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« Stocamine : comme un poison dans l’eau » : révélations sur un État qui choisit l’intoxication

Dans le dossier Stocamine, l’État n’a pas seulement renié sa promesse initiale de déstocker les déchets ultimes. Il a délibérément fermé les yeux sur la faisabilité du déstockage. Il continue de nier les risques pour la qualité de l’eau potable et semble oublier la gestion chaotique du centre d’enfouissement avant sa fermeture.

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« Stocamine : comme un poison dans l’eau » : révélations sur un État qui choisit l’intoxication

Deux journalistes d’investigation, des heures d’entretien et des centaines de pages de documents… Pendant quatre mois, Rue89 Strasbourg et la Badische Zeitung ont enquêté sur le dossier Stocamine, un centre d’enfouissement de déchets ultimes à Wittelsheim dans le Haut-Rhin, grâce à une bourse du fonds de soutien au journalisme d’enquête transfrontalier IJ4EU.

Mardi 19 septembre, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé à plusieurs élus alsaciens qu’aucun déchet ne sera remonté à la surface et que les travaux de confinement définitifs de Stocamine devraient être achevés au plus tard en 2027. Nous publions donc le fruit de notre enquête. Le dossier « Stocamine – Comme un poison dans l’eau », c’est l’histoire d’un État qui décide de prendre le risque de contaminer la plus grande nappe phréatique d’Europe occidentale tout en ignorant l’opposition des associations environnementales, des élus locaux et des Alsaciens. Lors de l’enquête publique pour le confinement des déchets au printemps 2023, 98% des 1571 contributions étaient pourtant défavorables au projet.

Des déchets irréguliers, un incendie

Le premier volet de cette investigation revient sur la fin de l’exploitation du site de Stocamine. Après avoir récupéré un dossier de plus d’un millier de pages, Thibault Vetter s’est plongé dans l’enquête qui a suivi l’incendie du bloc 15 en 2002. Son article révèle avec tous les détails que le groupe Séché a envoyé des déchets interdits à Stocamine. De nombreux documents attestent d’un processus d’acceptation des déchets mené au forceps par l’ancien directeur de Stocamine, au mépris de la réglementation et des alertes internes. À l’issue du procès, il avait été condamné à 5 000 euros d’amende pour « mise en danger d’autrui par violation manifestement délibérée d’obligations particulières de sécurité et de prudence ».

Le deuxième article de notre série révèle le jeu de dupes mené par le ministère de la Transition écologique quelques mois avant l’annonce du confinement définitif des déchets. L’État a d’abord fait miroiter la possibilité d’une dernière expertise sur la faisabilité du déstockage. Puis il a retiré sa main tendue aux organisations environnementales en déplorant le positionnement pro-déstockage des experts proposés par Alsace Nature et France Nature Environnement.

La fin de l’affaire ?

Un troisième volet de ce dossier se déroule Outre-rhin. Notre consœur du Badische Zeitung Bärbel Nückles est allée interroger les associations écologistes et autres élus inquiets pour la qualité de l’eau potable de la nappe phréatique rhénane qui alimente des millions d’Allemands. Ils demandent le déstockage le plus important possible des déchets toxiques de Stocamine.

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a pris sa décision. Mais est-ce la fin définitive de l’affaire Stocamine ? En janvier 2021, Barbara Pompili avait déjà fait le même choix que son successeur. S’en sont ensuivis deux ans de bataille judiciaire entre tribunal administratif de Strasbourg et cour d’appel administrative de Nancy. L’État pro-confinement définitif en est sorti défait, contraint de produire un nouvel arrêté préfectoral pour lancer les travaux d’enfouissement. Mais les opposants comptent bien maintenir la pression pour éviter la contamination de la ressource en eau de plus de 5,6 millions de personnes. Entre une plainte déposée par Alsace Nature contre les gestionnaires de Stocamine et la manifestation prévue par Extinction Rebellion, les Soulèvements de la Terre et le collectif Destocamine le samedi 23 septembre à Wittelsheim, le dossier Stocamine devrait connaître encore quelques rebondissements.


Dans le dossier Stocamine, l’État n’a pas seulement renié sa promesse initiale de déstocker les déchets ultimes. Il a délibérément fermé les yeux sur la faisabilité du déstockage. Il continue de nier les risques pour la qualité de l’eau potable et semble oublier la gestion chaotique du centre d’enfouissement avant sa fermeture.

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