Un coin de cuisine, un morceau de modeste quotidien, réaliste jusqu’à l’éponge qui traîne sur l’égouttoir. Madame rentre sans un mot. De toutes façons, monsieur bricole et tente, prophétiquement, de remettre une pendule à l’heure. Ranger les courses, voilà une occupation sans aucun intérêt… sauf lorsqu’un vieux livre s’est égaré entre le pain de mie et la mayo. Madame s’étonne. Madame commence à lire et s’étonne encore plus. Elle vient de rencontrer Descartes.
Que faire de ce monde qui sent mauvais ?
Cette rencontre inopinée imaginée par Jean-Charles Massera et Benoît Lambert devient un tsunami, l’espace du décor laissé vide devient celui de la déconstruction: que faire de nos opinions, de nos préjugés, de ce qu’on croit savoir ? Que faire de ce monde capitaliste qui sent mauvais, bien que l’argent n’ait pas d’odeur ?
Dans cet espace tout à coup ouvert et insolemment blanc, immaculé comme un esprit qui viendrait au monde, le couple formé par Martine Schambacher et François Chattot passe avec une énergie loufoque notre histoire en revue. Les révolutions, l’art abstrait, la théorie de la propriété, tout y passe jusqu’à Nietzsche. Ni intellectualisme ni cuistrerie pourtant : nous sommes chez la ménagère de plus de cinquante ans, celle qui ne sait pas, mais qui aimerait bien savoir. Celle qui sait seulement qu’elle en a marre.
Agir, peut-être ?
Que faire ? D’abord le tri. Mais que sauver dans la vacuité de ce monde ? L’important n’est finalement pas ce qu’on dit, mais bien ce qu’on fait. Et que faire lorsqu’on a tout balayé ? Des possibles s’esquissent. Agir ? Peut-être… Ou bien, tout simplement, arrêter de parler, et se regarder l’un l’autre à nouveau.
Faire les fous, faire n’importe quoi, adapter une performance culinaire, chanter à son homme une vieille rengaine où se sont cachés tous les sentiments d’une vie… En un mot retrouver la liberté d’exister dans la pratique, puisque la théorie est aussi fragile que les bulles que souffle madame. Cette liberté au gré de nombreux interludes – qui parfois cassent trop vite le rythme de la pièce – finira pas dégénérer en une explosion lyrico-contestataire cinglante qui vous cueille et vous sonne juste avant la sortie. Juste, drôle, engagé, original et surtout pas mortifiant.
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