C’est un problème nouveau. Il y a une quinzaine d’années, c’était compliqué de dénicher des algues de cinq mètres de long autour de Strasbourg. Mais depuis, l’écologie s’est fait une petite place et les désherbants chimiques pour « nettoyer » les berges ont été progressivement abandonnés. Denis Edel est chargé de l’entretien du Port autonome :
« Les générations précédentes ne se préoccupaient pas trop de ce qu’elles épandaient au bord de l’eau. Forcément ça ruisselait, du coup il n’y avait pas grand chose qui poussait dans les canaux. »
Depuis, les pratiques ont changé, les algues ont pointé le bout de leur nez et les poissons aussi. D’un point de vu écologique, c’est plutôt une bonne nouvelle mais ça ne fait pas les affaires des bateaux. Le 10 septembre, le gérant de la société Marins d’eau douce accusait les plantes aquatiques d’avoir été à l’origine du naufrage de l’un de ses petits bateaux électrique de tourisme.
Le Rhin n’est pas confronté au même problème puisque le courant est assez fort pour plaquer les algues au fond. Et les bateaux qui sillonnent le fleuve sont très puissants contrairement à ceux qui naviguent dans Strasbourg et qui dont les hélices ont vite fait de se retrouver emmêlées dans les algues.
Tondre les algues, mode d’emploi
Pour endiguer le phénomène, le Port autonome de Strasbourg et les Voies navigables de France font appel à des « faucardeurs ». C’est le nom donné aux paysagistes qui s’occupent de la tonte des algues inlassablement. Le seul Port autonome y consacre 80 000 euros par an.
Les faucardeurs utilisent d’étranges embarcations à moteur thermique que vous avez peut-être déjà vues en vous promenant le long des canaux. Elles fonctionnent un peu comme des tondeuses à cheveux. En fonction de la longueur d’algues que les faucardeurs veulent couper, ils font descendre des lames plus ou moins profondément. Ensuite, avec un tapis roulant, ils n’ont plus qu’à ramasser les coupes qui remontent toutes seules à la surface.
En principe, les lames sont faites pour tondre mais ne sont pas censées être assez tranchantes pour découper les poissons en rondelles. D’ailleurs pour préserver l’habitat de la faune aquatique, les faucardeurs ne coupent pas toutes les algues. Ils laissent des bandes d’environ cinq mètres de large, au bord des berges, et frayent un passage pour les bateaux au milieu des canaux.
Des dizaines de tonnes d’algues à ramasser chaque année
Enfin, une fois coupées, les algues sont envoyées dans une usine de compostage à Strasbourg, rue du Rohrschollen. La prochaine fois que vous jardinerez, peut-être que votre terreau aura eu une première vie plus aquatique.
Ils ne sont que deux faucardeurs à Strasbourg pour gérer plusieurs centaines d’hectares de bassins et de canaux. Bastien Barthelmé et Nicolas Schmeltz ont chacun un bateau faucardeur : un gros, pour les zones où il y a de la place, et un petit pour pouvoir aller dans les espaces moins accessibles.
De plus en plus sollicités
Les deux engins fonctionnent à peu près de la même manière, si ce n’est que le plus gros se dirige grâce à des roues à aubes qui éveillent souvent la curiosité des passants. D’ailleurs, les Strasbourgeois ont de plus en plus de chances de voir passer Bastien Barthelmé et son collègue :
« Il y a quelques années, on intervenait uniquement au printemps, en mai et en juin. Aujourd’hui on doit faire un deuxième passage en septembre. Surtout quand l’été est chaud, ça favorise la prolifération des algues. Donc ça nous occupe presque un tiers de l’année. »
Le reste du temps, les faucardeurs travaillent comme paysagistes de manière plus classique, dans des jardins par exemple. Mais cette parenthèse aquatique aux beaux jours ne déplaît pas à Bastien Barthelmé :
« C’est plutôt confortable, on est assis au frais en se promenant sur l’eau. Rien à voir avec des poses de pavés ! »
Mieux vaut que l’activité leur plaise. Au printemps, Bastien Barthelmé et son collègue Nicolas Schmeltz ont ramassé environ 80 tonnes d’algues. En septembre, ils avaient une centaine d’hectares à ratisser.
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