La préfecture du Haut-Rhin a publié le 28 septembre un arrêté préfectoral autorisant « la prolongation pour une durée illimitée, de l’autorisation à la société des mines de potasses d’alsace (MDPA) de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux non radioactifs sur le territoire de la commune de Wittelsheim ». Cela doit permettre de débuter les travaux de confinement définitif de Stocamine, à grands coups de béton, des 42 000 tonnes de déchets toxiques situés sous la nappe phréatique.
Lundi 9 octobre, Alsace Nature a déposé une requête en référé suspension contre cet arrêté préfectoral. L’objectif étant d’empêcher le début des travaux. L’association demande l’extraction des déchets. Au terme d’une longue bataille juridique, elle avait déjà réussi à annuler un premier arrêté d’autorisation des travaux de confinement en 2021, en obtenant l’annulation d’un arrêté préfectoral du 23 mars 2017. C’est la procédure qui avait contraint l’État à produire ce nouvel arrêté.
Une nouvelle bataille juridique
Cette requête en référé suspension de 95 pages rédigée par Me François Zind, avocat d’Alsace Nature, dénonce la « violation du principe constitutionnel de participation effective du public ». Il estime que « l’information donnée au public est à considérer tout à la fois comme inexacte et insincère, et par voie de corrélation, incomplète et non pertinente » :
« Le fait d’affirmer que la date de 2027 serait la date au-delà de laquelle les conditions de sécurité ne sont plus réunies pour procéder au déstockage en raison de la convergence des galeries est une déclaration mensongère portant sur des faits substantiels : alors que 98% des observations émises lors de l’enquête publique sont défavorables au projet d’enfouissement définitif, le fait d’imputer à cette date des conséquences fausses a nécessairement influencé le public et l’administration. »
Extrait de la requête en référé suspension d’Alsace Nature
Me Zind relève également des « erreurs grossières d’appréciation des possibilités réelles de déstockage compte tenu des techniques actuellement disponibles » ou encore le « non respect des générations futures », qui risquent de voir leur ressource en eau potable contaminée par les déchets toxiques. Pour Alsace Nature, l’enfouissement définitif des déchets contrevient à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui impose aux États l’obligation de protéger « la vie et la santé humaine contre des dangers qui les menacent », notamment des pollutions, y compris pour les générations futures.
Des sénateurs alsaciens formulent un recours gracieux
L’association environnementaliste remarque enfin que l’autorité décisionnaire (la préfecture), est aussi bénéficiaire de l’autorisation sollicitée en qualité d’actionnaire à 100% du pétitionnaire : l’État détient les MDPA. Cela crée une potentialité de conflit d’intérêt non conforme à la directive 2014/52/UE du Parlement européen selon Alsace Nature, notamment en ce qui concerne les études menées pour justifier le confinement des déchets.
Me Zind demande donc au tribunal administratif de transmettre le dossier à la Cour de justice de l’Union européenne. À défaut, Alsace Nature demande aux juges administratifs d’enjoindre les Mines de potasse d’Alsace à « maintenir l’ensemble des galeries en état afin de garantir » la possibilité de sortir les déchets. L’audience se tiendra jeudi 2 novembre à 14h au tribunal administratif de Strasbourg.
Parallèlement, la sénatrice alsacienne Sabine Drexler (LR) a initié un recours gracieux contre l’arrêté préfectoral du 28 septembre pour demander le renouvellement du cuvelage du puit d’accès à la mine afin de protéger la nappe phréatique d’un dysfonctionnement de ce dernier.
Elle demande également que des forages pour pomper l’eau polluée « soient réalisés immédiatement », et pas comme prévu, lorsqu’on constera que la nappe sera polluée « en surface, donc quand il sera trop tard ». Les sénateurs Jacques Fernique (EE-LV), Claude Kern (UDI), Christian Klinger (LR), Laurence Muller-Bronn (LR), André Reichardt (LR) et Elsa Schalck (LR) se sont associés au recours. Sur les neuf sénateurs alsaciens, deux n’ont pas signé le recours : Patricia Schillinger (Renaissance) et Ludovic Haye (Renaissance).
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