19h devant la salle du Rhenus, à une heure de la demi-finale de Coupe de France de basket opposant la SIG (Sportive Illkirch-Graffenstaden) à Dijon. Les spectateurs affluent devant les portes vitrées, les voitures des partenaires entrent dans leur entrée réservée et une odeur de saucisse se diffuse depuis l’unique baraque-à-frites. Jacques et Maxime, tous deux étudiants, sont aux fourneaux. Pas vraiment des fans de basket, ils apprécient « l’ambiance » et leur place « plus tranquille » que dans les buvettes à l’intérieur, où travaillent aussi des étudiants.
Dans le couloir qui entoure les tribunes, de nombreux bénévoles en tenues oranges guident le public vers les portes. Sophie, « grande supportrice de la SIG », devenue bénévole « en même temps que son chéri » après un déplacement à Nancy, tient le stand de maillots. À défaut de pouvoir regarder le match, elle affirme « tisser des liens avec les autres bénévoles », notamment lors du traditionnel « cocktail de fin de match » et lors de barbecues organisés par le club.
Lors du dernier quart-temps, elle descend rejoindre son ami dans l’unique kop du club : celui de La Wantzenau. Créé en 1994 au lendemain d’une défaite en finale de Coupe de France contre Limoges, le kop avait été transféré à Strasbourg après un match amical contre le club de La Wantzenau.
« Sophie débarque à la fin, mais elle nous déchire toujours deux ou trois clap-claps », chambre Olivier, au sujet de l’énergie explosive de sa camarade du kop. Ce contrôleur SNCF, ancien joueur de basket, prépare la double grosse caisse avec Monique, la présidente du kop, à quelques minutes du coup d’envoi :
« On commence à taper à la présentation des équipes. Les adversaires : on applaudit. La SIG : on tape… jusqu’au coup de sifflet final ! »
« Le public de Nanterre ou Limoges, des fous »
Tout en bas de la porte B, dans la tribune de droite, se trouve le kop de La Wantzenau: une vingtaine de supporters en t-shirts rouges floqués du nom du kop, plus bruyants et communicatifs que le reste du public. Dans la tribune de gauche, les spectateurs semblent plus tranquilles. Sylvia, venue exceptionnellement seule, porte aussi un t-shirt rouge, celui du club que l’on retrouve sur pas mal de spectateurs. Cette mère de deux filles qui jouent en pré-national ne soutient pas l’opinion négatif sur le public de la SIG :
« Le public est chaud ! Souvent à la TV on entend qu’on est pas un bon public… Alors oui c’est sûr, on n’est pas Nanterre ou Limoges… Mais eux, ce sont des fous ! »
Bien assis sur les sièges en plastique rouge, le public applaudit la présentation des Strasbourgeois. Dans la salle raisonnent les encouragements et le son sourd des claps-claps en cartons déposés sur chaque place. Du côté du kop, les tambours et les caisses donnent le rythme pendant qu’un tifo (un grand drap où il est écrit « faisons équipe ») et des drapeaux planent au-dessus des têtes des supporters, bien debouts.
Le Kop présent dans les temps faibles de son équipe
« Défense ! Défense ! Défense ! » scande sans interruption le kop strasbourgeois à chaque possession adverse. À l’inverse de Dijon, la SIG n’est pas encore rentrée dans son match. Olivier peste par de grands gestes contre les erreurs inhabituelles d’Antoine Diot (le meneur de jeu) et les siens. Pour tenter de relever son équipe, le kop se lève comme un seul homme et chante des rengaines de supporters: « Aller Stras-bour-geois ! ». Puis le populaire: « Tous ensemble ! Tous ensemble ! Hé ! Hé ! ». Sans effet immédiat. La plupart des membres du kop finissent pas s’asseoir.
À chaque possession strasbourgeoise cependant, La Wantzenau frappe des deux mains. Le public, lui, semble éteint. Il faut attendre la fin du quart temps et un trois point d’Antoine Diot qui ramène la SIG au contact pour que le kop s’embrase. Le public, bien aidé par le speaker, se réveille au fur-à-mesure que la SIG prend le match en main. Olivier ne s’en contente pas et le juge « un peu mou » :
« Souvent des gens derrières nous demande de nous asseoir… Parfois même, ils nous envoient les stadiers ! Mais si tu ne veux pas d’ambiance, pourquoi venir derrière le kop ? «
Un public difficile à trouver
Malgré cette belle affluence due à l’enjeu et un tarif attractif (5€ pour toutes les places), la SIG peine encore à trouver un public régulier pendant les nombreux matches de la saison. Elle connaît en revanche un fort regain d’affluence au moment des playoffs, la fin du championnat, où beaucoup ne trouvent pas de billet. C’est pourquoi le club soutient financièrement son unique kop, l’a intégré à la « section SIG et bénévoles » et permet aux supporters de devenir actionnaires du club depuis 2011 au travers de la société SIG et Territoires.
Entre les quarts-temps, les gradins perdent des spectateurs qui se retournent vers les buvettes. Du côté de la tribune VIP: peu de mouvements. « Aujourd’hui il ne doit rien y avoir à manger dans les loges, mais en temps normal, elles se vident en un rien de temps », affirme Olivier en jetant un oeil à la tribune aux sièges rembourrés. Juste avant les reprises, le kop remet la salle dans le match après le passage de pom-pom girl et d’une troupe de capoeira. Une bonne partie du public suit. Une ola démarre même sous l’impulsion du speaker. Monique, tout proche du terrain, ne manque pas de la relayer.
Le public debout pour la victoire, puis vite dehors
« On est en finale, on est en finale… On est, on est, on est en finale ! » Il reste encore deux minutes à jouer, mais le public est enfin debout pour féliciter son équipe. La SIG l’emporte 60-50 et les joueurs viennent vers le kop saluer le public. Dix minutes plus tard, la salle est presque vide à l’exception du kop qui prépare déjà le déplacement pour la finale.
Olivier et son fils Julien, saluent des joueurs et leurs familles. Dans le couloir vers le local pour ranger le matériel, ils croisent Vincent Collet, l’entraîneur de la SIG et de l’Équipe de France. Olivier assure qu’une complicité s’est instaurée avec le staff :
« Parfois je lui demande des conseils pour entraîner ma fille. Cette année on sent une osmose plus grande. Les joueurs viennent faire un tour d’honneur même en cas de défaite. Ce soir tout le public était debout ! Ce qu’il nous faudrait, ce serait trois kops qui se répondent comme à Limoges, mais pour ça, il faut gagner des titres. »
Le 3 mai à Paris, le public de Strasbourg a rendez-vous avec son histoire.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg: le blog StreetBall89.
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