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Strasbourg l’européenne aussi obscure que l’Europe pour les touristes

Comment Strasbourg se présente aux touristes – 2. Strasbourg revendique haut et fort son statut de capitale européenne à chaque occasion. En a-t-elle pour autant fait un axe de développement touristique ? On s’est glissé dans les chaussures des touristes pour le savoir.

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Strasbourg l’européenne aussi obscure que l’Europe pour les touristes

Strasbourg souhaite la bienvenue aux touristes européens et aux autres. (Toutes les photos MB / Rue89 Strasbourg)
Strasbourg souhaite la bienvenue aux touristes européens et aux autres. (Toutes les photos MB / Rue89 Strasbourg)

« Strasbourg capitale européenne » est probablement le titre de la ville le plus connu à l’étranger. Pourtant, avec ses 150 000 visiteurs par an, le Parlement est encore loin de disputer à la cathédrale le titre de monument le plus visité de la ville (Notre Dame en attire 4 millions). Probablement parce que l’Europe à Strasbourg n’a que récemment fait irruption dans les circuits touristiques.

Préparer son voyage sur Internet : pas simple

Lorsque l’on tape « Strasbourg Europe » ou « Strasbourg capitale européenne » sur un moteur de recherche, on arrive assez rapidement sur le site créé par le centre d’information sur les institutions européennes : Strasbourg l’européenne. Le site, au design vintage, est plutôt axé sur la « meilleure compréhension » des institutions que sur le tourisme, conformément à l’objet de l’association.

On y apprend cependant qu’il est possible de visiter les institutions européennes, en groupe ou individuellement, avec des renvois vers d’autres sites. Pas d’infos pratiques ni de mention évidente du Lieu d’Europe (tout de même mentionné dans un sous-sous-menu), où l’association est pourtant installée, ni même du Parcours d’Europe.

Des offices du tourisme plutôt mal renseignés

Du coup, j’ai chaussé mes tongs de touriste et j’ai demandé « ce qu’il y a à voir à Strasbourg » auprès des offices du tourisme de la gare et de la place de la cathédrale. Les agents d’accueil m’ont vite proposé le « Strasbourg Pass » à 18,90 € qui comprend la visite de Strasbourg en bateau, en vélo, en petit train, la montée à la cathédrale, un musée au choix et quelques autres activités.

Mais ce forfait n’inclut aucune dimension européenne. On reçoit en revanche un petit dépliant gratuit, « toute la ville en poche » et qui donne quelques indications sur les institutions européennes et les modalités de visites correspondantes.

Des documents très variés, mais qui pourraient être plus coordonnés.
Des documents très variés, mais pas très coordonnés.

C’est à l’office du tourisme place de la cathédrale que les choses se gâtent encore un peu plus. Lorsque je précise que ce qui m’intéresse à Strasbourg, c’est l’Europe, la réponse tarde un peu puis : « On peut voir les Institutions européennes depuis le bateau » [Batorama of course]. Ah bon, mais peut-on les visiter ? Réponse négative de la jeune fille, charmante mais apparemment peu renseignée.

Je m’étonne : il est pourtant écrit sur les sites et dans les dépliants que tout au moins le Conseil de l’Europe peut se visiter, même individuellement. La jeune fille s’excuse, elle ne sait pas. Elle me montre sur le plan à 1,50€ qu’il est cependant possible de faire le tour des institutions européennes à pied.

Question piège 100% gagnante

Je pousse le vice jusqu’à demander candidement : « quelle est la différence entre le Parlement européen et le Conseil de l’Europe ? » La jeune fille est très embêtée, elle ne sait pas. À sa décharge, personne ne sait et on imagine que les offices du tourisme font appel à des renforts ponctuels pendant l’été, pas forcément formés à toutes les subtilités des institutions européennes.

Reste qu’il est dommage de constater qu’après les manques d’Internet, le Lieu d’Europe et le Parcours d’Europe ne sont toujours pas mis en lumière pour des touristes intéressés par les questions européennes.

