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Stocamine : la rapporteure publique rejette la reprise des travaux

Lors d’une audience jeudi 15 décembre, l’État a tenté de convaincre le tribunal administratif qu’il y a urgence à reprendre les travaux de confinement des déchets ultimes à Stocamine. Souvent suivie par le tribunal, la rapporteure publique n’est pas de cet avis.

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Stocamine : la rapporteure publique rejette la reprise des travaux

La rapporteure publique a suivi l’association environnementale Alsace Nature ce jeudi 15 décembre, dans le feuilleton judiciaire de Stocamine. L’État et les Mines de potasse d’Alsace (MDPA) souhaitent confiner avec du béton 42 000 tonnes de déchets toxiques dans une ancienne mine, sous la nappe phréatique, à Wittelsheim, près de Mulhouse. Ils estiment que sortir ces déchets, qui sont sur place depuis 20 ans, est trop complexe vu la détérioration des galeries, et qu’il y a donc urgence à couler du béton pour créer une sorte de sarcophage de protection pour limiter la pollution de la ressource en eau potable.

Alsace Nature, la Collectivité européenne d’Alsace, la Région Grand Est et l’association Consommation logement cadre de vie sont au contraire pour un déstockage le plus complet possible. Car malgré l’aménagement voulu par l’État, la nappe phréatique sera inéluctablement polluée un jour par les déchets à cause d’une infiltration de l’eau. On ne sait pas précisément quand et à quel point.

Les tentatives de l’État

Depuis plusieurs années, les MDPA essayent de débuter les travaux. Mais la cour administrative d’appel de Nancy a déterminé en octobre 2021 que les garanties financières accordées par l’État aux MDPA étaient insuffisantes pour réaliser le suivi à long terme de ce stockage irréversible. Un nouvel arrêté préfectoral est donc en cours de réalisation. Une enquête publique doit être réalisée début 2023 pour permettre à cet arrêté préfectoral d’être publié au cours de l’été prochain. En attendant, l’État et les MDPA aimeraient pouvoir commencer les travaux préparatoires, estimant qu’il y a urgence vu la dégradation progressive des galeries dans lesquelles sont stockées les 42 000 tonnes de déchets industriels ultimes.

La préfecture du Haut-Rhin a donc rédigé un arrêté début 2022 autorisant les travaux préalables au confinement et ces derniers ont brièvement commencé au printemps avant d’être suspendus par le tribunal administratif comme le confinement irréversible n’est toujours pas autorisé. L’État et les MDPA ont ensuite formulé une requête au tribunal administratif pour demander la poursuite des travaux préparatoires au titre de l’urgence à reprendre les travaux, rejetée par la justice le 1er août.

« Comment faire confiance à l’État ? »

Jeudi 15 décembre, le tribunal administratif de Strasbourg examinait sur le fond le nouvel arrêté préfectoral visant à autoriser les travaux préparatoires. Pour Alsace Nature, l’urgence à agir n’est démontrée dans aucune étude par l’État. L’association environnementaliste, qui s’oppose à ce confinement et souhaite un déstockage le plus important possible des déchets toxiques pour protéger au maximum la nappe phréatique, dénonce aussi l’absence d’étude de faisabilité du déstockage, notamment à l’aide de robots.

Un juge administratif examine une nouvelle fois un dossier concernant Stocamine. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Pendant l’audience, la rapporteure publique, dont l’avis est souvent suivi par les juges en justice administrative, a retenu les arguments d’Alsace Nature dans ses conclusions. Elle demande donc la poursuite de la suspension des travaux. Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, est satisfait des conclusions de la rapporteure publique. Il s’interroge plus généralement sur la confiance que les citoyens peuvent accorder à l’État :

« Dans cette affaire, l’État fait tout pour commencer les travaux le plus rapidement possible, avant l’enquête publique, en assurant que c’est la seule solution, alors que la possibilité du déstockage n’a pas été sérieusement étudiée. Dans ces conditions, comment les citoyens peuvent-ils faire confiance à l’État ? Malgré l’incendie qui a eu lieu en 2002 dans la mine, malgré les doutes sur la nature des déchets… Cette position n’est pas acceptable pour nous. »

Les arguments du Département et de la Région rejetés

Me Zind, l’avocat d’Alsace Nature, rappelle que la seule expertise fournie par l’État censée justifier l’urgence de réaliser les travaux met justement en cause les MDPA sur l’entretien d’une zone de la mine. L’étude de Geos datée de l’été 2022, consultée par Rue89 Strasbourg, indique : « Il n’y a pas eu de maintenance importante depuis plus de sept ans. Cela explique l’état actuellement fortement dégradé de la zone. »

La Collectivité européenne d’Alsace (CeA), la Région Grand Est et l’association Consommation logement cadre de vie (CLCV) étaient associées à Alsace Nature. Mais la rapporteure publique considère que les juges devraient conclure à l’irrecevabilité de leurs requêtes car la pollution de la nappe phréatique n’entrerait pas dans leur champ de compétence. La décision du tribunal est attendue le 12 janvier.


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