Seaux à la main, ils font la queue pour accéder à une citerne contenant de l’eau potable. Une soixantaine de personnes participent à la mise en scène dystopique, devant la mairie de Wittelsheim ce 10 mai. Elles répondent à l’appel des opposants au projet de Stocamine porté par l’État, qui consiste à enfouir, pour l’éternité, sous la nappe phréatique, 42 000 tonnes de déchets contaminés à l’arsenic, au cyanure ou encore à l’amiante. L’entrée du site de stockage, une ancienne mine de potasse, se trouve dans la même commune.
C’est le dernier jour de l’enquête publique pour le confinement définitif des déchets à l’aide de barrages en béton. Dans le bâtiment communal, les commissaires enquêteurs recueillent des contributions. « Même si on dit qu’on n’est pas d’accord, ça ne change rien. Lors de la précédente enquête publique qui posait déjà cette question en 2016, on était presque 90% à demander de remonter les déchets à la surface. Mais nous avons tout de même participé une nouvelle fois », affirme Loïc Minery, porte parole alsacien d’Europe écologie-Les Verts (EE-LV) et élu à Mulhouse.
Difficile de faire confiance à l’État
Le matin même, les associations CLCV 68, Alsace Nature, Cité Langenzug, Eau en danger et le collectif citoyen de Guebwiller ont participé à une commission avec notamment les représentants de l’État et des Mines de potasse d’Alsace (MDPA), qui gèrent Stocamine. Elles ont alors pu exprimer leurs nombreux doutes sur la fiabilité du processus de confinement des déchets toxiques. Études et modèles mathématiques à l’appuie, les MDPA ont assuré que l’impact sur la nappe sera négligeable, même si les polluants atteindront tôt ou tard la réserve en eau potable.
« Tout cela reste des hypothèses dont on n’est pas certains », balaye Philippe Aullen, du collectif citoyen de Guebwiller. Difficile pour les opposants de faire confiance à l’État, qui avait, avant le lancement de Stocamine, promis la possibilité de ressortir les déchets de la mine. Il avait alors oublié que les mines se dégradent au fil du temps. C’est désormais cette dégradation de la mine qui sert d’argument principal au gouvernement pour confiner les déchets.
Josiane Kieffer, de la CLCV 68, regrette l’absence d’étude sur la santé humaine de l’ingestion de cyanure ou de mercure, et souligne les nombreuses incertitudes qui résident dans le dossier, comme les effets cocktails, soit les incidences des molécules toxiques quand elles agissent à plusieurs en même temps.
« On peut trouver une solution technique »
Surtout, les militants dénoncent « l’absence de volonté politique » de sortir les déchets de la mine. Des élus, des ingénieurs et des experts estiment que le déstockage est encore possible aujourd’hui. De son côté, la direction des MDPA, appuyée par les délégués du personnel de Stocamine, assurent que cela serait trop risqué. « La France est capable d’aller dans l’espace et d’envoyer des robots à Fukushima, alors elle peut trouver une solution technique pour sauver la nappe phréatique », rétorque Philippe Aullen.
La procédure administrative pour le confinement définitif avance et les MDPA considèrent qu’un arrêté préfectoral autorisant les travaux pourra être publié en septembre 2023. Devant la mairie de Wittelsheim, en se baissant pour récupérer de l’eau potable, une femme s’insurge : « Nos descendants seront peut-être obligés de faire ça. »
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