Ma première rencontre avec Serge date d’il y a presque 6 ans. Pendant la Coupe du monde 2010, tous les matins sur Radio Bienvenue Strasbourg, avait lieu La Coupe est pleine, talk bigarré où Stéphane Bossler donnait la possibilité à divers chroniqueurs de s’exprimer sur les matches du Mondial. On avait rapidement sympathisé et il nous avait ensuite rejoint au Mojito Football Club, émission diffusée sur RBS depuis septembre 2010 qui décortique chaque lundi soir l’actu footballistique mondiale.
« Sergio » est un passionné de foot, un vrai, avec qui il est toujours enrichissant d’échanger. Actuellement, il entraîne les moins de 16 ans du Racing, mais mène parallèlement d’autres activités liées au foot et à l’Alsace.
Paolo : peux-tu te présenter en quelques mots ?
Serge Costa : J’ai 28 ans, je suis originaire de Sarrebourg et je suis arrivé à Strasbourg en 2008. Avant cela, j’ai mené la première partie de mes études à Nancy et fait une année de stage au FC Metz, au service marketing. Petit à petit, j’ai rencontré certaines personnalités du football alsacien : Jean-Marc Kuentz, Thierry Brand, François Keller et Martin Djetou, notamment.
Tu entraînes les moins de 16 ans du Racing, en duo avec Martin Djetou. Comment a démarré l’aventure ?
Via Jean-Marc Kuentz, que je rencontre au Mojito FC sur Radio RBS en 2010, avec lequel j’ai beaucoup échangé depuis. Il me présente ensuite à Thierry Brand, qui me prend comme adjoint des 15 ans inter-région, pendant une année. L’année dernière, j’ai eu la charge de l’équipe U12, en remplacement d’un coach. Et cette année U16 avec Martin Djetou.
« Martin Djetou est plus qu’un coach, c’est un grand frère »
Quand as-tu commencé à entraîner ?
Avant le Racing, j’ai fait 3 ans à l’AS Nancy où j’ai débuté à l’école de foot puis en soutien sur des équipes du centre de formation. J’ai eu la responsabilité d’une équipe sport-études au FC Sarrebourg et j’ai entraîné des 17 et des 19 ans Excellence au FC Sarrebourg.
Tu travailles avec Martin Djetou, ex grand défenseur du Racing, Monaco et Parme notamment. Comment ça se passe avec lui ?
C’est quelqu’un de très franc, qui est là pour les gamins, pour le football. C’est aussi une bible : il te parle d’Arrigo Sacchi, de Parme, de ses confrontations directes avec Batistuta, de Crespo, d’Inzaghi… Il faut savoir bien le solliciter et là tu apprends énormément. Tu sens qu’il ne triche pas. Quand il y a un souci, il va rester une heure avec un gamin pour discuter. En fait, il joue vraiment le rôle d’un grand frère. Il va plus loin que ce que plein de coachs font, bref, une super collaboration !
Qui prend les décisions dans votre duo ?
On prend toutes les décisions ensemble, on s’entend très bien et je ne me force pas. Et ça c’est un réel plaisir !
« Sur la saison, on est 2e du classement, sans pression »
Sur la saison en cours, où en êtes-vous avec les moins de 16 ans ?
On est deuxième, mais il n’y a vraiment aucune volonté de recherche de classement du club : il y a juste le souhait d’amener un max de joueurs vers les U17 nationaux et de les faire progresser tant individuellement que dans un collectif.
Comment as-tu commencé à vivre du foot ?
Chez Puma, en tant que responsable sponsoring, où je devais notamment détecter des jeunes. J’ai fait quelques mauvais choix, mais on a quand même fait signer Antoine Griezmann (que personne ne connaissait à l’époque) ou Kalidou Koulibaly (aujourd’hui au Napoli). Et puis le dernier dont je suis très fier c’est Thomas Lemar à Caen. Faire de la détection pour Puma, ça m’a aidé à forger un œil. Entraînement, recrutement, détection : si tu te poses les bonnes questions tout est intimement lié.
« Les filles de Vendenheim sont en train de nettement progresser »
En tant qu’entraîneur, tu œuvres aussi du côté du FC Vendenheim…
Les filles de Vendenheim en U19 nationaux, c’est en train de beaucoup progresser. Certaines m’impressionnent vraiment. On a 10 filles au pôle espoir féminin de Strasbourg, toutes en bac général, et parmi elles 3 ou 4 auront sans doute une mention très bien au bac ! En fait, j’ai plus un rôle de sélectionneur qu’un rôle d’entraîneur à Vendenheim. Je dois optimiser le potentiel de ces filles qui évoluent au pôle espoir Grand Est – où on retrouve beaucoup de filles de Vendenheim, ainsi que des joueuses de Franche-Comté et de Lorraine – mais aussi de celles qui sont au sport-études du lycée Jean Monnet à Strasbourg.
