aussi, d’autant plus que la nouvelle zone d’aménagement concertée (ZAC) Jean Monnet va faire venir de nouveaux habitants. Il met en avant qu’il n’y a pas de gros travaux à réaliser sur le tracé. Pas de nouveau pont, pas de nouvelle route à construire.
En filigrane des protestations, le choix du tram vers Kehl et ses 120 millions d’euros pour deux kilomètres questionne. La municipalité a toujours justifié la ligne vers Kehl par le fait que le quartier du port du Rhin a été trop longtemps délaissé et isolé. Lors de notre enquête sur le quartier du Port du Rhin en septembre 2014, les premiers retards sur les chantiers étaient déjà perçus comme un nouvel abandon par des habitants. Mais lors de la campagne Roland Ries candidat s’était défendu dans Le Point en affirmant que les deux lignes seraient inaugurées en même temps.
À l’ouest, la dernière étude de faisabilité date de 2011. Obtenue difficilement, elle avance le montant de 87 millions d’euros pour 6 kilomètres, jusqu’au terminus de Wolfisheim. Mais en s’arrêtant d’abord à Koenigshoffen (parc des Poteries ou rue de Wasselonne), le tramway aurait déjà effectué les trois quarts du chemin. La ligne irait dans un premier temps jusqu’à Koenigshoffen, puis ensuite vers Wolfisheim. Une construction en deux temps correspond à une des annonces de 2013.
Un ancien document de la CUS qui évoque la réalisation des tracés en deux phases
De plus, en 2015, Roland Ries a déclaré dans un atelier du tramway, que la construction d’un tramway aujourd’hui pouvait coûter 40% moins cher qu’avant.
Autre crainte d’ordre financier, l’État français a promis une subvention de 8 millions d’euros si 25% des travaux sont réalisés avant le 31 décembre 2017. Un délai qui pousse les supporters du tram à presser les décideurs d’agir, même si cette dotation pourrait être renouvelée plus tard.
« Plus à l’ordre du jour » au nord, à Vendenheim et Schiltigheim
Au nord, une meilleure desserte de Strasbourg ne se fera pas grâce au tram, les nouveaux maires étant opposés au tracé proposé jadis. Mais on pense doucement à d’autres alternatives comme l’explique le maire de Schiltigheim Jean-Marie Kütner :
« Je suis contre ce tracé, contrairement à mon prédécesseur, car il bloquait la circulation et les commerces. J’ai d’ailleurs fait de bons scores dans les bureaux de vote des secteurs où le tram devait circuler… Je pense que ce serait plus intelligent de prolonger le bus à haut niveau de service de la gare à l’espace européen de l’entreprise (BHNS – ligne G) vers Vendenheim. En revanche, un prolongement des Halles à l’entrée de Schiltigheim vers l’usine Fischer qui sera reconvertie en logements pourrait être utile. »
Les collectifs de riverains sont aussi peu mobilisés sur ce sujet. Pierre Schwartz, conseiller eurométropolitain de Vendenheim (DVD), aimerait aussi que sa commune soit reliée autrement à Schilitgheim et Strasbourg :
« Un tram mettait 35 minutes pour rejoindre Strasbourg, son intérêt est limité. Ce qu’il nous faudrait c’est une liaison avec Schiltigheim. Si c’est un bus, c’est déjà bien, un bus à haut niveau de service (BHNS) c’est encore mieux et un “RER” strasbourgeois ce serait idéal. À force d’être répétée, cette demande a été entendue à l’Eurométropole, mais il n’y a pas de calendrier. »
Le Contrat Plan Etat Région 2015-2020 prévoit la mise en service d’une quatrième voie de train entre Vendenheim et Strasbourg (pages 37 et 39). Et avec les abonnements CTS qui permettraient de voyager dans l’ensemble des gares de l’Eurométropole en décembre, l’idée d’un train de banlieue au nord et à l’ouest de Strasbourg émerge timidement, couplé à d’autres offres de transports, plus rapides à mettre en œuvre. Mais il n’y a pas de gare à Koenigshoffen.
Une bataille sur le tracé vers l’ouest ? Cliquez sur les lignes pour plus d’informations.
L’hypothèse de travail actuelle est un « débranchement » de la ligne F ou B à hauteur du Faubourg national. Problème, le tracé traverserait l’espace où se tient le marché et d’autres manifestations (comme des vide-greniers). L’association des habitants du quartier gare (AHQG), qui a fait connaître sa surprise par communiqué. Mais chaque extension du tram a valu son lot de réaménagements. Plusieurs lieux de substitution ont été évoqués aux DNA (musée d’art moderne, école sainte Aurélie voire Laiterie).
Le collectif de Koenigshoffen préférerait un prolongement de la ligne C actuelle pour pouvoir aller à la gare comme au centre et sans modifier l’espace dévolu au marché. Selon des techniciens, il n’est pas possible de traverser la place de la gare, car avec les galeries souterraines, elle ne supporte pas le poids de plusieurs tramways. Un argument que réfute Pierre Ozenne :
« Places de l’Homme de Fer et Kléber, il y a un parking souterrain, alors que ces places sont bien plus anciennes que celle de la gare réaménagée en 2007 pour l’arrivée du TGV. Une route doit pouvoir supporter un camion de 44 tonnes, où le poids par roues est de 4,4 tonnes, contre 3,75 tonnes (76 tonnes sur 20 roues). »
Le porte-parole soutient les réaménagements proposés par Écocité, une association citoyenne de débat et de propositions d’idées d’aménagement, dont il est également membre.
Au sein de Koenigshoffen même, ce sont deux options que devra trancher l’enquête publique : un tracé qui dessert le maximum d’habitants (par l’allée des Comtes et la rue Virgile au nord) ou les commerçants (route des romains au sud).
La proposition d’Ecocité
Ce plan propose que plusieurs lignes se séparent en deux à la fin, afin de mieux couvrir le territoire strasbourgeois :
- La ligne D est supprimée entre Poteries et Homme-de-Fer, car déplacée vers Schiltigheim. Ainsi, elle ferait Schiltigheim <=> Kehl, via Homme-de-Fer et Neudorf, avec une branche vers le Neuhof « allée Reuss » également (sorte de « Y » à l’Est).
- La ligne C est prolongée depuis la gare, jusqu’au Poteries: De là, un tram C sur 2 irait à « Parc des Sports » et un tram C sur 2 effectue son terminus provisoire aux Poteries, dans l’attente d’une extension vers Wolfisheim.
- La ligne A est maintenue mais modifiée à partir de « Dante » à Hautepierre: De là, un tram A sur 2 irait à « Parc des Sports » et un tram A sur 2 effectue son terminus provisoire aux Poteries, dans l’attente d’une extension vers Wolfisheim.
- La ligne G (BHNS) est prolongée jusqu’à la place de l’Étoile avec un couloir de bus.
Pour l’Eurométropole, il est en tout cas « prématuré » de parler de ce projet à ce jour.
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