C’est le festival le plus enthousiasmant de la saison : Premières, où de jeunes metteurs en scène de toute l’Europe présentent leur premier spectacle (ou presque). C’est aussi un véritable marathon. Barbara Engelhardt, la programmatrice, nous aide à circuler parmi les neufs spectacles d’une édition très ancrée dans le réel. De jeudi à dimanche.
Assister aux débuts d’un artiste est toujours un moment privilégié, à la fois enthousiasmant et émouvant. Les premières tentatives, même très matures, sont toujours pleines de la fougue et de l’énergie de la jeunesse. C’est un univers qui se construit sous nos yeux. Depuis sept éditions, Premières, proposé par le TNS et Le Maillon, fait découvrir aux Strasbourgeois ceux qui feront le théâtre de demain. Après une année d’absence, le festival revient avec une programmation marquée par la place des femmes metteurs en scène, par les questions sociales, économiques, politiques, bien plus que les précédentes. Cette génération-ci serait moins repliée sur elle même, si l’on en croit Barbara Engelhardt, la programmatrice. Elle a réuni neuf spectacles, neuf pays et autant d’univers théâtraux différents, parmi lesquels nous lui avons demandé de faire un choix selon nos critères !
Le spectacle le plus engagé ?
Szorol Szora (Mot pour mot) de Anna Lengyel (Hongrie)
« L’engagement s’exprime ici à plusieurs niveaux. La metteur en scène, qui travaillait dans le milieu du théâtre mais plutôt à la production, a ressenti le besoin de passer de l’autre côté à cause d’une série de crimes racistes envers les Roms. De plus, elle ose avancer sur des terrains inconnus dans le théâtre hongrois : le théâtre documentaire, où on laisse la parole aux protagonistes. Ce spectacle a demandé une préparation très longue : il a fallu rechercher les personnes, les convaincre de rendre leur parole publique, avant même de mener 60h d’entretiens. Tout cela s’est fait avant que le procès ne commence : il y avait une vraie peur du côté des victimes et des témoins, une vraie arrogance du côté des accusés. Un tel projet relève d’une vraie urgence.»
• Samedi 9 à 20h et dimanche 10 à 18h30 au Maillon-Wacken
Le spectacle le plus décalé ?
Cmmn sns prjct de Laura Kalauz et Martin Schick (Suisse)
« Cette performance mise sur un dialogue très naturel avec public. On commence par distribuer une série de cadeaux, puis on rentre doucement dans d’autres formes d’échanges : prêt d’argent, remboursement, prêt de vêtements (les costumes ne sont pas définis au début de la pièce) et on finit par, tous ensemble, se demander que faire avec une certaine somme d’argent. Par le biais de beaucoup d’humour et d’improvisation, cette performance arrive à introduire des réflexions théoriques, de philosophes et d’économistes parlant du monde globalisé. On entre de manière légère dans une vraie réflexion sur ce qu’est l’économie aujourd’hui et l’impact qu’elle a sur nos vies. »
• Vendredi 8 à 22h30, samedi 9 à 19h30, dimanche 10 à 16h15 au TJP-Petite scène
Le spectacle le plus onirique ?
Le Journal d’un fou de Tufan Imamutdinov (Russie)
« Un personnage commence à se rêver avant de tomber dans une folie complète. Il rêve une vie qui le libérerait de sa fonction et des contraintes sociales qui ne lui permettent pas de vivre son grand amour. Il se sauve dans une folie qui déborde complètement. Convaincu d’être le roi d’Espagne et de vivre sous l’Inquisition, il est arrêté et interné. Ce jeune metteur en scène a choisi un jeu très réaliste, dans la tradition russe, et saisit vraiment toutes les capacités des comédiens à sortir de leurs gonds. Il arrive à montrer les effets du rêve sur le quotidien du personnage, et ouvre aussi les abîmes de la folie. »
• Jeudi 7 à 22h15, vendredi 8 à 20h30, samedi 9 à 14h au Maillon-Wacken
Le spectacle le plus expérimental ?
Magnificat de Marta Gornicka (Pologne)
« C’est un peu contradictoire de le qualifier d’expérimental car c’est la redécouverte d’une très vieille forme : le chœur grec, qui avait toujours une fonction de commentaire dans les pièces antiques. Sauf qu’ici il a le rôle principal et qu’il est formé de 25 femmes, alors qu’en Grèce il était entièrement constitué d’hommes – comme les comédiens sur scène et sans doute le public. Le collage de textes littéraires et philosophiques, d’auteur comme Agamben, Barthes, Beauvoir pose la question de la place de la femme dans la société actuelle et de la manière dont elle se voit. Sur scène, Marta Gornicka aborde deux choses : la force politique inhérente à un groupe de femmes et la rythmique, la musique. C’est intéressant de revisiter ainsi une forme classique du théâtre. »
• Jeudi 7 à 20h30, vendredi 8 à 19h30 au TNS
Le choix de la rédaction
Et la nuit sera calme d’Amélie Enon (France)
C’est le seul spectacle que nous ayons pu voir, par la force des choses. Il n’en reste pas moins que cette adaptation des Brigands de Schiller, créée par les élèves du groupe 39 de l’école du TNS lors de leur deuxième année, est une très belle proposition, futée et drôle, pleine d’énergie et de vigueur. À partir de l’histoire d’un père et de ses deux fils, dont l’un, répudié, va se réfugier dans la forêt avec un groupe de rebelles, Amélie Enon et ses camarades posent la question du groupe et du passage à l’acte, dans la vie comme au théâtre.
• Vendredi 8 à 20h30, samedi 9 à 15h45, dimanche 10 à 14h au TNS
Tous les spectacles !
Y aller
Festival Premières, du 7 au 10 juin au TNS, au Maillon-Wacken, à l’Espace Grüber et au TJP-Petite scène. De 5,50€ à 11€ par spectacle. Carte première : 10€ puis 5,5€ par spectacle, 4 parcours, de 7 à 9 spectacles… Réservations : 03 88 27 61 81 (Maillon) – 03 88 24 88 24 (TNS) – www.festivalpremieres.eu
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