En quoi es-tu plus sélectionneur qu’entraîneur exactement ?
La semaine, je ne mène pas d’entraînement avec les filles du pôle. Je ne les vois que le week-end à l’occasion des matches. Du coup, pour renforcer les automatismes, on est obligé au mois d’août de faire des grosses prépas tactiques. Pour l’instant, ça marche : troisièmes la première année derrière le PSG et Juvisy, quatrièmes en 2014-15 et cette année on est en Tour élite, parmi les 12 meilleures équipes françaises. Mais ce n’est pas moi qui les forme, je les sélectionne pour le week-end. Donc c’est un autre fonctionnement qu’au Racing où tu vois les garçons tout le temps, en collaboration avec un staff complet.
Le pouvoir des statistiques
À côté de tes activités d’entraîneur, tu consacres le plus clair de ton temps à travailler individuellement avec des joueurs pro. Peux-tu nous en dire plus ?
Je travaille en collaboration avec Fabien Richard (spécialiste en individualisation de la préparation physique en football), avec des agents qui font appel à mes services pour optimiser le potentiel de leurs joueurs et avec des pros qui m’ont contacté directement. Par exemple, je collabore avec deux défenseurs centraux qui évoluent l’un en Espagne, l’autre en Allemagne ; l’idée, c’est de leur apporter un max d’infos sur leurs adversaires, susceptibles de les embêter dans leur propre zone.
C’est-à-dire quel dribble, les déplacements sans ballon, l’enchaînement préférentiel par zone, quel pied fort, etc. La nécessité pour eux est d’avoir toujours un temps d’avance. Cette saison je collabore avec 10 joueurs professionnels : il y a essentiellement des internationaux et des jeunes qui démarrent leur carrière en Ligue 1. L’année passée, ces derniers avaient pour but de rejoindre la Premier League, mais ils trouvaient qu’ils n’avaient pas assez de stats, qu’ils n’étaient pas assez décisifs. Donc ils ont fait appel à mes services.
Précisément, comment les as-tu aidés à être plus performants ?
En analysant leurs perfs individuelles d’une part et, d’autre part, en les aidants à mieux connaître leurs coéquipiers. Avec Idrissa Gueye à Lille l’an dernier, on a fait de la vidéo autour de grandes questions comme « tes partenaires qui sont-ils ? » et on a étudié le comportement en animation offensive de top players évoluant au même poste. Et ça a été une réussite parce qu’il a fini par marquer 4 buts.
À un moment donné, Idrissa, dans sa tête, ça allait trop vite. Le but de mon intervention était qu’il arrive à prendre la meilleure décision en une fraction de seconde, en fonction des partenaires et des adversaires. Avec Idrissa, on a aussi observé, entre autres, un international comme Blaise Matuidi en nous demandant : qu’a fait Matuidi pour progresser et comment exister dans l’animation offensive du Paris SG.
Quels sont les facteurs de réussite d’une telle méthode ?
Tout dépend de deux facteurs : la complicité et le relationnel d’une part, l’implication des joueurs sur la durée d’autre part. Certains vont être à fond au début puis après, pendant des mois, ils se laissent aller. Je n’ai pas la science infuse, mais dans un premier temps je dois faire prendre conscience au joueur que la réussite va de pair avec l’investissement et l’exigence qu’ils vont s’imposer. Et dans un second temps, je dois les pousser à se dépasser constamment.
Où puises-tu ton inspiration ?
Dans la vidéo et le visionnage de plusieurs séquences. Après les avoir regardées plus d’une dizaine de fois, tu les croises avec d’autres sur les meilleurs joueurs mondiaux. Je n’ai rien inventé, je vole plein de trucs à tout le monde. En particulier, je m’inspire de beaucoup de lectures lusophones. D’ailleurs, j’étais cet été au Portugal et ai beaucoup échangé avec un ancien adjoint de Rafael Benitez. J’étais aussi faire de l’observation au Sporting Lisbonne et on m’a ouvert les portes du centre de formation de Chelsea.
« Je reste discret pour protéger les joueurs »
Pourquoi es-tu si discret ? Difficile de trouver des infos sur toi et ton activité…
Je reste discret pour protéger les joueurs et notre activité. Et ce n’est que ma deuxième saison avec des pros en individuel, donc il n’y a pas lieu de s’enflammer. Ma réussite aujourd’hui, c’est que je bosse avec des joueurs ou des agents qui continuent de me solliciter sur la durée. C’est ça la reconnaissance. Ce boulot, ça me permet de progresser et de me remettre en question chaque jour. En outre, travailler auprès des pros permet de stimuler ma réflexion, et ensuite ce n’est que bénéfique pour les groupes dont j’ai la charge à Vendenheim et au Racing.
