C’était, déjà pour Roland Ries, premier adjoint (PS) au maire de Strasbourg en 2001, l’une des conditions du maintien des institutions européennes à Strasbourg. Au début de la décennie 2000, l’actuel sénateur-maire de la ville publiait un rapport à la demande du Premier ministre d’alors Lionel Jospin, insistant sur la nécessité de proposer un cursus scolaire européen aux enfants des fonctionnaires de l’Union européenne, aux employés des institutions satellites du Conseil de l’Europe et des grandes entreprises présentes à Strasbourg.
Navette quotidienne vers Karlsruhe
En 2007, alors que le dossier n’a pas avancé d’un iota, la maire (UMP) de Strasbourg Fabienne Keller fait entendre sa voix auprès du Président de la République Nicolas Sarkozy, qui met à son tour la pression sur le rectorat et le conseil supérieur des écoles européennes. La sénatrice du Bas-Rhin raconte :
« Ne pas avoir d’école européenne à Strasbourg était un reproche qu’on nous faisait souvent. C’était un élément déterminant dans le choix de certains fonctionnaires de s’installer à Strasbourg ou non. A l’époque, une cinquantaine d’enfants faisaient la navette au quotidien entre Strasbourg et Karlsruhe, qui a une école européenne. Il nous fallait proposer une diversité de cursus pour les personnes très mobiles, dont les enfants doivent pouvoir continuer leur scolarité au gré des mutations de leurs parents. »
Volonté politique, oui, mais pas uniquement. Daniel Gassner, directeur de l’école européenne de Strasbourg, installée dans des locaux provisoires depuis la rentrée 2008, tempère :
« Une fois la volonté politique nationale affirmée, la France a dû s’adapter à des règles et des procédures européennes. Le dossier de Strasbourg a été validé en 2007, pour une ouverture en 2008 ».
Raison pour laquelle le siège du Parlement n’avait pas d’école européenne jusqu’alors : le faible nombre de fonctionnaires de l’UE vivant sur place, puisque basés pour la plupart à Bruxelles ou au Luxembourg.
Une école « agréée » par l’UE, mais financée par la France
« Il a fallu aller très vite », confirme Fabienne Keller, qui, battue au printemps 2008, n’a pas pu inaugurer les locaux provisoires boulevard d’Anvers dans quartier des Quinze. Aller très vite, c’était fermer les yeux sur une réalité : la fin des écoles européennes de « type 1 », écoles historiques créées dans les années 1950, entièrement financées par l’Union européenne, avec des frais d’inscriptions annuels élevés, payés par les fonctionnaires. Daniel Gassner explique :
« Ces écoles de type 1 existent dans 14 villes en Europe. Alors que plus aucune nouvelle école n’était créée, il a été décidé dans les années 2000 de créer un type 2, ou écoles « agréées » par l’UE. Pour les élèves, cela ne fait aucune différence en terme d’enseignement ou d’organisation [ndlr, système à l’allemande ou à l’anglo-saxonne, plus souple que le système français, avec un type d’évaluation différent], mais, voulues par un pays, leur administration et leur financement sont assurés par les moyens publics du pays hôte. »
Conséquence, l’école européenne de Strasbourg, si elle accueille en priorité les enfants des fonctionnaires européens (15%) et des institutions européennes (40%), est financée par l’État français (administration et professeurs, mise à disposition du terrain de la future école d’une valeur de 5 millions d’euros) et par la Ville de Strasbourg (pour l’équivalent de la maternelle et du primaire, soit 17 M€), le conseil général (l’équivalent des 4 années de collège, 9,7 M€) et la Région Alsace (3 années de lycée, soit 7,3 M€).
3 M€ pour les aménagements routiers
En plus de ces 34,1 millions d’euros, auxquels s’ajoute la valeur du terrain (5M€) « offert » par l’État au titre de sa contribution au projet, la ville de Strasbourg met encore au porte-monnaie le nécessaire pour aménager les abords du site. Pour des raisons d’accessibilité et de trafic automobile, 3 M€ seront dépensés par le contribuable strasbourgeois pour assurer la desserte voiture-vélo du nouvel équipement scolaire. Pas plus, pas moins que ce que l’on investit dans les autres écoles, assure Nicole Dreyer, adjointe au maire de Strasbourg en charge des écoles et du quartier de la Robertsau. Voulant couper court à une éventuelle polémique, elle note :
« Comme pour les autres écoles, on a demandé aux enseignants et aux parents de rédiger une cahier des charges avec leurs attentes. On a refusé la salle de spectacle de 500 places, par exemple, pour en créer une de 200 places comme au lycée Kléber. Aucune fleur particulière ne leur a été faite. C’est le même budget que pour les autres écoles, la même recherche de qualité architecturale et environnementale. »
Pour l’élue, rien de plus normal que de financer cet équipement. « 60% des enfants qui y seront accueillis habitent la Robertsau », assure-t-elle. Même si ces enfants sont sélectionnés, selon des critères d’admission stricts, en tout cas pour environ 55% d’entre eux. L’école comptabilise 830 élèves actuellement et pourra accueillir à partir de 2015 (date de mise en service des nouveaux locaux à la Robertsau) jusqu’à 1 200 enfants et adolescents.
« Entre-soi et consommation scolaire »
Le reste, c’est à dire la portion d’enfants dont les parents ne travaillent pas dans les institutions européennes, est soumis à des critères plus flous et validé par une commission d’admission composée de membres du rectorat, de l’école et de l’association des parents d’élèves. Le plus souvent, sont retenus des enfants de couples binationaux, de chercheurs à l’université, de cadres d’entreprises multinationales. Daniel Gassner remarque :
« Les places restantes sont attribuées à toute famille qui souhaite une scolarité européenne pour ses enfants. L’école de Strasbourg est la seule gratuite pour tous ses élèves. Mais attention, on ne vient pas à l’école européenne pour apprendre une langue. Nous avons trois sections linguistiques, francophone (là où les demandes sont les plus nombreuses), germanophone (moins demandée, du fait de la proximité de l’Allemagne) et anglophone. L’inscription dans une section correspond à une langue maîtrisée par l’enfant. Progressivement, des enseignements se font dans la « langue 2″, avec des options que nous choisissons de ne proposer que dans une seule langue. »
Le directeur ne nie pas une forme d’ »entre-soi inhérent au principe de l’école européenne », ni une « stratégie et une consommation scolaire » chez certains parents. Mais, note-il, « le choix d’admettre l’enfant se fait sur la profession des parents, pas sur son niveau scolaire ». Contrairement à certaines écoles privées.
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