Ah si, il y a des t-shirts à l'effigie de l'Europe, mais uniquement en taille enfant...
Ah si, il y a des t-shirts à l’effigie de l’Europe, mais uniquement en taille enfant… (Photo MB / Rue89 Strasbourg)

Il en va de même dans les produits « souvenirs » vendus à l’office du tourisme et autour de la cathédrale : la plupart d’entre eux ne concernent pas l’identité européenne de Strasbourg.

Le Parcours d’Europe, une initiative aussi discrète qu’incomprise

C’est juste après l’ouverture du Lieu d’Europe, et dans la perspective de la candidature de la Ville de Strasbourg au label « Patrimoine européen« , que les élus ont misé sur la mise en place d’un « Parcours d’Europe » à Strasbourg. Celui-ci est destiné, selon le site de la Ville de Strasbourg, « à faire l’expérience d’une Europe à taille humaine », avec une dimension « ludique ».

Je pars donc étudier de plus près la discrète borne Parcours d’Europe, située entre la place de la République et la passerelle des Juifs. Je tarde un peu à comprendre les informations du totem, assez mystérieuses, graphiques, ludiques sans doute, mais peu lisibles. On peut noter en tout cas que cette borne sert, entre autre, à illustrer les changements consécutifs d’appartenance de Strasbourg à la France et à l’Allemagne. On y parle beaucoup d’occupation, pas du tout d’humanisme rhénan.

La borne discrète du Parcours d'Europe, place de la République.
La borne discrète du Parcours d’Europe, place de la République.

À pied, le Parlement européen, c’est loin

C’est en étudiant le plan étonnant du Parcours d’Europe sur le totem que je suis rejointe par deux touristes allemands, Jörg et Noël, qui tout comme moi considèrent le plan en silence et avec une grande perplexité. Après quelques échanges, je comprends qu’ils veulent aller à pied au Parlement européen, pour voir le bâtiment. Jörg explique :

« Je suis déjà venu plusieurs fois à Strasbourg, mais je voulais faire visiter la ville à Noël. On se fait une excursion entre hommes aujourd’hui. »

Je leur indique comment rejoindre le Parlement en longeant les quais. Ma nouvelle casquette de guide touristique m’apporte aussitôt les faveurs de Stanley et Thomas, un père et son fils de Slovaquie, qui semblent un peu perdus eux aussi. Ils cherchent où ils se trouvent sur la borne du Parcours d’Europe mais ils ne trouvent pas car il n’y a pas de mention « vous êtes ici » sur le plan (cf. ci-dessous). Stanley, son fils aidant un peu pour la traduction, me dit :

« Nous n’allons passer que quelques heures à Strasbourg. Nous voulons voir de vieux monuments. »

Je leur indique le chemin vers la cathédrale.

Des plans étonnants et peu clairs.
Des plans étonnants et peu clairs. (Photo MB / Rue89 Strasbourg)

En suivant le chemin recommandé par les bornes du Parcours d’Europe, le mystère reste entier. Les bornes sont turquoises et pourtant assez peu visibles, il faut pour la plupart les chercher pour les trouver. Elles sont équipées de gadgets interactifs qui semblent déjà hors d’usage, alors que les bornes elles-mêmes ne semblent pas très anciennes…

Certaines sont équipées de flash-codes ajoutés sur des autocollants, d’autres non (ou alors les autocollants ont été décollés). Les flash-codes mènent à des informations complémentaires en ligne sur les bâtiments européens (la Pharmacopée européenne par exemple). On suit le parcours grâce à des « clous » vissés dans les trottoirs, d’une discrétion absolue eux-aussi, parfois à demi-effacés.