Autre sujet : la formation. Que penses-tu du niveau de la formation en France ?
C’est difficile pour moi d’évoquer la formation en France, parce que le système est plus fermé qu’ailleurs. En France, si t’as pas tes 100 matches pro dans les jambes, c’est plus compliqué d’exister. Par contre, je peux plus te parler de l’Espagne ou du Portugal, où on aime échanger et partager. Mis à part avec Jean-Marc Kuentz, avec qui on échangeait fréquemment avant son départ pour le Qatar, et avec l’ensemble des entraîneurs du Racing et du FC Vendenheim, je n’ai pas trop de relations.
« En Espagne, le football est une science humaine »
Parlons de l’Espagne et du Portugal alors…
J’ai eu la chance de collaborer l’été dernier avec des techniciens espagnols au centre de perfectionnement de la Manga (près de Valence), dirigé notamment par un ancien adjoint de Rafael Benitez. Là-bas, outre la passion et l’ensemble des principes qui organisent le jeu, ils ne considèrent pas juste le footballeur, mais valorisent l’homme. Pour eux, le football est une science humaine qui met en interactions plusieurs disciplines externes : psychologie, management des hommes, méthodes d’apprentissage, etc.
En Espagne ou au Portugal, ils font confiance à des universitaires : regarde Jardim, Mourinho, Villas-Boas ou Benitez. De vrais cerveaux ! Par ailleurs, au PSG actuellement, le responsable formation est un Espagnol : Carles Romagosa. C’est quelqu’un qui a travaillé en individuel avec des pros (www.soccerservices.net) et notamment Carles Puyol.
En fait, tu es en train de sous-entendre que la France est en retard…
Je ne peux pas forcément dire que c’est mieux à l’étranger, car je n’ai pas trop la possibilité de voir ce qui se fait dans le foot français. Actuellement, je travaille avec un garçon du Standard de Liège et il faudrait également aller voir de plus près ce qui se fait aux Pays Bas et en Belgique.
« Les Alsaciens méritent un club en Ligue 1 »
Revenons en Alsace et à Strasbourg. Est-ce que tu te sens quelque part supporter du Racing ?
C’est le club dans lequel je suis, donc je suis supporter des joueurs avec lesquels je travaille. Sinon, il est clair que le Racing devrait être en Ligue 1 et les Alsaciens méritent de voir le club à cette place. Une telle passion, tu ne la vois pas partout. Maintenant je n’ai jamais été vraiment supporter, de façon générale. J’adorais le Barça de Kluivert, Figo et Rivaldo, le Manchester United avec Tevez et Ronaldo, la Fiorentina de Batistuta, le Monaco de 1999-2000. Et petit j’aimais bien le PSG de Raï.
Tu as des souvenirs du passé liés au Racing ?
Je me rappelle de la victoire en Coupe de la Ligue face à Bordeaux, en 1997, avec Stéphane Collet qui met le dernier tir au but. Puis derrière les Glasgow Rangers et Liverpool qu’ils éliminent, le coup-franc de Valérien Ismaël contre l’Inter Milan de Ronaldo. Zitelli, Nouma, Baticle, Collet, Dacourt : quelle génération ! Sinon, je me rappelle avoir été voir Strasbourg-Metz en Coupe de la Ligue à la Meinau en 2000. A l’époque c’est le magazine Onze Mondial qui m’avait invité, tu pouvais envoyer un coupon et recevoir des places gratuites !
Oui, d’ailleurs j’avais été aussi voir ce match grâce à Onze Mondial !
0-0, après prolongations et victoire du Racing aux tirs aux buts. Et je me souviens que j’étais dans un quart de virage, mais pas le kop. Après, j’y allais parfois pour voir le PSG. Je me rappelle d’un match, 0-0, sous la neige. Avec Ronaldinho.
En 2003. 0-1 je crois…
Ah oui, 0-1 but d’Aloisio du genou. On avait économisé des deniers pour un match pourri comme ça. Et je me rappelle d’une fois quand Pauleta rate un pénalty, Lorik Cana prend vite un rouge et Strasbourg gagne (NB : il s’agit en fait de deux matches différents, respectivement un RCS-PSG 3-1 en 2005 et un RCS-PSG 0-0 en 2004). Et sinon j’ai des souvenirs de l’époque Renteria, saison 2007-08, j’aimais bien Renteria. Contre Auxerre et Monaco il avait fait un gros match, je crois.
Un mot de conclusion sur le foot en général ?
Comme je l’ai dit au Mojito FC il y a 2 semaines, le foot aujourd’hui il faudrait prendre les stades allemands, avec le jeu espagnol et les logos anglais, et là t’aurais la NBA du foot !
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