Bienvenue sur ce compte-rendu en direct de la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. La manifestation du jeudi 23 mars fait suite au recours au 49-3 annoncé par la Première ministre Élisabeth Borne jeudi 16 mars.
Depuis, plusieurs manifestations spontanées ont eu lieu à Strasbourg, rassemblant plusieurs milliers de personnes et provoquant de multiples dégradations. Lundi 20 mars, la motion de censure transpartisane du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) a manqué de neuf voix pour aboutir à la dissolution du gouvernement. Le soir-même, la répression de la mobilisation s’est durcie à Strasbourg. Le recours au gaz lacrymogène a provoqué au moins deux évanouissements dans le centre-ville.
Rue89 Strasbourg est mobilisé pour rendre compte ici même des mouvements sociaux dans les entreprises et les services publics, des blocages et des cortèges. Si vous êtes organisatrice ou organisateur d’une action, membre d’un collectif ou simplement témoin d’un événement en lien avec cette journée de mobilisation, merci de nous envoyer vos éléments à redaction@rue89strasbourg.com (en incluant un numéro de téléphone) ou via le formulaire de contact afin qu’ils puissent être relayés sur ce compte-rendu.
Des étudiants opposés à la réforme des retraite ont bloqué plusieurs bâtiments du campus central de l’Université de Strasbourg.
Rassemblés aux alentours de midi devant l’institut Le Bel, les manifestants ont donné les noms d’avocats à joindre en cas de garde à vue. La « legal team » du Bas-Rhin est joignable par mail à legalteam67@proton.me ou par téléphone lors des jours de manifestation au 0758365711. Elle récolte les témoignages sur les circonstances d’interpellations et propose des noms d’avocats à connaître en cas de garde à vue.
Une trentaine de personnes se sont mobilisées en début de matinée pour bloquer la circulation à Châtenois. Selon le collectif mobilisation retraite Val d’Argent, l’action a duré moins d’une heure et a provoqué des bouchons « jusqu’à l’autoroute côté Sélestat et jusqu’à Bois l’Abesse côté Val d’Argent. »
Dans un communiqué, le collectif explique « l’accident démocratique du jeudi 17 mars qui a provoqué un blocage à Châtenois (Route des vins / RN 59) aujourd’hui » :
« Nous voulons montrer une fois de plus, par cette action citoyenne, résolue et non-violente, notre opposition à cette réforme, notre soutien aux grévistes et aux manifestants de tout le pays. Nous ne voulons pas d’un Etat autoritaire. Nous souhaitons l’émergence d’une démocratie saine, qui sait entendre l’expression du peuple et donner aux citoyens les moyens de participer activement et sereinement à la vie politique. »
Le Canard réfractaire, un youtubeur engagé pour les luttes sociales et proche des Gilets jaunes, était présent place de la République pour le rassemblement annoncé par le collectif strasbourgeois « On crèvera pas au boulot ». Venu couvrir la manifestation strasbourgeoise du jeudi 23 mars, il explique sa démarche :
« L’idée, c’est de rassembler des milliers de personnes qui nous regardent sur les réseaux, dont des gilets jaunes d’un peu partout en France et qui sont encore actifs en Alsace. Grâce à notre audience, on peut fixer des lieux de rendez-vous avec différents groupes locaux déjà existants. On va faire ça dans plusieurs villes du Grand Est. On revient tout juste de Reims. »
Louna, étudiante en première année d’anglais à l’Université de Strasbourg :
« Avec cette mobilisation et le 49-3, on est en train de comprendre que le gouvernement a tous les pouvoirs. J’avais déjà entendu parler du 49-3, mais là c’est devenu très concret. Pour moi, ce n’est pas une démocratie. Malgré les manifestations, malgré le fait que tout le monde est contre cette réforme, le gouvernement ne change pas d’avis. C’est très dangereux. Je m’inquiète aussi pour ce qu’on va réussir à obtenir à l’avenir, parce qu’il y a plein d’autres problèmes. Je pense que le système politique doit vraiment changer. »
La foule est extrêmement dense sur la place de la République. La tête du cortège vient de prendre la direction de la place Broglie.
Hassan, retraité, ancien peintre en bâtiment :
« Il faut absolument manifester parce que le gouvernement ne nous écoute pas. Mais c’est un problème de démocratie si les grandes manifestations pacifistes ne servent à rien. Le gouvernement ne doit pas s’étonner s’il y a de la casse. »
La manifestation passe actuellement par la place Broglie :
Carlos travaille à l’université en tant qu’agent d’accueil. Il estime que le gouvernement devrait prendre en compte les manifestations, les sondages qui indiquent une grande majorité de Français opposés à la réforme et la motion de censure qui a failli provoquer une dissolution du gouvernement :
« Pour moi, c’est problématique qu’un président ait tout ce pouvoir dans la cinquième République. Elle donne trop de pouvoir à un seul homme. Macron est comme un monarque. C’est un danger pour la démocratie. Les règles doivent changer.
Cela fait plusieurs années que les gens ne se mobilisent plus pour voter. Il y a un manque de confiance dans la politique et ce n’est pas étonnant. »
Grosse ambiance dans le cortège de la Haute école des Arts du Rhin (HEAR) :
Pour la seconde fois depuis le début du mois de mars, la vitrine du magasin de luxe Louis Vuitton a été taguée : « 186 milliards : 1ère fortune mondiale Rends l’argent »
Dans la nuit du 6 au 7 mars, la même vitrine avait été taguée avec le slogan : » Patrie, Patron, Patriarcat »
Nouveau pic de mobilisation pour cette neuvième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale contre la réforme des retraites.
