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Présidentielle à Strasbourg : une fracture entre les quartiers et une concurrence Pécresse – Zemmour

L’analyse fine des résultats à Strasbourg révèle d’importants écarts sur la participation. Jean-Luc Mélenchon et à degré moindre Marine Le Pen réussissent dans les quartiers populaires, mais qui votent moins. Emmanuel Macron établit des scores plus équilibrés et s’appuie sur les bureaux de droite, qui participent plus. À droite justement, Éric Zemmour concurrence « Les Républicains » et non pas le Rassemblement national.

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Présidentielle à Strasbourg : une fracture entre les quartiers et une concurrence Pécresse – Zemmour

Le résultat et une participation finalement plus forte qu’annoncée ont quelque peu éclipsé les disparités de l’abstention dans la ville. Dans un quart des 144 bureaux de votes de Strasbourg, on participe à plus de 80% et même 85,1% à René Cassin près de l’Orangerie. La participation est aussi très bonne au centre ville et dans des bureaux de Neudorf, la Krutenau, la Robertsau ou à l’entrée de Cronenbourg.

Plus de 40% d’abstention dans des quartiers populaires

Certes ce n’est pas le très grand écart, mais dans un quart des bureaux au contraire, on s’abstient à plus de 30%. Dans les quartiers populaires, du Neuhof à Hautepierre, en passant par l’Elsau ou Cronenbourg, l’abstention flirte avec les 40%. Elle la dépasse dans trois bureaux, deux au Neuhof et un à l’extrémité de Cronenbourg, à l’école Paul Langevin.

Un score équilibré pour Emmanuel Macron

Cette carte de la participation se superpose avec le trio de tête. Celle de la forte participation correspond assez bien aux meilleurs scores d’Emmanuel Macron. De quoi presque équilibrer les scores avec Jean-Luc Mélenchon qui remporte pourtant bien plus de bureaux dans la ville.

Par exemple, le bureau René Cassin rapporte 291 suffrages à Emmanuel Macron, qu’il remporte avec 36% des voix. Soit une de plus que Jean-Luc Mélenchon et son score record (69,88% !) au bureau Paul Langevin (290 voix). Des bureaux comme l’ENGEES, à Gallia, ou 4 écoles de la Robertsau rapportent environ 400 voix chacun au chef de l’État. « Emmanuel Macron a gardé sa base de 2017 et a mordu sur celle de la droite, par exemple à l’Orangerie qui est le bastion par excellence », analyse le politologue à l’Observatoire de la vie politique alsacienne (Ovipal) Philippe Breton.

Même dans les secteurs où il est en difficulté, dans les quartiers populaires, le président sortant est toujours au-dessus des 11%, et très souvent au moins deuxième.

Jean-Luc Mélenchon très fort dans les secteurs abstentionnistes

Au contraire, Jean-Luc Mélenchon fait de plus grands écarts qu’Emmanuel Macron, allant de 8% (au pavillon Joséphine) à 69% d’un bout à l’autre de la ville. À l’opposé du président, ses meilleurs scores en pourcentage viennent des quartiers plus abstentionnistes, qui rapportent moins de voix lors du dépouillement.

« Jean-Luc Mélenchon a réveillé les banlieues », constate Philippe Breton. Mais pour l’universitaire, « il aura du mal à s’appuyer dessus » :

« On se tromperait à ne voir qu’un vote de gauche. Il y a son combat contre l’islamophobie. Il fait aussi de bons scores dans les secteurs périurbains, qui ne sont pas des terres de gauche. C’est un vote composite, d’ailleurs Jean-Luc Mélenchon qui est un vieux renard de la politique, l’a reconnu dans son discours. C’était un vote du moment, mais son électorat va déjà avoir des options différentes dès le 2è tour, entre le vote blanc, l’abstention, Macron voire Le Pen. »

Le porte-parole de LFI à Strasbourg Léo Delahaye estime que ces résultats correspondent à la stratégie mais voit aussi des difficultés à venir :

« On a focalisé sur les quartiers où ça ne va pas avec 10 000 porte-à-portes. On s’attendait à être distancé au Conseil des XV. On a un électorat abstentionniste lors des élections intermédiaires. Il faut qu’on capitalise sur ce bon score pour les élections législatives, mais il y a peut-être davantage d’union à faire. Cette élection doit servir de leçon à tout le monde ».

Mais Jean-Luc Mélenchon est aussi en tête à Strasbourg grâce à de bons scores dans des quartiers qui se mobilisent beaucoup. Il récolte ainsi autour de 500 voix à la Musau, (plus de 70% de participation) ou au quartier Gare dans les écoles Sainte-Aurélie et Louise Scheppler, où plus de 80% des inscrits ont voté.

Même s’il est très distancé dans les bureaux de droite, il limite la casse avec souvent des scores entre 15 et 20% dans des secteurs comme la Robertsau qui n’est pas réputée pour voter pour la gauche radicale. Le score de jadis le Parti socialiste ou les écologistes depuis 2020.

Marine Le Pen (11%) est loin derrière le duo de tête à Strasbourg. C’est aussi dans les secteurs abstentionnistes qu’elle est la mieux placée. Elle fait un peu plus au sud, même au-delà de 20% (Neuhof, Stockfeld et Meinau) et pas forcement dans les bureaux « les plus abstentionnistes », à l’ouest de la ville. Ses points forts sont donc légèrement différents de ceux de Jean-Luc Mélenchon. Elle est clairement rejetée, plus qu’Éric Zemmour, dans le centre-ville et les quartiers prospères au nord.

