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Textile, chimie, impression 3D… Comment l’économie alsacienne s’adapte à la crise sanitaire

Face aux besoins urgents de matériel médical, la Région Grand Est lance sa propre production. Mais il faut tout créer : filières, homologation des produits, approvisionnements… Tout se fait dans l’urgence.

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Textile, chimie, impression 3D… Comment l’économie alsacienne s’adapte à la crise sanitaire

Les métiers à tisser de l’Alsace et des Vosges rejoindront-ils un jour les taxis de la Marne dans les livres d’histoire ? Dimanche 15 mars, le directeur de l’Agence de développement d’Alsace (Adira) Vincent Froehlicher, était assesseur dans sa commune, à Saâles. C’est à ce moment qu’il a reçu un coup de fil de Jean-Luc Heimburger, le directeur de la CCI Alsace-Eurométropole. Il faut produire des masques pour le personnel soignant en première ligne face au coronavirus. Beaucoup, et vite. En parallèle, un plan de collecte et de distribution des masques est mis en place par l’Agence Régionale de santé et… la Direction générale de l’armement (DGA).

Une semaine plus tard, la filière textile est prête à produire les masques de A à Z. La même filière qui a pris de plein fouet la mondialisation durant les années 2000, avec les fermetures et les délocalisations vers des pays à bas coûts de production. Elle a survécu grâce au haut de gamme et aux textiles techniques, quelques miettes laissées par l’ogre chinois. Mais aussi à sa réactivité face aux commandes urgentes.

La CCI a pu s’appuyer sur le carnet d’adresses du Pôle Textile Alsace. Le réseau basé à Mulhouse fédère 250 entreprises, qui savent à peu près tout faire : de la chemise chic au tissu ignifugé, en passant par les fibres isolantes pour le BTP.

Face à la pénurie, des masques « made in Alsace » pourraient voir le jour. (Photo Francisco Àvia Hospital Clínic / Flickr)

« L’ARS est prioritaire »

Tandis que la Pôle Textile Alsace mobilise les entreprises, le Cluster Biovalley apporte son expertise sanitaire. Grâce aux cahiers des charges récupérés auprès de l’ARS, les premiers prototypes devraient être homologués et produits en masse dans la du journée 23 mars. Théoriquement, rien n’empêche la production d’un masque 100% made in Grand Est. Élastique, tissage, découpage, confection , il y a au moins une entreprise compétente pour chaque opération. Lesquelles ? Le Président de la CCI Jean-Luc Heimburger préfère rester discret. Il redoute une ruée vers les masques :

« Le Pôle Textile est déjà assailli de demandes et sollicité de toutes parts, nous redoutons que tout le monde vienne tout-à-coup en réclamer. Pour l’instant il n’y a qu’un seul client et il est prioritaire, c’est l’Agence régionale de santé. »

Même scénario pour le gel hydroalcoolique. D’habitude, le site de Weleda à Huningue fait plutôt dans les médicaments homéopathiques et les cosmétiques bio. Mais face à la crise, le directeur du site et pharmacien Jean-Yves Saffroy a changé son fusil d’épaule. En plus de mettre son stock de masques et de blouses à l’ARS, il a lancé en urgence une production de gel hydroalcoolique :

« Nous avons eu une demande de la part de l’établissement français du sang et de l’ARS. Nous devrions pouvoir sortir 600 litres cette semaine. Et nous attendons une livraison d’éthanol dans les prochains jours pour augmenter rapidement la production. »

À Huningue, Weleda a lancé en urgence une production de solution hydroalcoolique (Photo : Weleda)

La logistique suivra-t-elle ?

En plus de l’urgence, le fonctionnement des entreprises est perturbé par une logistique devenue aléatoire. Pionnière mulhousienne dans l’impression 3D Cad’Indus a également proposé ses services à la CCI et à l’Adira. Elle peut fabriquer tout ce qui est à base de plastique souple ou rigide : armatures de masques, fermetures de porte limitant la contamination, et pourquoi pas des pièces plastiques pour des appareils médicaux…. Son directeur, Thierry Schneider, estime pouvoir faire fonctionner l’entreprise de 10 personnes dans des conditions de sécurité décentes, avec deux personnes sur site et le reste de son équipe en télétravail. En revanche, il est plus inquiet pour les livraisons et l’enlèvement de ses commandes :

« On est capables de lancer une production en quelques minutes à partir d’un fichier téléchargé. Mais les livraisons sont compromises. Aujourd’hui, j’ai un client en Suisse qui ne pourra pas être livré, et je ne sais pas moi-même si je pourrai être ravitaillé. Chaque entreprise de livraison a sa politique, certaines refusent de livrer en entreprise mais continuent de le faire à domicile… C’est un peu inquiétant. On a encore du stock de matière première et des pièces de rechange, mais si la situation doit durer, il faudra trouver des solutions pour l’approvisionnement. »

L’impression 3D pourrait servir à fabriquer des pièces d’équipement médical… Si l’approvisionnement suit (CC Kārlis Dambrāns / Flickr)

30 000 masques réutilisables, des importations en cours

À l’échelon national, 25 millions de masques ont déjà été puisées dans les stocks et 5 millions supplémentaires ont été pris dans les réserves de l’armée. Alors qu’elle sort de la crise, la Chine redémarre ses usines. Le 18 mars, le ministre des Affaires Étrangères Jean-Yves le Drian annonçait l’importation d’un million de masques en provenance de la Chine, tandis que les douanes bloquent les exportations vers l’étranger. Suffisamment pour se passer d’une production française ? Du côté de Biovalley, la réponse est laconique : « La demande est exponentielle du fait de la situation actuelle et à venir. » Autrement dit, la production locale ne sera pas de trop. Même son de cloche à la CCI avec Jean-Luc Heimburger :

« Une fois que la filière sera lancée, pas question de l’arrêter. L’ARS aura des besoins croissants, et nous anticipons le fait que d’autres régions françaises seront touchées. »

La CCI Alsace-Eurométropole espère produire un premier lot de 30 000 masques autour du 30 mars, puis 150 000 la semaine suivante. Les entreprises ont opté pour une solution durable, puisque les masques seront lavables et réutilisables jusqu’à 80 fois, soit l’équivalent de 14 millions de masques jetables. De son côté, la région Grand Est annonce avoir récupéré 350 000 masques grâce aux dons des entreprises et des collectivités et commandé 5 millions de masques supplémentaire. Le 21 mars, le ministre de la santé Olivier Véran annonçait une commande massive de 250 millions de masques pour l’ensemble du pays.


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