L’auteur et illustrateur strasbourgeois Tomi Ungerer est décédé dans la nuit de vendredi à samedi, à Cork, en Irlande ont annoncé les DNA samedi. Il a été retrouvé au matin dans son lit, au domicile de sa fille Aria. Âgé de 87 ans, Tomi Ungerer était une conscience de l’Alsace et de Strasbourg, un esprit fin et anticonformiste, forgé par les alternances de la région entre la France et l’Allemagne.
Tous les enfants alsaciens connaissent les histoires de Jean de la Lune, des Trois brigands ou de Guillaume l’apprenti sorcier… Ses histoires ont bercé des générations d’Alsaciens, qui se sont tous reconnus dans l’expression de Tomi Ungerer, à la fois tendre et impertinente. Pétri par la double culture alsacienne, Tomi Ungerer a été un trait d’union jovial et critique entre la France et l’Allemagne, ce qui l’a rendu si indispensable.
Né à Strasbourg en 1931, Tomi Ungerer a souvent évoqué son enfance sous l’endoctrinement nazi, qui la profondément marqué. Il expliquait que pendant l’occupation il était français à la maison, alsacien dans la rue et allemand à l’école…. « J’en fais des cauchemars toutes les nuits, » indiquait-il dans un film « la guerre des enfants » (voir ci-dessous).
L’artiste a construit sa carrière aux États-Unis dès 1956 où son succès d’affichiste a été immédiat puis il s’est installé définitivement en Irlande, pays d’où est originaire sa femme, en 1975. Mais il a maintes fois utilisé les paysages de Strasbourg et de l’Alsace dans ses œuvres. En 2007, la Ville de Strasbourg lui a dédié son musée de l’illustration, qui accueille une impressionnante collection de 11 000 dessins originaux de l’artiste et 6 500 jouets et jeux issus de sa collection.
Nombreuses réactions
À l’annonce du décès de l’artiste, nombre de personnalités alsaciennes ont exprimé leur vive émotion. Le maire de Strasbourg, Roland Ries, revient sur le lien qui unissait l’article à sa ville d’origine :
« Les liens entre l’artiste et la Ville de Strasbourg ont toujours été d’une grande qualité et d’une grande fidélité. Pour preuve le don de sa collection de jouets à la ville de Strasbourg et l’ouverture du centre de l’illustration portant son nom. Tomi Ungerer avait ce talent de séduire petits et grands, incrédules comme avertis. Dans le monde entier son regard à la fois enfantin et acide est plébiscité. J’ai d’ailleurs toujours été frappé par la manière dont Tomi s’autorisait à être systématiquement là où on ne l’attendait pas. Volontiers primesautier, il s’est toujours senti libre dans son expression, orale comme artistique. C’est selon moi une vraie force. Au nom de tous les strasbourgeois, je tiens enfin à le remercier, sincèrement, pour son œuvre immense et pour tout ce qu’il a apporté à notre ville. »
Robert Herrmann, président de l’Eurométropole se rappelle :
« Tomi était parmi nous, il y a quelques semaines encore, à Strasbourg, pour partager avec nous des instants privilégiés, aux côtés de jeunes élèves entièrement gagnés à sa présence joyeuse, à ses histoires facétieuses. Enfant parmi les enfants. C’est d’abord à cette immense joie de vivre, à cette générosité unique et à ce talent hors pair qu’il faut penser, en souvenir d’un artiste si cher et ami, reconnu et apprécié sur les cinq continents. Les trois brigands nous le dérobent aujourd’hui et il s’en va rejoindre Jean de la Lune. Et cette fois, Tomi réussit à nous faire pleurer. »
Alain Fontanel, adjoint au maire de Strasbourg en charge de la culture, indique :
« C’était non seulement un énorme artiste, adoré des enfants comme des adultes, mais c’était aussi un homme qui incarnait la complexité de l’Alsace, sa double culture. On l’imaginait éternel, et voilà qu’il nous quitte. Brigand jusqu’au bout, il est parti rejoindre Jean de la lune sans prévenir. »
Président du Conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry a loué son engagement pour l’Alsace et l’Europe :
« Lui qui a tant fait pour la culture, pour la jeunesse, pour l’Europe, pour Strasbourg et l’Alsace, laisse un grand vide. Au-delà de son œuvre qu’il nous appartient désormais de transmettre aux générations futures, nous continuerons à nous inspirer de sa créativité et de son esprit libertaire face aux inégalités et aux injustices. »
Président du Conseil régional du Grand Est, Jean Rottner loue l’audace de l’illustrateur :
« Tomi Ungerer est, d’abord, le nom d’une audace fabuleuse. Celle d’un jeune homme qui, à vingt-six ans, débarque à New York, une poignée de dollars en poche et conquiert l’Amérique avec son seul talent. Dans Life et le New York Times, il renouvelle en profondeur l’illustration et le dessin de presse. Certaines de ses œuvres, comme White Power, Black Power, sont entrées depuis longtemps dans l’histoire de l’art. Si Tomi Ungerer avait une force sans égale pour dénoncer les injustices et les désordres de notre temps, il savait comme nul autre regarder le monde avec des yeux d’enfant et une tendresse extraordinaire. Jean de la Lune ne sera plus jamais seul. Tomi le rejoint au firmament. »
C’est avec un profond respect que je m’incline devant la mémoire de cet artiste hors du commun, qui fut tout à la fois un grand Alsacien, un militant de l’Europe unie, un citoyen du monde. »
Sénatrice et ancienne maire de Strasbourg, Fabienne Keller est sous le choc :
« Son oeuvre était si présente dans notre quotidien depuis des générations que nous le croyions immortel. Strasbourg, l’Alsace, la France perdent avec lui un grand Ambassadeur, un artiste célèbre dans le monde entier, mais aussi et surtout un ami, un frère, un fils. La silhouette de la Cathédrale aura une signification particulière dans nos cœurs aujourd’hui. »
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