« C’est vraiment une conception à l’ancienne de l’enseignement », déplore Jonathan Welschinger, du syndicat d’enseignants FSU pour le premier degré. Accompagné de ses homologues de l’UNSA et de Force ouvrière vendredi 30 août, il étrille les nouvelles évaluations nationales standardisées voulues par le gouvernement.
Les trois organisations appellent les enseignants à ne pas les faire passer aux élèves. « Nous soutiendrons évidemment les collègues s’ils rencontrent des problèmes avec l’Inspection », assure Jacques Pousse, de Force ouvrière. Parallèlement, à l’échelle nationale, la CGT, Sud et FSU prévoient une journée de grève dans les écoles maternelles et élémentaires le mardi 10 septembre.
L’évaluation nationale est l’une des composantes du « choc des savoirs », cette mesure visant à séparer les élèves selon leur niveau dès leur entrée au collège et initiée par Gabriel Atal lorsqu’il était ministre de l’Éducation. À la rentrée, dans toutes les sections élémentaires, les acquis des élèves doivent être évalués dans le cadre de tests nationaux. Les CP devront repasser une évaluation en milieu d’année. « Tout est centré sur le français et les maths, donc c’est déjà très restrictif pour estimer le niveau », considère Jonathan Welschinger.
Diagramme de compétences pour chaque élève
« Pour le français, le but de ces évaluations est de voir si les élèves lisent vite, mais pas du tout s’ils ont compris ce qu’ils ont lu. C’est absurde, abonde Didier Charrie, de l’UNSA. Le ministère n’a besoin que d’éléments mesurables facilement, donc ils évaluent sur des critères qui ne correspondent pas à la compréhension. Et tout est contrôlé, même la manière dont on donne les consignes… »
« Les enfants auront tous, à la fin, un diagramme en toile d’araignée, probablement déterminé par un algorithme, qui les suivra pendant leur cursus dans le premier degré », explique Jonathan Welschinger :
« On leur collera une étiquette de niveau sur la tête, et cela sera censé guider nos actions auprès d’eux. Ce type de catégorisation peut avoir des conséquences négatives sur la perception qu’un élève a de lui. Nous n’avons absolument pas besoin de ça, nous organisons des évaluations au quotidien qui sont bien plus efficaces pour connaitre les niveaux. »
D’ailleurs, les syndicats estiment que le non respect de cette évaluation n’aura « strictement aucune conséquence sur les élèves ». « On ne se servirait pas de ces toiles d’araignées de toute façon. Les élèves ont leurs bulletins, qui sont de meilleurs indicateurs », souffle Jonathan Welschinger.
Perte de sens
« Ce procédé serait très chronophage. Nous sommes censés enregistrer dans un logiciel les réponses que les élèves auront noté à l’écrit », poursuit Jacques Pousse de Force ouvrière. « Il y aura le temps de passation et la remontée aux parents, tout ça pour une évaluation que l’immense majorité des enseignants jugent inefficace, expose Jonathan Welschinger. C’est typiquement ce genre de réforme qui crée de la souffrance dans notre métier parce qu’il y a un sentiment de perte de sens. »
Les trois syndicats voient dans cette directive une volonté de contrôle permanent, allant à l’encontre de la liberté pédagogique, de la marge de manœuvre nécessaire aux enseignants. « Nous avons besoin de nous adapter aux élèves en tenant compte de leurs réalités », précise Jacques Pousse : « J’ai une classe dans laquelle une bonne partie des élèves ne parlent pas français à la maison. Forcément cette évaluation standardisée n’est pas adaptée à eux par exemple… »
« Pour améliorer les conditions d’apprentissage, nous avons besoin d’un choc des moyens, pas de leur choc des savoirs. Cette année nous aurons 10 postes en moins [en premier degré] dans le Bas-Rhin par rapport à l’année précédente », conclue Jonathan Welschinger.
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