Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Stocamine : la justice annule le stockage illimité des déchets toxiques

La cour administrative d’appel de Nancy a cassé l’arrêté de l’État qui visait à laisser indéfiniment les déchets toxiques à Stocamine. Ce qui suspend les travaux de confinement définitif de l’ancienne mine, qui devaient commencer ce mois d’octobre.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Stocamine : la justice annule le stockage illimité des déchets toxiques

C’est un sacré revers pour les ministres de l’Écologie successifs, et particulièrement pour l’actuelle occupante de la fonction, Barbara Pompili. La cour administrative d’appel de Nancy vient d’interdire le stockage illimité des déchets « ultimes » dans l’ancienne mine de Wittelsheim (Haut-Rhin), dans l’ancien bassin minier d’Alsace. Près de 20 ans après l’incendie de 2002, l’arrêté préfectoral du 23 mars 2017 qui prévoyait un stockage est cassé par la justice administrative. La décision tombe quelques jours avant des travaux de confinement imminents pour fermer l’ancienne mine Joseph-Else. Et ainsi retarder le contact avec l’eau de la nappe phréatique d’Alsace, dont la pollution sera inévitable à long terme.

Le confinement arrêté, mais pas encore de déstockage

La cour a notamment retenu les défauts de capacités financières et de garanties des Mines de Potasses d’Alsace (MDPA, société détenue à 100% par l’État français et en liquidation permanente depuis 2009) pour assurer ce confinement définitif. Les travaux sont estimés à 180 millions d’euros plus des frais (infinis) de gestion et de surveillance… Dans ses considérants, le président de la cour, M. Wurtz, ne croit pas trop à une volonté financière illimitée de l’État :

« La société MDPA s’est limitée à indiquer que le financement s’opérera par des subventions. (…) Or les lois de finances ont alloué des subventions de 30 millions d’euros à MDPA, accordées annuellement sans garantie de leur maintien, non plus de leur montant. »

En clair, qu’en cas de dommage et d’accident, personne ne serait là pour tenter d’atténuer les dommages, et plus les MDPA. « Lors de l’audience, la secrétaire générale des MDPA avait déclaré que la société serait liquidée dès la fin du confinement », explique Me François Zind, l’avocat de l’association Alsace Nature.

Il espère maintenant que le confinement étant stoppé, un déstockage soit amorcé :

« On a franchi la première étape, la plus difficile. Il ne faut pas que cette décision se transforme dans un nouvel attentisme, qui est l’histoire de ce dossier. »

Il reste tout de même 42 000 tonnes

Selon les experts les plus optimistes il reste quelques années avant que la mine soit dans un état trop dégradé pour intervenir. L’espoir vient notamment du côté de la Région Grand Est en lien avec plusieurs sociétés industrielles. Il reste 42 000 tonnes de déchets toxiques dans les sous-sols. Les MDPA doivent également dédommager les associations Alsace Nature, la CLCV et la Collectivité européenne d’Alsace à hauteur de 3 000 euros chacune.

Pour Josiane Kieffer, présidente de la CLCV Wittelsheim, qui avait déposé le recours pour le collectif « Destocamine », mobilisé depuis l’origine du projet, cette décision est un soulagement :

« On commençait à se réjouir depuis lundi (lors de l’audience, le rapporteur public proposait déjà une annulation de l’arrêté ndlr) et là on est très heureux en lisant ce jugement. La décision rapide est surprenante, mais montre qu’il y a une séparation entre le pouvoir et la justice à Nancy. On va voir désormais si les MDPA font un recours devant le conseil d’État et comment on se défend. On va se réunir pour voir la suite et comment demander le déstockage. La Région avait demandé à accéder au site pour pouvoir avancer sur un projet de destockage et cela lui avait été refusé par les MDPA. »

Cour administrative d’appel de Nancy Photo : Google Street View

Barbara Pompili, ministre de la Transition Ecologique, avait annoncé la volonté du gouvernement de confiner les déchets restants le 18 janvier. Dans les années 1990, l’État, qui a créé la société ad hoc Stocamine, promettait la possibilité de ressortir les déchets après 30 ans avec un procédé de déstockage exemplaire et transparent. Dans une enquête publiée en avril 2021, Rue89 Strasbourg mettait en évidence des doutes sérieux quant à la présence de déchets irréguliers désormais présents sous la nappe phréatique.


#cour administrative d'appel

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options