Un mois après l’inscription du quartier de la Neustadt au Patrimoine mondial de l’Unesco, Strasbourg remet le couvert avec un autre projet : celui de faire reconnaître le savoir-faire de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame qui assure l’entretien, la conservation et la restauration de la Cathédrale de Strasbourg. Mais attention, il ne s’agit pas de la même liste que pour la nouvelle ville allemande et la Grande-Île. Cette fois-ci, il s’agit du patrimoine culturel immatériel. Cette autre liste de l’Unesco en vigueur depuis 2008 vise à sauvegarder les pratiques traditionnelles et expressions vivantes qui se transmettent à travers le temps.
Valoriser un savoir-faire vieux de 8 siècles
L’idée de la candidature strasbourgeoise n’est pas nouvelle. Elle a germé dès 2013 lors de l’élaboration du plan de gestion « Strasbourg Grand Île », puis le conseil municipal a affirmé sa volonté d’engager ce processus à deux reprises, en 2015 et 2017. Il s’en est suivi un travail de réflexion et d’enquête ethnologique sous la direction du professeur Roger Somé. La dimension immatérielle suppose en effet de savoir si les « communautés humaines » se reconnaissent dans ce patrimoine, en l’occurrence de savoir si les Strasbourgeois s’approprient cette connaissance de leur cathédrale. Le ministère de la Culture a validé l’inscription de ces savoirs sur la liste nationale de l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel le 27 juin 2017. C’est à l’État maintenant de prendre le relais et de porter la candidature devant l’Unesco.
Quelles spécificités dans l’entretien de la Cathédrale ont donc été retenues par les experts du ministère de la culture ? La Fondation de l’Œuvre Notre-Dame créée au début du XIIIè siècle a assuré une permanence et continuité dans les pratiques de restauration et la connaissance du bâtiment. Aujourd’hui, les 32 salariés, dont 22 techniciens, assurent la rénovation qui se fait exclusivement à la main, une singularité en Europe.
Alain Fontanel (LREM), premier adjoint au maire, en charge de la Culture cite aussi les pratiques d’autofinancement à travers dons et legs, commune une « invention du crowdfunding avant l’heure ». Et l’attachement des Strasbourgeois à ce patrimoine dans tout ça ? Il se manifesterait à travers leur participation à des événements organisés par la Fondation, les dons qui lui sont faits et « l’attachement populaire à l’institution cathédrale ».
Le « patrimoine culturel immatériel » : un concept récent
Si la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame est inscrite sur la liste de l’Unesco « à l’horizon 2021 » comme l’envisage l’adjoint au maire, elle rejoindra donc « le repas gastronomique des Français », « l’équitation de tradition française » ou encore les danses traditionnelles bretonnes, 3 des 15 pratiques françaises inscrites au patrimoine immatériel.
Ce concept imaginé dans les années 1990 par des ethnologues s’inscrit en fait dans le tournant de la stratégie globale de l’Unesco. Il s’agissait de rééquilibrer la répartition géographique du patrimoine mondial en élargissant sa définition. Jusque là, l’Europe et les édifices religieux de la chrétienté étaient largement sur-représentés. Pas certain donc que cette inscription tende à diversifier l’origine du patrimoine mondial. Alain Fontanel n’y voit pas de problème puisqu’il s’agit d’une « fondation laïque » et que le but est de « valoriser un artisanat ».
L’autre objectif mis en avant par Éric Fischer, directeur de la fondation, est de « gagner en notoriété et de rester attractif pour les générations plus jeunes ». L’ingénieur de formation reconnait que cette candidature comporte un risque : celui des flux touristiques qu’elle pourrait engendrer.
Or l’atelier, situé dans la zone industrielle de la plaine des Bouchers à la Meinau, entre ateliers de carrosserie et diverses entreprises de fabrication, n’a pas vocation a accueillir beaucoup de visiteurs. « C’est un lieu de production avant tout », rappelle-t-il.
Penser une inscription internationale
D’ici l’officialisation d’un dépôt de candidature auprès de l’Unesco il reste une question sur laquelle la Fondation, la Ville et le Ministère de la Culture doivent travailler : cette candidature doit-elle être portée de manière individuelle ou envisagée de manière internationale ?
L’Unesco examine une seule candidature française tous les deux ans, avec un comité de « plus en plus exigeant », ce sera une « véritable bataille » selon Alain Fontanel. Cela pourrait donc mener à une candidature internationale, préférée par l’Unesco, avec le réseau européen des ateliers de cathédrale. Si elle n’empêche pas de faire reconnaître les spécificités des ateliers strasbourgeois, cette piste pourrait être discutée lors de la prochaine rencontre annuelle.
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