La présence de Nacho Flores à Strasbourg est un événement. Cet ancien informaticien maîtrise l’art de la reconversion professionnelle : sa nouvelle profession d’équilibriste le porte au sommet du cirque européen. Son spectacle précédent, appelé Le Bonhomme, lui a permis d’explorer un nouvel art d’équilibre qui lui a valu plusieurs récompenses prestigieuses comme celle du Trophée du Cirque du Soleil.
Il est aussi l’un des 7 lauréats du programme de coopération européenne Circus Next, qui repère et accompagne les nouveaux acteurs du cirque contemporain en Europe, et dont l’association strasbourgeoise « Les Migrateurs » font partie. Jean-Charles Hermann, directeur des Migrateurs, explique en quoi la démarche de Nacho Flores est singulière :
« Il a commencé par apprendre l’équilibre sur fil de fer. Il s’est ensuite déporté de cet agrès pour inventer un langage particulier : l’équilibre sur cubes de bois. Il est ainsi devenu un équilibriste précieux et unique. Il a fait le tour du monde avec son numéro du Bonhomme. Tesseract est né de là. Le spectacle va plus loin que la pure pratique de l’équilibre : c’est aussi le parcours intérieur de l’homme de la naissance à la mort. Le spectacle est drôle, décalé, extraordinairement profond. L’équilibre est alors une métaphore de la nature humaine : c’est l’énergie qui nous pousse à tenir. »
C’est aussi la présence de Nacho Flores, entre autres, qui permet aux Migrateurs de structurer cette saison 2015-2016 autour des questions d’équilibres et de déséquilibres.
L’équilibre, un défi aux lois de la physique
« Tesseract » est le nom scientifique de l’hypercube, c’est à dire la quatrième dimension mathématique, c’est à dire aussi une certaine représentation du temps. L’ancien Nacho Flores ingénieur informaticien n’est plus bien loin de l’équilibriste d’aujourd’hui lorsque l’on considère la genèse du spectacle Tesseract.
Il revendique de ne travailler qu’avec des formes géométriques, et d’utiliser le cube comme un « élément de base, un atome » à partir duquel construire son propos. Les lois de la physique et des mathématiques donnent le ton, la matière première. L’idée étant bien sûr de les utiliser pour mieux les défier, les contourner, les dénoncer, – même par le biais du mapping vidéo.
Nacho Flores se réclame d’une magie sans trucage, un équilibre sans filet : l’art du cirque est là, plein et entier. Rien ne retient les cubes empilés, sinon la force qui leur est appliquée par l’artiste lui-même. Il s’agit donc avant tout d’une prouesse physique chaque soir renouvelée, réalisée grâce à un entrainement quotidien et à une maîtrise totale de la respiration. Il confie lors d’un entretien au magazine Novo :
« Quand je respire pour faire l’équilibre, j’adore ressentir cette empathie totale avec le public. Tout le monde respire avec moi. Il y a cette connexion pulmonaire hallucinante. Il y a sans doute d’autres manières d’entrer en connexion avec le public, comme le rire ou la parole, mais pour moi cela passe vraiment par cette respiration au moment de l’équilibre. À ce moment-là, nous sommes tous les mêmes. »
Résidence à Strasbourg, rencontres et pratiques communes
La présence de Nacho Flores à Strasbourg fait l’objet d’une résidence, non seulement de création, mais aussi, comme l’affirme Jean-Charles Herrmann, d’une « vraie grande résidence artistique et culturelle : 8 jours dédiés à des rencontres avec des lycées et des collèges, pour une initiation à la pratique de l’équilibre. »
Ancrée dans le quartier de Hautepierre, cette résidence est aussi le résultat d’un « travail sur la durée entre les Migrateurs et le Maillon », comme le disait Bernard Fleury lors de la présentation de la saison 2015-2016 du Maillon. Si cette expérience de forte densité d’ateliers juste avant une création est plutôt un défi supplémentaire pour Nacho Flores, elle est chère au cœur de Jean-Charles Herrmann :
« Lorsque l’on fait l’expérience de la pratique de l’équilibre, on saisit mieux ce que cela signifie, physiquement, intimement parlant. Cela permet un dialogue plus construit, après, autour du spectacle. »
Voir (et donner à voir) le quotidien autrement, plus fort, plus grand et plus loin, – repousser les limites -, tel est le credo de Tesseract. C’est aussi l’objectif de cette résidence à Hautepierre et sur Strasbourg, qui veut recréer du dialogue par une pratique commune. Peut-être qu’en réunissant un artiste et des citoyens autour d’un très petit dénominateur commun,- la respiration -, on peut relever le défi de mettre de l’élégance et de la légèreté dans cette période sombre à bien des égards. Voilà une expérience qui vaut le détour.
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