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Strasbourg repeinte en vert par la revue de la Choucrouterie

Après une interruption pour cause de pandémie mondiale, le théâtre de la Choucrouterie présente jusqu’au 20 mars sa nouvelle revue satirique. L’institution strasbourgeoise dépasse désormais confortablement le quart de siècle. C’est dans une petite salle où tout le monde semble se connaitre que se tient, sur l’étroit plateau, l’un des spectacles les plus irrévérencieux de la région.

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Strasbourg repeinte en vert par la revue de la Choucrouterie

La revue s’ouvre avec des salutations cordiales du fondateur Roger Siffer, qui lance d’emblée sa traditionnelle pique aux Lorrains : « ils font aussi partie du genre humain. » La troupe porte des vestes de costume et des bas de pyjama, une tenue devenue la norme pour les télétravailleurs en vidéoconférence. La revue prévient d’emblée : elle se moquera de tout et n’éprouvera pas de remords si elle blesse ses spectateurs.

Se moquer de tout et de tout le monde

Le ton est donné par le titre de cette édition : « En Vert et contre Tousse » (ou « Grien hinter de Ohre » pour la version alsacienne). L’arrivée des écologistes à la mairie de Strasbourg en 2020 a visiblement inspiré les auteurs de la revue. Le premier tiers du spectacle se dédie donc à brocarder en vrac l’écologie, le véganisme ou encore le féminisme. L’opposition récurrente de la campagne de tradition face à la ville de modernité est au cœur d’un bon nombre de sketchs, avec quelques retournements de situation surprenants.

Avec des costumes bigarrés et des grimaces impayables, la Choucrouterie reprend du service. Photo : de Jean-Marc Loos / doc remis

L’humour alsacien c’est aussi un ton volontiers gouailleur qui va jusqu’au paillard, au détour d’une chanson potagère phallique ou d’une allusion médicale. Depuis le haut d’un échafaudage, un chef de chantier se soulage sur les ouvriers en contrebas en revendiquant le « ruissellement ». Quelques touristes chinois se voient appelés « jaunes » dans une plaisanterie sur le communisme « rouge. »

Des miss improbables chantent une chanson pour le moins osée. Photo : Document remis

La revue renoue sans effort avec un registre qui peut faire rire comme grincer des dents, non sans une satisfaction palpable. Mais ce n’est qu’un des aspects de la soirée, qui sait varier le ton pour ne pas se cantonner à un champ d’humour trop restreint. La preuve en est dans un moment de danse sur du Vivaldi ou, sans un mot et tout en gestes, les comédiens tordent la salle de rire.

La politique est toujours dans le viseur

La revue s’empare évidemment de l’actualité politique et moque les figures locales. Le conseiller municipal d’opposition (LR) Jean-Philippe Vetter en prend pour son grade, dans une chanson qui décline le vocabulaire du pain (il a rappelé qu’il est fils de boulanger durant la campagne électorale). Il est également le héros d’un sketch où, costumé en ghostbuster, il se voue à la chasse aux communistes. La maire (EELV) Jeanne Barseghian est évoquée de temps en temps mais il semble que la revue n’ait pas encore su comment s’en emparer directement. Son ombre plane ainsi sur le spectacle et dès que l’on parle d’écologie, elle n’est jamais loin.

Les chasseurs, privés de leurs armes, se lamentent, dans une scène d’anticipation. Photo : document remis

Une figure de la Revue devenue culte est Chilibébert alias Gilbert Meyer, l’ancien maire de Colmar décédé en septembre 2020. Cela n’a pas empêché la bande de faire revenir leur quasi-mascotte pour un sketch rocambolesque ou l’ancien élu débarque au paradis et y conteste le mode de gouvernance, peu démocratique.

Un moment convivial qui demande une sacrée technique

Comme toujours très musicale, la revue se sert dans tout le répertoire populaire pour ses détournements. Entre « J’ai rédigé par erreur mon attestation » et « Alors on tousse », c’est surtout la thématique de la crise sanitaire qui imprègne le spectacle. Il est d’ailleurs notable de voir un certain nombre de sketchs se fonder sur des actualités depuis passées de mode. Les personnages confinés chez eux, applaudissant aux fenêtres, replongent le public dans une époque pas si lointaine, et pourtant révolue. Le piano est l’élément principal de nombreux sketchs, et la musique soutient toujours habilement le spectacle, lui donnant du rythme et du tonus.

Toujours minimaliste, le décor de la Chouc’ se contente de quelques cadres en bois pour figurer les fenêtres des confinés. Photo : document remis

Comme d’habitude, la revue française et la revue alsacienne se jouent simultanément, avec un quart d’heure de décalage. Les comédiens vont et viennent d’une salle à l’autre, ce qui explique les quelques instants de flottement qui surviennent parfois. Mais la troupe est bien rodée et quantité de costumes, d’accessoires et de scènes tournent en belle intelligence, tout au long des (presque) deux heures que dure le spectacle.

C’est avec une joie féroce que la troupe a repris ses gaudrioles, en ayant au passage accumulé beaucoup de matière pendant son mutisme forcé. Cela se ressent à travers la profusion de thématiques abordées. La revue présentée semble être celle qui n’a pas pu se jouer l’an passé, tant les thématiques traitées se rattachent à l’année 2020 : fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, élections municipales, confinement… Cette édition sert autant de rattrapage que de mise à jour, et permet un peu de venger la frustration causée par la crise sanitaire. Nul doute que la prochaine édition gardera encore la belle énergie qu’a su déployer la Choucrouterie dès cette reprise.


#spectacle vivant

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