Selon le décompte de l’un de nos journalistes sur place, au moins 18 500 personnes manifestent actuellement à Strasbourg.
La taille du cortège, qui s’étendait du pont du théâtre jusqu’à la porte de l’hopital, est de 1,8 kilomètres, soit la même distance que lors des plus grandes manifestations contre la réforme des retraites à Strasbourg.
Selon une estimation réalisée à partir du logiciel MapChecking, en prenant acte d’une densité de population plus élevée pour la manifestation d’aujourd’hui, la participation s’élève à plus de 20 000 personnes.
La tête du cortège a atteint la destination de la manifestation déclarée, devant le Palais universitaire. La foule entonne le slogan : « Macron t’es foutu, la jeunesse est dans la rue ! »
Une partie de la foule a quitté le parvis du Palais universitaire en direction du boulevard de la victoire. Des pavés sont lancés sur les forces de l’ordre, qui répliquent en utilisant du gaz lacrymogène.
Sur le chemin, les manifestants bloquent la circulation à l’aide de barrières grillagées et de poubelles enflammées.
Participer à une manifestation non-déclarée est-il interdit ? Premier élément de réponse de Me Florence Dole, avocate et membre du Syndicat des avocats de France et de l’observatoire des libertés publiques de Strasbourg :
« Le fait de participer à une manifestation n’est pas une infraction. On ne s’expose à aucun risque juridique. Pour être arrêté, il faut qu’une infraction soit constatée. Même en manifestation spontanée, les manifestants ne font qu’usage de leur liberté fondamentale de s’exprimer. »
Interview complète à retrouver en début de soirée sur Rue89 Strasbourg.
La manifestation sauvage continue en direction du quartier Esplanade, suivie de près par les forces de l’ordre.
Mathieu, 28 ans, professeur assistant et militant du Nouveau parti anticapitaliste, déplore l’utilisation par le gouvernement de « toutes les ficelles de la Constitution » :
« Ça montre qu’ils n’ont pas envie de gouverner démocratiquement. On a besoin de renverser ce pouvoir et de créer nos propres institutions. Une sixième ou septième République ne changerait rien si elle reste aux mains de la bourgeoisie, il faut un changement radical par la base. Les élus devraient venir des rangs des travailleuses et travailleurs, avec des mandats spécifiques et révocables. Et surtout, on devrait avoir des AG citoyennes, partout et tout le temps. »
Autre ambiance place de la République, où la foule se disperse tranquillement.
Campus central, quartier du Conseil des XV, Esplanade… La manifestation sauvage s’est divisée en plusieurs petits groupes, dispersés par l’usage régulier de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre.
Selon nos reporters sur place, beaucoup de dégradations de banques et de panneaux JC Decaux ont lieu dans le quartier du Conseil des XV.
Gyrophares et sirène allumés, de nombreux véhicules de polices passent encore par la place de la République aux alentours de 17h30.
Quai des bateliers, un cortège continue d’avancer, entonnant le slogan : « Strasbourg debout, soulève toi ! »
Un peu plus loin, le même groupe entonne un chant antifasciste : « Siamo tutti antifascisti »
Selon nos reporters sur place, 300 personnes continuent de déambuler dans le quartier Krutenau en attaquant systématiquement les banques et les panneaux publicitaires.
Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène au niveau de la place de Zurich.
Ambiance, quartier Krutenau.
Les forces de l’ordre se déploient au niveau du campus central, où plusieurs départs de feu ont été constatés par notre reporter sur place. Les manifestants sont parvenus à contourner les policiers et les gendarmes et se dirigent vers le parc de l’Orangerie.
La police a utilisé du gaz lacrymogène au niveau du carrefour du boulevard de la Marne et de l’avenue de la Forêt-Noire. Le dernier cortège vient de se disperser, après plus de cinq heures de manifestation.
C’est la fin de ce compte-rendu en direct. Merci à vous de l’avoir suivi. Ci-dessous, les principales informations à connaître sur la neuvième journée de mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites :
- Selon nos estimations, un nouveau record de mobilisation a été atteint ce jeudi 23 mars, avec plus de 20 000 personnes dans les rues de Strasbourg. Le précédent record a été atteint lors de la deuxième journée de mobilisation, le mardi 31 janvier, avec près de 20 000 participants.
- Selon la Préfecture, 12 500 personnes ont manifesté. L’intersyndicale évoque 30 000 manifestants.
- À la fin de l’itinéraire déclaré, devant le Palais universitaire, un cortège de plusieurs centaines de personnes a entamé une déambulation de plusieurs heures, détruisant sur son passage les vitrines des banques et les panneaux publicitaires dans plusieurs quartiers, en particulier celui du Conseil des XV et de la Krutenau.
- Une dizaine de personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre.
- Lors d’une conférence de presse devant le tribunal judiciaire, le député de la France insoumise Emmanuel Fernandes a annoncé le dépôt d’un signalement auprès de la procureure de Strasbourg. Il concerne le non-respect du schéma national du maintien de l’ordre dans la rue des dentelles au cours de la soirée du lundi 20 mars. Vers 21h30, plusieurs dizaines de personnes se sont retrouvées bloquées dans cette ruelle par les forces de l’ordre qui l’ont ensuite remplie de gaz lacrymogène. L’élu de la deuxième circonscription du Bas-Rhin affirme avoir récolté 24 témoignages de manifestants victimes. Au moins deux personnes ont perdu connaissance à ce moment là.
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