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Euthanasie : serons-nous tous un jour des Vincent Lambert?

La justice doit à nouveau se pencher sur le cas de Vincent Lambert. Plongé dans le coma depuis cinq ans à la suite d’un accident, sa famille se déchire devant les tribunaux pour savoir s’il doit être maintenu en vie ou non. Mais la question de la fin de vie ne doit pas être obligatoirement aussi conflictuelle. Elle se pose de plus en plus fréquemment, interroge chacun de nous, et peut être anticipée.

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Est-ce qu'on devient fou à l'hôpital ? (Photo Sébastien Desbenoit / Flickr / cc)

Est-ce qu'on devient fou à l'hôpital ? (Photo Sébastien Desbenoit / Flickr / cc)
Est-ce qu’on devient fou à l’hôpital ? (Photo Sébastien Desbenoit / Flickr / cc)

BlogTétraplégique et souffrant de lésions cérébrales définitives à la suite d’un accident de la route en 2008, Vincent Lambert est maintenu en vie dans un état végétatif chronique à l’hôpital de Reims. Il a fait état, mais uniquement oralement, de son souhait de ne pas vivre ainsi, mais sa famille se déchire sur les suites. La justice administrative doit à nouveau se pencher sur son cas le 20 juin. Ces allers-retours judiciaires n’en finissent pas alors que la question de la fin de vie se pose de plus en plus fréquemment. 

Jean est mon patient depuis 10 ans, il a un cancer très rare à développement très lent mais qui n’a aucun traitement efficace . Il sait que sa progression est inévitable. Il vient m’en parler souvent. Il ne veut pas finir à l’hôpital comme il dit, ni mourir d’étouffement. Son cancer envahit doucement, mais sans relâche ses poumons et sa gorge. Il va accepter des chimiothérapies qu’il sait très peu efficaces et me demande de mettre en place un système légal pour qu’on puisse l’aider, s’il vient à étouffer.

Nous allons rédiger ensemble un document respectant les lois françaises en vigueur au cas où il en arriverait là. Ce document précisera même quelles substances lui administrer et à quels dosages. Il sera signé par le service de soins palliatif mobile consulté à cet effet, par le service de pneumologie qui lui fait sa chimio, par les infirmières à domicile, par son épouse, par lui même et par moi, son Doc traitant. Il mourra chez lui dans des conditions dignes comme il l’avait souhaité.

Joseph ne veut jamais être hospitalisé

Joseph est malade de sa prostate depuis 8 ans. Il a refusé tout traitement depuis le début, malgré mon insistance et mes demandes d’examens complémentaires réitérées. Joseph à un caractère fruste, a eu une vie difficile, il est réticent aux soins en général, en dehors d’un traitement pour son hypertension qu’il prend scrupuleusement. Il me dit à chacun de nos rendez-vous semestriels qu’il veut mourir chez lui et ne jamais être hospitalisé. Depuis 2 ans, il a une insuffisance respiratoire sévère due à une bronchite chronique qui est probablement aggravée par des métastases pulmonaires. Son taux d’oxygène dans le sang est tellement bas qu’il m’inquiète beaucoup.

Il ne veut rien savoir et s’exprime clairement sans aucune hésitation : il a bien compris ce qui l’attend et ne veut pas changer d’avis. J’ai rencontré sa fille très inquiète en sa présence et lui ai expliqué son refus de soins depuis des années. Joseph va mourir bientôt, son taux d’oxygène est si bas que je me demande comment il vit encore. Je rédige un mot sur son dossier avec lui qu’il signe avec sa fille pour le cas où un urgentiste passerait par là.

L’autre jour, une smurette a lu son dossier et ce mot et n’a pas réanimé Joseph, conformément à son souhait… Elle m’a appelée pour me dire combien ce mot l’avait aidée dans sa décision et m’a attendue pour que je signe son certificat de décès.

Les directives touchantes, mais illégales, de Madeleine

Madeleine vit seule depuis des années. Elle sait ce que maladie grave veut dire. Elle a été traitée, il y a 10 ans, pour une tumeur cérébrale et en garde des séquelles avec des troubles de l’équilibre. Deux ans plus tard, elle a développé un cancer du sein traité par chirurgie chimio et radiothérapie. Elle m’explique vouloir mourir dignement sans acharnement thérapeutique. Une de ses amies en aurait fait les frais selon elle.

Je lui parle de la possibilité de rédiger des directives anticipées. N’ayant personne autour d’elle de très proche, elle me demande de bien vouloir en être la dépositaire. Lundi dernier à l’issue de sa consultation de suivi habituelle, elle me tend une petite feuille de cahier à carreaux sur laquelle elle a rédigé ses directives. Elles sont claires et demandent même une euthanasie active. Je l’informe que la loi actuelle ne le permet pas. Je scanne son papier que je trouve touchant et le porte à son dossier. Je lui demande de déposer ce papier chez une amie également.

Les directives anticipées (PDF) concernent chacun de nous, il suffit de rédiger un petit texte sur une feuille de papier qui précise nos volontés au cas où nous ne pourrions plus les exprimer : coma, fin de vie, état végétatif chronique… Nul besoin de les faire enregistrer dans un organisme quelconque, ni chez un notaire. Il suffit de les confier à un proche, voire de donner une copie à son médecin traitant. Ce genre de papier permettra peut être d’éviter la situation humainement insupportable de Vincent Lambert.

Elles doivent être rédigées personnellement, avec nom, prénom, date, lieu de naissance et signature, mais en cas d’impossibilité, elles peuvent être dictées par la personne devant deux témoins qui la signeront. Elles sont valables pendant 3 ans, puis il faut les rédiger à nouveau. Bien sûr, le médecin qui soigne le patient en fin de vie n’est pas tenu légalement de s’y conformer, mais j’imagine mal qu’il n’en tienne pas compte. À noter que ces dispositions datent de 2005 déjà.

Aller plus loin

Sur le site de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs : le modèle de directives anticipées (PDF)


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