Suivez les indications... Si vous lez trouvez!
Suivez les indications… Si vous les trouvez (Photo MB / Rue89 Strasbourg)

L’initiative du Parcours d’Europe est louable et elle vise à faire mieux connaître les diverses institutions européennes de Strasbourg, en y incluant Arte par exemple. Cependant la réalisation du parcours semble brouillonne et bien trop « conceptuelle » pour être claire et lisible (même si les installations sont toutes en français, anglais et allemand).

On apprend cependant au Lieu d’Europe que de nouveaux documents de communication devraient être bientôt publiés pour mieux mettre en valeur ce parcours, ainsi que le Lieu d’Europe. Affaire à suivre, même si cela ne résoudra pas l’état de semi-abandon des bornes elles-mêmes.

Le Lieu d’Europe, une belle réalisation sous-exploitée

Installé dans l’ancienne Villa Kaysersguet aussi surnommée Villa « Wach », tout près des Institutions européennes, le Lieu d’Europe a été inauguré officiellement en mai 2014. Il est entouré d’un beau jardin offrant une quiétude et une fraîcheur bienvenues après la marche du centre-ville jusqu’au quartier des institutions européennes.

En ce samedi après-midi de juillet, le lieu est désert. La porte du bâtiment est fermée, et de prime abord l’on n’ose presque pas s’y aventurer. On se prend à penser qu’un petit panneau devant la porte, multilingue et annonçant que le lieu est ouvert et gratuit, ne serait pas du luxe. De même qu’une signalisation digne de ce nom pour indiquer le Lieu d’Europe à l’entrée des autres institutions européennes.

Le Lieu d'Europe, gratuit et ouvert à tous.
Le Lieu d’Europe, gratuit et ouvert à tous. (Photo MB / Rue89 Strasbourg)

Une fois à l’intérieur, la surprise est totale : l’exposition est bien conçue, – malgré des espaces très contraints-, elle présente les étapes et les organes de la construction européenne d’une façon claire et synthétique, interactive et créative. Ce lieu répond de façon simple à bien des interrogations sur les différenciations entre les institutions, les valeurs et les constructeurs de l’Europe.

Les limites physiques du lieu ne lui permettent pas d’explorer les questions européennes avec beaucoup de détails, mais l’objectif d’une information claire, ouverte à tous et gratuite, est atteint. En témoignent quelques commentaires sur le site TripAdvisor : « Beau, bien mais… bref. »

Antoine, le sourire européen de Strasbourg

Antoine assure l’accueil au Lieu d’Europe, et il semble en être fier. Il accueille les visiteurs avec le sourire et de bonnes connaissances, à la fois du Lieu d’Europe et de la construction européenne elle-même. Il parle français, anglais et allemand. Il regrette lui aussi le peu de fréquentation de la journée, même s’il assure que nous ne sommes pas les premiers visiteurs :

« Les visiteurs viennent beaucoup en semaine, car ce sont souvent des groupes, comme les scolaires par exemple. Même si le bâtiment supporte difficilement des groupes de plus de 30 personnes, mais dans ce cas on s’arrange pour fractionner les groupes entre le centre de documentation à l’étage et l’exposition en bas. »

Antoine vous attends au Lieu d'Europe.
Antoine vous attend au Lieu d’Europe. (Photo MB / Rue89 Strasbourg)

 

L’information a du mal à circuler, semble-t-il. Nicole, de Perpignan, que je croise devant le Conseil de l’Europe, est un peu dépitée :

« Je viens régulièrement à Strasbourg car j’y ai mes enfants. Je m’intéresse aux questions européennes – d’ailleurs comment se fait-il qu’il n’y ait que 12 étoiles sur le drapeau alors que maintenant on est bien plus que 12 ? Ça ne doit pas faire plaisir aux autres, ça ! [rires] Je connais peu les institutions et je voudrais en savoir plus. »

Je lui parle du Lieu d’Europe et lui indique le chemin, elle est ravie. D’après Antoine, le Lieu d’Europe reçoit plus de visiteurs en provenance du Conseil de l’Europe que du Parlement…

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