Jeudi soir au Centre sportif ASPTT de Koenigshoffen, à l’ouest de Strasbourg, l’exercice d’une réunion publique sur l’extension du tramway était périlleux pour le maire Roland Ries (PS), même accompagné de ses adjoints et d’une équipe de la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS). Ils ont été accueillis par une salle majoritairement hostile, bien peuplée par le « Collectif pour le tram à Koenigshoffen ». Ce collectif d’associations d’usagers et de quartiers s’oppose au tracé choisi par la municipalité.
Cette réunion était une étape obligatoire de l’enquête publique, qui doit se clore le 28 avril. En retrait, le président de la commission entouré de deux assesseurs étaient donc dans la salle, pour mesurer la température. Ils n’ont pas été déçus. Après une présentation qui justifie le choix de faire passer l’extension de la ligne F par la rue du Faubourg-National, devant une salle silencieuse, réservée, contenue même, Roland Ries a rappelé sa détermination :
« Nous avons pris en compte les remarques faites lors de la dernière concertation de juin 2016, mais nous irons jusqu’au bout, je me suis engagé à ce qu’il y ait une déserte à Koenigshoffen et je tiendrai mes engagements. »
Tirs nourris, feu roulant, remarques acerbes en batterie…
Après la fin de la présentation, vient le moment qu’attendaient les 80 personnes réunies dans la salle. Le micro échoit à Michel, qui ne ménage pas le maire :
« Le quartier de l’Elsau se retrouve déshabillé par votre projet. Nous perdons une ligne, ce qui va réduire de 40% la fréquence du tram dans notre quartier. Pourquoi avoir opté pour cette solution qui désavantage beaucoup de personnes ? »
Gilles Brochart, directeur des transports à la Ville et Eurométropole, vient au secours de Roland Ries :
« Nous avons enlevé un tram vers l’Elsau, mais il y a une autre ligne qui est maintenue et celle-là est bien plus rapide. On rajoutera aussi une rame en heures de pointe. »
Un membre du collectif pour le tram reprend :
« À vous entendre, on dirait que le projet a été mené en concertation, alors que personne ici ne veut du tracé que vous proposez. Pourquoi un tel mépris envers l’opinion des habitants ? Vous ne voulez pas faire une consultation populaire afin de savoir qui est pour et qui est contre ? »
Pas de consultation populaire
Roland Ries, impassible jusque là, riposte :
« Madame, vous croyez peut être que je dis à mes techniciens ce qu’ils doivent dire ? Je ne suis pas du tout compétent pour faire un expertise sur des travaux publics. J’ai une équipe pour cela, qui a évalué le prix des aménagements à faire, et je m’en remets à leur calculs. Les chiffres sont là : 42 millions d’euros en passant par la rue du Faubourg-National et 52 millions en passant par la gare. »
Anne-Marie Victor, nouvelle présidente de l’association des habitants du quartier gare (AHQG), membre du Collectif, demande au maire s’il a eu une idée du nombre de personnes qui soutiennent son projet :
« On a fait le compte des remarques déposées, plus de 87% sont en opposition à votre projet. Alors quand vous dites que c’est suite à la concertation que vous avez validé ce projet, ça nous choque un peu. »
Mais pour le maire de Strasbourg, l’opposition exprimée à un projet de la municipalité ne peut pas être un critère déterminant :
« Je peux vous dire madame que si on avait raisonné comme vous venez de le faire en 1990, il y aurait pas de tramway à Strasbourg aujourd’hui. Parce je ne sais pas si vous le savez, mais la plupart des gens était alors hostile à la construction du tramway. »
Même les chiffrages sont contestés
Puis c’est au tour de Pierre Ozenne, porte-parole du Collectif, de prendre la parole. Il rappelle rapidement au maire quelques revirements de la municipalité depuis le début du projet d’un tram vers Koenigshoffen, avant de mettre en doute le coût des travaux avancé par Gilles Brochart, pour justifier le tracé par la rue du Faubourg-National :
« L’expert indépendant que nous avons engagé pour mener une étude sur les différences de coûts entre les deux tracés a dévoilé des chiffres bien différents, je pense que ce serait intéressant que vous les examiniez (voir notre article, ndlr). »
En fin de soirée, Alain Fontanel, président de la CTS, a mis fin aux réponses polies pour choisir une mise en perspective plus directe :
« L’objectif c’est de relier les Poteries au centre ville, mais comme les chiffres l’indiquent, on dépasse de loin le budget alloué si on devait passer la gare. La Ville n’a pas les moyens pour mettre 20 millions d’euros de plus. Vous préférez qu’on augmente vos impôts de 10% pour payer cette somme supplémentaire ? »
Évidemment, la remarque soulève une vague d’indignation dans la salle, car tous ont en mémoire les dépenses engagées pour l’extension du tramway… vers l’Est, soit quelque 120 millions d’euros pour passer le port, le Rhin et atteindre l’Allemagne. Des « c’est une honte d’entendre ça » fusent dans la salle, désormais bien chauffée. Le débat se clos vers 21h, même si les participants auraient souhaité ferrailler encore un peu avec les élus.
L’enquête publique se poursuit jusqu’au 28 avril, aucune autre réunion n’est prévue dans le cadre de l’enquête publique mais les commissaires enquêteurs seront présents samedi 22 avril de 9h à 12h et vendredi 28 avril de 14h à 17h au centre administratif de l’Eurométropole de Strasbourg pour recueillir les avis.
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