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Pour aller à La Wantzenau en train cet été, mieux vaut être une marchandise qu’un passager

Les usagers de la ligne TER Strasbourg-Lauterbourg demandent depuis janvier 2023 que le nombre de trains quotidiens soit augmenté. La SNCF s’y oppose mais y fait circuler 40 trains de marchandises par jour au mois d’août.

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Pour aller à La Wantzenau en train cet été, mieux vaut être une marchandise qu’un passager
40 trains de fret allemands circulent par jour sur une ligne jugée vétuste par la SNCF et la Région

Depuis le 9 août et jusqu’au 30 août, quarante trains de marchandises de la Deutsche Bahn (DB) IngraGo circulent chaque jour sur la ligne Strasbourg-Lauterbourg, en plus de son trafic habituel. Une augmentation jugée dangereuse par la maire de La Wantzenau, Michèle Kannengieser (divers droite), sur des rails « ayant plus de 80 ans et souffrant d’un déficit d’entretien chronique ». L’édile a déposé fin juillet une requête devant le tribunal judiciaire en charge des référés à l’encontre de SNCF Réseau, qui a accordé à l’entreprise allemande cette dérogation, le temps qu’elle réalise des travaux d’élargissement de l’axe Karlsruhe-Bâle.

Cette décision est d’autant plus difficile à comprendre par la maire et par les usagers, qui réclament depuis janvier 2023 que cinq trains de passagers supplémentaires circulent quotidiennement entre Strasbourg et Lauterbourg, mais n’ont rien obtenu. La ligne est exclue du Réseau express métropolitain européen (Reme), lancé en janvier 2023 par la Région, l’Eurométropole et la SNCF et grâce auxquels certaines gares bénéficient de leur côté de plus de vingt trains supplémentaires par jour.

Comme sur les lignes Mommenheim – Sarreguemines et Haguenau – Wissembourg, l’offre ferroviaire s’est dégradée sur la ligne Strasbourg – Lauterbourg.Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg

Rails trop abimés ?

Raymond Ruck, du collectif d’usagers Montrainjytiens, s’interroge :

« La Région nous explique qu’elle ne peut pas mettre de trains supplémentaires sur cette ligne car les rails sont trop abîmés. Mais si une quarantaine de lourds trains de marchandises circulent en plus chaque jour, pourquoi ne pas augmenter de trois ou quatre le nombre de rames pour les voyageurs ? »

La décision de faire circuler des trains de fret a été prise par SNCF réseau, propriétaire des voies. Elle n’a pas eu à consulter la Région Grand Est, qui ne finance que des trains de voyageurs. En juillet, surpris par cette décision, Thibaud Phillipps, vice-président (Les Républicains) de la Région Grand Est, expliquait à Rue89 Strasbourg qu’il insistait auprès de la SNCF pour augmenter en contre partie les cadences sur la ligne Lauterbourg-Strasbourg. Sans succès pour le moment.

La SNCF trop frileuse ?

« La SNCF est frileuse et la Région les suit », estime François Giordani, président de la branche Grand Est de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) :

« Le Reme a mal commencé, la SNCF avait annoncé une augmentation du nombre de trains trop élevée par rapport aux capacités d’accueil de la gare de Strasbourg. Augmenter le cadencement de la ligne qui va à Lauterbourg signifierait mettre plusieurs trains sur une même voie, ce qui peut engendrer des retards en cas de problèmes techniques. Aux heures creuses cela fonctionnerait très bien car les voies sont vides, mais ils n’ont pas envie de prendre de risques. »

« C’est aussi parce que la SNCF ne sera peut-être bientôt plus propriétaire de la ligne qu’elle ne veut pas trop investir », explique Raymond Ruck, du collectif Montrainjytiens. Depuis une directive européenne adoptée en décembre 2019, les Régions (en ce qui concerne les TER) et l’État (pour les Intercités) doivent lancer des appels d’offres pour l’exploitation des lignes ferroviaires. Ainsi, comme d’autres lignes transfrontalières du Grand Est, la ligne Strasbourg-Lauterbourg pourrait bientôt être ouverte à la concurrence internationale. « Si elle la rénove et qu’elle ne lui appartient plus, elle ne bénéficiera pas des avantages de l’investissement, siffle Raymond Ruck. Mais en attendant, ce sont les usagers qui trinquent. »

17 trains quotidiens relient Strasbourg à La Wantzenau en période normalePhoto : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg

La mobilisation continue

Pour obtenir gain de cause, les collectifs comptent sur leur mobilisation plus que sur le tribunal judiciaire, qui a rejeté le référé de la maire de La Wantzenau, s’estimant incompétent. « On espère que le dialogue politique avec la Région va reprendre dès le mois de septembre, comme nous l’avait annoncé Thibaud Philipps », annonce Raymond Ruck :

« On veut être associés au processus de décision et pas seulement qu’ils nous expliquent des décisions qu’ils ont déjà prises en amont, comme ça se passe depuis le début. »


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