EELV replié sur ses bastions

Quatrième à Strasbourg avec 6,4%, Yannick Jadot limite un peu la casse par rapport à d’autres candidats. Il regroupe ses meilleurs scores dans les quartiers du centre-ville, de la Krutenau, le quartier Gare ou Neudorf. Des bastions historiques d’EELV à Strasbourg. Une zone d’influence qui justement s’était étendue à l’ensemble du Neudorf, la Meinau ou Cronenbourg, lors des élections municipales, et à degré moindre aux départementales.

Ce repli était lié au « vote utile » pour Jean-Luc Mélenchon selon les impressions de Jeanne Barseghian dimanche soir au centre administratif. « Je viens de le constater dans le bureau de vote où j’étais à la Musau et de manière générale à Strasbourg, là où les écologistes sont d’habitude très forts ». Elle estime qu’il n’était « pas facile » de se décider pour un électeur écologiste : « Mélenchon s’est positionné fortement sur les questions environnementales et sociales. »

« Les 21 000 voix du deuxième tour des élections municipales 2022, qui représentaient un vrai vote militant écologiste, dans un contexte d’abstention, est retombé avec 6 500 voix pour Yannick Jadot, malgré une participation qui a doublé », compare pour sa part Philippe Breton.

« Strasbourg a moins voté Yannick Jadot (6,4%) que les autres grandes villes écologistes ou de gauche, ce qui profite à Jean-Luc Mélenchon qui fait l’un de ses meilleurs scores », relève l’opposant Alain Fontanel (LREM). En effet, le candidat EELV réalise un peu plus à Lyon, Bordeaux, Paris, Lille, Rennes, Nantes, Grenoble ou Toulouse. Ceux-ci vont jusqu’à 9,96% à Rennes. Yannick Jadot fait néanmoins des scores plus faibles dans le sud à Marseille, Montpellier ou Nice.

À noter tout de même l’un ou l’autre bon score dans quatre bureaux de la Robertsau (entre 7 et 9%) dans ce contexte morose, qui semble confirmer une petite évolution du corps électoral. L’eurodéputé fait aussi quelques gros flop dans les quartiers populaires et même un zéro pointé à l’école Gustave Stoskopf aux Poteries.

À droite, les votes Zemmour et Pécresse se concurrencent

L’autre enseignement est le vote à droite et l’extrême-droite. Bien qu’elle fait un score très faible dans la ville, Valérie Pécresse (3,65%) présente une différence très marquée d’un quartier à l’autre. Dans plusieurs secteurs, notamment à l’ouest, elle est sous les 1% dans plusieurs bureaux. En revanche ses meilleurs scores sont quasiment tous au nord, du secteur Contades, Tivoli, Wacken, Orangerie, Conseil des XV, jusqu’à la Robertsau, les points forts habituels de la droite strasbourgeoise. Ainsi, elle multiplie son score par 60 entre son meilleur et pire score ! Au Pavillon Joséphine, c’est également dans ce bureau qu’Emmanuel Macron réalise son meilleur score et Jean-Luc Mélenchon son pire résultat.

Du côté de la droite locale, on pointe « un défaut d’incarnation » de la candidate. L’électorat de la Robertsau et des quartiers nord a ainsi opté pour Emmanuel Macron, tandis que celui plus populaire aurait préféré le RN, par exemple au sud. Mais on rappelle aussi qu’aux élections européennes de 2019, la droite avait aussi touché le fond, même en Alsace, avant de faire de bons scores aux élections locales en 2020 et surtout en 2021.

Avec une inconnue pour les élections législatives de juin : est-ce que ce sera la faiblesse nationale ou l’ancrage local qui s’imposera ? C’est une élection nationale, mais les circonscriptions sont locales. Le parti pourrait y jouer sa survie financière, Valérie Pécresse vient de faire un appel au don pour rembourser sa campagne.

Surtout, cette carte du vote LR se superpose avec celle du vote pour Éric Zemmour, qui réalise 6% des voix. À quelques exceptions près, c’est dans les quartiers nord qu’il fait ses meilleurs scores. Il monte jusqu’à 16,55% au Palais des Fêtes, au cœur de la Neustadt. En revanche, le vote Zemmour ne concurrence pas du tout les bons scores de Marine Le Pen dans les quartiers populaires et davantage abstentionnistes. Les cartes des deux candidats d’extrême droite sont presque inversées.

« Éric Zemmour a fait une campagne pour la droite radicale et conservatrice. Il n’a pas dévié de sa ligne et n’a fait aucune concession. Son score correspond à cet électorat là et il ne mord chez aucun autre. C’est le candidat pour qui il y a le moins de surprise », estime Philippe Breton.

La moitié des candidats dans les choux

Les six autres candidats font des scores très faibles et globalement équilibrés, sans que l’on puisse en tirer d’enseignement. Comme Yannick Jadot, les candidats de gauche, Hidalgo, Roussel, Arthaud et Poutou arrivent tous à récolter 0 voix dans au moins un bureau de vote, pas de jaloux ! Contrairement à Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan qui sauvent l’honneur partout.


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