« La dernière expérience américaine ne s’est pas bien passée », souffle Daniel De Almeida, de l’association de supporters Kop Ciel et Blanc (KCB). Au lendemain de l’annonce du rachat du Racing club de Strasbourg ce 22 juin par le consortium BlueCo, à la tête du club de Chelsea, le souvenir de l’épisode de gestion par le milliardaire étasunien Mark McCormack entre 1997 et 2003 refait surface. Au fil des années, les promesses de réussite sportive s’étaient effacées. Le Racing était descendu en Ligue 2 en 2001 et le groupe américain avait finalement revendu le club avec un déficit de 12 millions d’euros en 2003.
Et l’exemple du club de Troyes, descendu en Ligue 2 cette année malgré le rachat par le propriétaire de Manchester City en 2020, n’arrange rien. L’arrivée de riches actionnaires n’est pas synonyme de succès pour les petits clubs.
La gestion de proximité, mise en place par le président du RCSA Marc Keller depuis 2012, semble avoir mis tout le monde d’accord. « Le Racing est un club populaire, sain financièrement, ancré dans le territoire, et il doit le rester. On a peur de perdre cette identité », déclare Philippe Wolff, président de la Fédération des supporters du Racing qui regroupe sept associations :
« Nous sommes contre le modèle de la multipropriété, nous ne voulons pas être à la remorque du club de Chelsea. Les beaux discours rassurants, on s’en fiche. L’argent peut aider mais juste de l’argent, ça ne sert à rien. Il faut surtout des compétences et un projet sportif indépendant. Ce qui est plutôt marquant et positif pour l’instant, c’est que l’équipe dirigeante reste à la tête du club et du centre de formation. Mais est-ce que Marc Keller maintiendra l’indépendance structurelle et sportive du Racing ? Il risque d’avoir moins de marges de manœuvre. »
Marc Keller tente de rassurer les supporters
Pour Daniel De Almeida, « le fait que Marc Keller reste président n’est pas une garantie ». Il évoque l’arrivée de John Textor à l’actionnariat de l’Olympique lyonnais :
« D’abord il disait que Jean-Michel Aulas (président depuis 36 ans, NDLR) resterait à la tête du club. Mais à la première divergence, il a été écarté. En cas de désaccord Marc Keller pourrait donc sauter. On ne sait pas du tout s’il y a une clause pour protéger le Racing de ça. »
Pas de quoi s’inquiéter à entendre les actionnaires de BlueCo, cités dans le communiqué du Racing diffusé jeudi 22 juin : « C’est un honneur pour nous de faire partie de ce club historique. Nous nous engageons à préserver l’héritage du Racing et à travailler en étroite collaboration avec Marc et son équipe de direction afin de poursuivre l’excellent travail qu’ils ont accompli. » De son côté, Marc Keller rassure dans le même communiqué en exposant que « l’objectif est de permettre au Racing d’être encore plus ambitieux », une ligne réaffirmée dans une interview aux Dernières nouvelles d’Alsace.
« Le bon deal aurait été que BlueCo soit actionnaire minoritaire »
Chelsea a gagné la Champions League (coupe d’Europe) en 2021. BlueCo a racheté le club londonien en mai 2022. Un an après, les « Blues » ont fini douzième du championnat anglais en 2023. « C’est une régression spectaculaire », observe Philippe Wolff, avant de rappeller que « le contexte était particulier » : l’ancien propriétaire russe Roman Abramovitch était parti précipitamment suite au début de la guerre en Ukraine, laissant derrière lui une dette de près de deux milliards d’euros. Daniel De Almeida, du KCB, poursuit :
« On a bien compris que pour progresser, il fallait que de nouveaux investisseurs rejoignent la société, vu que le budget du Racing est trop faible. Pour nous, le bon deal aurait été que BlueCo soit actionnaire minoritaire, pour que les dirigeants actuels gardent leur pouvoir de décision. »
Les associations de supporters tentent depuis plusieurs semaines d’obtenir un rendez-vous avec Marc Keller. « Il devrait avoir lieu prochainement », indique Philippe Wolff, dans l’incapacité de donner une date plus précise. « On a confiance en Marc Keller vu tout ce qu’il a fait pour le Racing mais on a besoin d’en savoir plus sur les accords passés avec BlueCo », glisse Daniel De Almeida.
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