Les premiers témoins des tags racistes avaient 13 ou 14 ans. Jeudi 14 décembre, en milieu d’après-midi, des collégiens de l’établissement Lezay Marnésia se rendaient au stade de l’International Meinau pour une séance de football.
Un dirigeant de l’association sportive raconte sa propre découverte de ces mots immondes sur le mur de son club. Encore sous le choc ce vendredi 15 décembre, le membre de la direction s’inquiète d’abord pour « les enfants » et les conséquences de ces inscriptions d’une violence inouïe : « Sale nègre », « Sale arabe », « arabes rentrez chez vous » et « mort aux arabes ». Le tout accompagné d’une croix gammée, à l’envers.
Peur de la haine, peur d’autres actes
Pour préserver les plus jeunes, les tags ont été cachés le jour même de leur découverte. La peinture blanche utilisée par les membres du club jure avec le jaune ocre de la façade. Le dirigeant espère que l’initiative n’empêchera pas la police d’enquêter. En fin de matinée le vendredi 15 décembre, deux agents municipaux s’appliquent à effacer complètement les tags racistes avec une nouvelle couche de peinture. Tout en les observant, le bénévole de 42 ans décrit aussi la peur qui l’habite depuis plus de 24 heures maintenant :
« Ce genre de tags racistes, je voyais ça dans les films, à la télé. Quand ça vous arrive, ça fait peur, peur de ce qui peut se passer ensuite, peur d’autres actes, peur de cette haine qui monte en ce moment. Ce mur, ces mots, même après les avoir effacés, même après des années, cela restera gravé dans nos mémoires et celles des enfants… »
Un dirigeant de l’Inter Meinau
Moins d’une semaine plus tôt, le samedi 9 décembre, le match opposant les clubs de Kometrib et de l’Inter Meinau a fini dans un déferlement de violences. Comme l’a rapporté France3 Grand Est, trois joueurs de l’équipe en déplacement ont été blessés par des supporters de l’Inter Meinau et emmenés par les pompiers. Sur sa page Facebook, le club d’Alsace du Nord a déploré des « agressions physiques gratuites », évoquant un traumatisme crânien, des dents cassées, des contusions ou encore des hématomes sous cutanés. Le club et deux familles ont porté plainte.
Un déferlement de haine suite à la bagarre
Le dirigeant est bientôt rejoint par un autre bénévole de l’association sportive. Sommano est président de la section jeunes de l’Inter Meinau. Il était présent lors de la rixe et regrette la publication sur Facebook du club de Kometrib : « La présidente du club n’a pas dit que ce sont les dirigeants qui se sont interposés lors de la rixe, qu’on a accompagné les joueurs jusqu’à la sortie. »
À ses côtés, l’un des dirigeants du club estime que le texte, partagé plus de 3 600 fois, a « créé un déferlement de haine envers [son club] à partir de leur version des faits. Tout a commencé par un coup de poing de l’un de leurs joueurs qui a mis K-O un de chez nous ». « On ne voulait pas s’exprimer publiquement tant qu’on avait pas réuni tous les éléments, poursuit le codirigeant du club, mais bien sûr nous ne cautionnons pas la violence en réponse. Suite à cet événement, on a mis fin à la participation de notre équipe au championnat. »
Amer et abattu, le dirigeant a l’impression de voir des années d’effort s’effondrer. Créé il y a six ans, l’association sportive de l’Inter Meinau a « bonne réputation à Strasbourg », assure-t-il :
« C’est un club en plein développement. Sid Cheabi, le président, a été reçu à l’Élysée pour saluer notre travail au-delà du football (dans le domaine de l’inclusion et l’insertion sociale et professionnelle, NDLR). Il y a deux ans, on organisait un match interreligieux avec des juifs, des chrétiens et des musulmans mélangés dans une même équipe. Dans leurs actions, nos 40 bénévoles vont bien plus loin que le football. Le prochain projet, c’était d’intervenir dans les établissements scolaires pour lutter contre le harcèlement. »
« Il est temps de rassembler tous les acteurs du foot »
Sur son compte Facebook, le président de l’Inter Meinau a réagi ce vendredi 15 décembre :
« Notre club a subi une attaque sans précédent dans le milieu du sport. Une agression pour l’ensemble de nos licenciés, qui aujourd’hui sont partagés entre colère et peur. Quel avenir se présente devant nous ? Comment nos joueurs seront accueillis lors de leurs déplacements à l’extérieur ? Des questions que nous nous posons suite à la cabale médiatique subie depuis une semaine, après les incidents survenus lors d’un match de U19.«
Sid Cheabi, président de l’Inter Meinau – propos issus d’un post Facebook
Selon le président, le club a fait l’objet d’« une centaine de commentaires à résonnance raciste sur les réseaux sociaux. On a dû recevoir une dizaine de messages par Messenger et une dizaine de mails d’insultes ou de menaces ». Rue89 Strasbourg a par exemple pu consulter un mail envoyé à l’adresse générique du club contenant des propos xénophobes : « Toujours les même à foutre la merde, la sale race. »
Pour mettre fin à l’escalade de violence, Sid Cheabi propose d’aller au-delà d’une logique de sanction : « Il est temps de rassembler tout les acteurs du foot pour casser ces barrières et cette peur de l’autre qui mène à une dérive néfaste pour l’image de notre foot alsacien. »
Une plainte pour menaces et injures racistes doit être déposée par le club dans la journée du 15 décembre.
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